Couper le cheveu en quatre, puis en tirer une racine cube

Mon éditorial

Je continue sur ce truc d’expérience scientifique – ou plutôt du milieu expérimental – pour tester non seulement des produits FinTech mais aussi pour expérimenter avec la façon de les créer. J’en ai déjà donné deux descriptions, sous des angles différents et à ce propos vous pouvez consulter « Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher » ainsi que  « There are many ways of having fun with that experiment ». Ce qui m’intéresse à présent c’est une simulation de cette expérience : j’essaie d’imaginer comment elle peut bien se dérouler. Je commence donc comme un utilisateur de FinTech. Je fais une séquence des décisions financières. Question pratique : ça veut dire quoi, au juste, les décisions financières ? Que veut dire exactement « une séquence » ? Comment ? Je coupe le cheveu en quatre ? Eh bien, oui. C’est mon boulot du chercheur de couper le cheveu en quatre, puis en tirer une racine cube que j’associe ensuite, dans un vecteur, avec une projection de mon tour du crâne dans le système hexadécimal. Ça donne des observations intéressantes, ça rend la vie plus intéressante et, avec un peu de pot, ça permet d’inventer un nouveau shampoing.

Mes décisions financières, donc. Au niveau le plus élémentaire, je définis mon capital financier disponible. C’est là que l’expérimentation peut commencer : comment est-ce que je le définis ? Exemple : à un moment donné t0 j’ai un revenu disponible de €1200 par mois, plus des économies en forme d’épargne monétaire de €10 000, plus un portefeuille d’actions en Bourse qui vaut €6000, et en plus de tout ça j’ai une maison de valeur brute de €300 000 avec une hypothèque bancaire de €10 000, payable en des tranches mensuelles de €150. Question : si on me demande de prendre des décisions financières, dans tout le spectre possible, à commencer par la consommation courante, à travers l’épargne classique, en aboutissant à de l’investissement ciblé, quelle sera l’envergure totale de ces décisions ? J’explique le fond de la question. Dans ce cas précis, mes fonds propres, au moment d’avoir tout mon revenu mensuel réellement disponible (donc avant de le dépenser, mais après avoir payé la tranche de mon emprunt hypothéqué) sont égaux à E = €1200 + €10 000 + €6000 + €300 000 – €10 000 – €150 = €307 050. C’est mon capital sur le côté passif du bilan. Si quelle entité que ce soit m’offre des services financiers, FinTech ou traditionnels, cette entité va gagner son bénéfice en prélevant une marge sur mes opérations financières. Plus de capital je mets en mouvement financier, plus d’occasions de se glaner un petit pourcentage.

Ici, je trouve opportun de briser un cliché à propos de la finance. Il y a cette opinion commune que les financiers sont comme des vampires, qui sucent la dernière goutte de sang de nos veines. Alors, c’est ce qu’un vampire idiot ferait. Un vampire futé prélève juste quelques gouttes et, au mieux, la proie ne remarque rien. L’art de la finance consiste à vivre sur des marges vraiment serrées. Ce n’est pas pour rien que les financiers ont inventé le point de base : un centième d’un point de pourcentage. C’est en points de base qu’on calcule une marge transactionnelle dans la finance.

Le mouvement financier dont je parle est un ensemble de transactions. Dans mon expérience, je m’observe moi-même. Disons qu’il y ait trois de moi : un dépensier sans pédale d’arrêt, un bon vivant avec du bon sens et finalement un Harpagon (vous savez, l’Avare chez Molière, cinquième siècle derrière vous) bien économe. D’habitude, la prodigalité est opposée à l’avarice en relation au revenu disponible. Ici, je propose un cadre de référence légèrement différent. Être dépensier veut dire mettre en mouvement virtuellement la totalité du capital de notre bilan. Le moi prodigue dépenserait la totalité de mon capital et en plus, achèterait un appartement pour location, pour €150 000, en utilisant une hypothèque additionnelle du même montant, soutenue pour €75 000 par la valeur de cet appartement-même et pour les €75 000 restants sur la maison que je possède déjà. Le flux de trésorerie crée par le moi prodigue, sur une année, ferait à peu près : 12*€1200 de revenu courant dépensé, y compris les douze mensualités sur l’hypothèque déjà en place, plus économies dépensées de €10 000, plus €6000 la somme recueillie de la vente d’actions, dépensée ensuite, plus le versement du nouvel emprunt de €150 000 sur mon compte, plus le paiement de €150 000 pour l’achat de ce nouvel appartement. Solde : €330 400. Le moi bon vivant et bon sens dépense sans accumuler et sans s’endetter, donc, en principe, j’y tiens mon bilan en état constant, sans modifications des comptes capitaux. Ça donne 12*€1200 = €14 400. En ce qui concerne mon Harpagon alternatif, il pompe le bilan en épargnant €200 chaque mois, ce qui donne un flux de trésorerie fait des dépenses annuelles de 12*€1000 = €12 000.

