Mon éditorial
J’ai remarqué que ce début d’année académique, ça a sacrément déstabilisé mon cours de travail intellectuel. Par « travail intellectuel » je comprends le fait que j’écrive quelque chose sur mon blog ou dans un article scientifique. Depuis l’avènement de la psychologie behavioriste il n’est pas tout à fait clair si le fait d’utiliser le langage, même dans le haut registre grammatical, est une preuve d’intelligence. Il y a des cas pour et il y a des cas contre. J’espère être un cas pour. Bon, assez de psychanalyse, faut faire ce travail intellectuel dont je parle. Depuis que j’avais pondu ce dernier article, je réfléchis comment je pourrais bien développer cette idée sous la forme d’un livre et, en même temps, comment je peux inclure les résultats de ma recherche dans mon enseignement à la fac. Procédons par ordre : il serait bon de faire un petit sommaire de ce que j’avais fait en termes de recherche, cette année.
Tout d’abord, l’idée que j’avais nourri depuis printemps, cette année, et qui pour le moment n’a abouti à aucune conclusion : le Wasun ou la monnaie virtuelle attachée au marché d’énergies renouvelables. Mon idée de base était que la création d’une telle monnaie – « création » semble être un terme plus approprié que l’émission, dans ce cas précis – pourrait faciliter la transition des communautés locales vers une base énergétique verte à 100%. Bien que j’avais tourné et retourné cette idée sous – comme je pense – tous les angles possibles, rien ne semblait coller. Après, comme je me suis fait une base empirique à propos d’énergies vertes, j’ai un peu compris pourquoi ça ne collait pas. Un, la transition vers les énergies renouvelables, ça se fait à une cadence de plus en plus accélérée, un peu partout dans le monde, et cette accélération est peut-être le fait le plus important dans toute ma recherche cette année. Deux, je viens de prouver que – ou, comme on dit dans le langage élégant et barbant de la science, de contribuer à clarifier les présomptions qui laissent poser l’hypothèse que – la grande majorité des populations locales sur Terre peut se stabiliser et même croître significativement autour d’énergies renouvelables. Pas vraiment besoin de fouetter ces chevaux. Ils sont déjà en plein galop. Trois, j’avais produit une preuve scientifique convaincante que le changement technologique accéléré, ça produit notoirement un surplus de masse monétaire. Là aussi, il n’est pas vraiment impératif de pousser plus : ça roule tout seul.
Par contre, un truc qui semble avoir marché d’une façon très intéressante, c’est l’équivalent de cette astuce où on tire la nappe d’une table, d’un coup sec, sans renverser les couverts. Les couverts sont les faits empiriques. La vie, quoi, juste exprimée en nombres. La nappe que j’avais tirée d’en-dessous ces couverts c’est l’assomption que notre civilisation devrait économiser l’énergie. Je suis fermement convaincu et j’ai une méthode scientifique de prouver que le comportement collectif de notre espèce – y compris la transition vers les énergies vertes – s’explique d’une façon beaucoup plus raisonnable avec l’assomption contraire, c’est-à-dire que nous maximisons, systématiquement, l’absorption de l’énergie de notre environnement. Nous demander d’économiser l’énergie c’est comme demander à un tigre de se convertir au véganisme.
Bon, tout ça, ci-dessus, c’est ce que j’avais plus ou moins prouvé ou présenté sous forme d’une preuve scientifique. Ensuite, il y a mes idées : ces trucs importuns dans ma tête dont je ne sais pas comment les présenter d’une façon 100% scientifique et donc je ne sais pas s’ils sont vrais ou faux. Je pourrais les appeler hypothèses, seulement voilà, là, il y a comme un petit problème : une hypothèse scientifique, ça devrait être vérifiable, et pour ces trucs-là, je ne sais même pas comment les vérifier. Alors, première idée : le changement technologique s’effectue par expérimentation qui, à son tour, est un processus évolutif dans une structure sociale où des entités femelles – des gens avec du pognon qui en connaissent d’autres avec du pognon – recombinent des technologies initialement crées par des entités mâles (des gens avec des idées). Ce processus crée des hiérarchies des technologies, ou plutôt des hiérarchies des entités mâles, suivant les préférences des entités femelles. Idée no. 2 est que la hiérarchisation due aux mécanismes évolutifs s’effectue à travers trois processus de base : définition (et distribution) des rôles sociaux, définition d’identités de groupe, et enfin le gain d’accès aux ressources. Enfin, la troisième idée est qu’à présent nous traversons, comme espèce, une période d’expérimentation sociale accélérée et ceci pour deux raisons. Premièrement, plus on est du monde sur la Terre, plus on a d’interactions mutuelles. C’est comme une rue de grande ville : plus il y a du monde dans le quartier, plus il est probable qu’on croise quelqu’un dans la rue. Plus on a d’interactions, plus vite on apprend et plus on expérimente. Par ailleurs, cette période de 2007 – 2008, quand le marché d’énergies renouvelables avait tout à coup accéléré sa croissance, c’était précisément le moment quand la population urbaine mondiale avait franchi le cap des 50% de l’humanité. Deuxièmement, dans ma recherche j’ai découvert que l’intensité de l’innovation est la plus grande dans les pays où le déficit alimentaire est entre zéro et 88 kilocalories par jour par personne. Eh bien, il se fait que le déficit alimentaire moyen de la population globale vient de franchir ces 88 kilocalories par jour par personne. Nous sommes cette bête qui est déjà acceptablement nourrie mais pas encore tout à fait à sa faim.
Côté enseignement, j’ai déjà commencé à inclure l’étude du marché de l’énergie dans l’enseignement de la microéconomie, mais le truc le plus intéressant est comment enseigner à mes étudiants les façons d’étudier le phénomène d’intelligence collective et d’apprentissage collectif. J’avoue que je suis conscient de mes propres limites dans le domaine : l’intelligence collective c’est plutôt le truc d’informaticiens, mais j’ai quelques idées en tête. Je pense utiliser des fondements de la théorie des jeux pour montrer le mécanisme des choix faits sous incertitude. Peut-être j’utiliserai le rectangle Bayésien . Ce dernier truc, ça peut captiver l’attention des étudiants, avec toute cette histoire du philosophe (Thomas Bayes) mort plus d’un an avant la publication de son article. C’est que je veux c’est d’aller un peu à travers les disciplines. Ceci peut consister, par exemple, à montrer comment la définition des rôles sociaux peut induire du changement dans l’équilibre local d’un marché.