Trois schémas comportementaux différents donnent trois flux de trésorerie qui, du point de vue d’un financier, ouvrent sur des marchés différents. La dépense courante, ça ne contient pas beaucoup de magie, pour un as de la finance. A moi bon sens et bon vivant, un ingénieur FinTech peut donner un simple logiciel de paiement, prélève une marge de 25 points de base (0,25%), donc un total de 0,25% * €14 400 = €36. De même à Harpagon (0,25% * €12 000 = €30) et au prodigue (0,25% * €30 400 = €76). Harpagon et bon vivant ont des économies à gérer. Le bon vivant tient ses économies constantes : €10 000 liquide sur compte épargne plus €6000 en actions égale €16 000, constant, que l’on peut lui proposer de placer sur un fonds d’investissement. Vous pouvez vérifier par vous-mêmes que les marges sur investissement sont beaucoup plus variées et potentiellement plus élevées que celles sur paiements courants. Avec un bon produit d’investissement et du bon marketing on peut penser même à une marge de 2% sur le capital engagé. Dans le cas du bon vivant ce serait 2% * €16 000 = €320.

Harpagon y ajoute €200/€1200 = 0,166666667 de son revenu courant, donc si on lui propose un fonds d’investissement à retour constant garanti 4%, il va accumuler, chaque année, au moins 0,166666667 * 4% = 0,67% de son capital épargne initial. Par conséquent, notre marge initiale de 2% sur €16 000 = €320 pourrait bien croître, après cinq ans, par exemple, jusqu’à 2% * (1,0067 )5 * €16 000 = €330,8.

La gestion des prêts est une chose à part. Le moi prodigue, en contractant €150 000 de prêt hypothéqué, donne occasion à prélever quelques 4% sur cette somme, soit €6000, chaque année. En plus, le paiement ponctuel de €150 000 au moment d’acheter la maison, donne lieu à une marge ponctuelle de 0,25% * €150 000 = €375.

Résumons. Le moi prodigue génère un flux annuel de trésorerie de €330 400, sur lequel le FinTech peut prélever une marge totale de €76 + €6000 + €375 = €6 451 sur la première année et €36 + €6000 = €6 036 sur chaque année consécutive.  Le moi bon vivant et bon sens, c’est un flux de trésorerie de €14 000 et une marge annuelle de €36 + €320 = €356. Le moi Harpagon génère un flux de trésorerie légèrement inférieur (€12 000 par an) mais la marge qu’il peut laisser créer sur sa finance personnelle est de €30 + €320 = €350 plus quelques €2 qui viennent s’ajouter à cette marge chaque année à mesure d’accumulation d’épargne.

Trois schémas différents de comportement donnent trois flux de trésorerie différents et trois types distincts d’opportunités pour les produits FinTech. La marge dérivée de chaque client dépend de son profil comportemental, mais aussi du répertoire d’utilités FinTech offertes. Règle générale : le mouvement des fonds capitaux donne plus d’occasions de gagner une marge transactionnelle que le simple flux du revenu courant. Le client le plus précieux, pour les produits FinTech, c’est un client actif financièrement.

Ceux parmi vous qui ont bien voulu suivre mon activité de blogger sur l’année dernière ont probablement vu que mon objectif est de créer de la science de bonne qualité, neuve ou presque. Sur mon chemin vers la création d’un site éducatif payant je passe par le stade de financement participatif. Voici le lien hypertexte de mon compte sur Patreon . Si vous vous sentez prêt à cofinancer mon projet, vous pouvez vous enregistrer comme mon patron. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon projet de création de site éducatif ?

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