Mon éditorial video
Je prends du recul dans mon projet BeFund. Je prends du recul pour prendre de l’élan, pour ainsi dire. Je suis déjà entré dans les détails de mon business plan et je sens un besoin de remettre mes idées essentielles bien en place. C’est un peu comme si je peignais un tableau à structure compliquée, censé représenter une bataille : de temps en temps j’ai besoin de reculer un peu pour voir si j’avais peint les soldats du côté de bon général.
Alors, ça avait tout commencé à la fin 2017, lorsque je me suis familiarisé (un peu) avec le projet Confluence, localisé à Lyon, France. Il se fait que j’avais passé quelques années à Lyon lorsque j’étais adolescent (oui, c’était avant l’invention de Facebook, non, ce n’était pas avant l’invention de la roue). J’aime y revenir de temps en temps et c’était en y revenant en Septembre 2017 que j’avais pris connaissance, pour la première fois, du projet Confluence. Je suis un scientifique par structure, pour ainsi dire. J’ai dans ma tête ces trois êtres coexistant : le singe curieux, le moine austère et le bouledogue heureux. Tous les trois, ensemble, ils me donnent ce désir insatiable de savoir plus. Si vous placez à portée de ma main un bouton avec écriteau « Touchez pas. Provoque la fin du monde en 30 minutes » je vous jure je le presserais juste pour voir ce qui se passe durant ces 30 minutes.
Alors, lorsque j’avais eu vent, pour la première fois, de ce que des grands projets des villes intelligentes peuvent bien avoir l’air, ça m’avait vraiment accroché. Je me rappelle qu’à l’époque j’avais cette idée en tête, de développer un business dans le cadre d’un grand projet de ville intelligente. Côté sentimental, je formais des visions de cette entreprise aussi bien à Krakow (Pologne), ma ville natale, où je vis toujours, qu’à Lyon (France), où je me sens émotionnellement ancré en quelque sorte. C’est alors que j’avais commencé à faire de la recherche sur les villes intelligentes en général. Je voulais comprendre comment ça marche. J’avais trouvé des données empiriques pour former une hypothèse forte que les grands projets des villes intelligentes corrélaient avec trois phénomènes socio-économiques : a) forte croissance démographique locale, à long terme b) densité de population élevée, même pour la moyenne des grandes villes c) forte croissance locale dans les prix de l’immobilier (consultez My individual square of land, 9 meters on 9 ). J’avais compris, aussi, que puisque les villes intelligentes ça va avec des gros investissements en des technologies ultra-modernes, le développement de ces projets va être lié à un amortissement (vieillissement moral) très rapide des technologies installées et donc à un cycle local super-rapide de changement technologique. Cet amortissement accéléré des technologies locales va sûrement entrainer un besoin accru en capital à haute liquidité (voir Le cousin du beau-frère de mon ami d’école et peut-être aussi Smart cities, or rummaging in the waste heap of culture ).
Je me demande, à présent, comment avais-je fait la connexion entre toute cette recherche sur les villes intelligentes, d’une part, et ce concept BeFund ou le centre expérimental de recherche comportementale couplé avec un fonds d’investissement. Alors, mon moine austère interne, quel était mon chemin de raisonnement ? Ah, voilà, ça revient : il m’était venu à l’esprit, à l’époque, qu’il y a très peu de science vraiment solide quant à l’interaction entre les êtres humains et des technologies intelligentes fortement concentrées dans un environnement urbain. L’idée qui s’accrochait alors fortement à mes synapses (et qui s’accroche encore, par ailleurs) est que nous sommes habitués à vivre dans un environnement à propos duquel nous inventons des trucs, pendant que les technologies d’une ville intelligentes sont faites pour inventer des trucs à propos de nous. C’est comme ça que j’avais commencé à naviguer vers les méthodes de recherche expérimentale sur le comportement humain. J’avais fait une première approche intellectuelle dans Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher et après, j’avais consacré la plus belle partie du mois de Février à piocher dans les méthodes de recherche behavioriste. Vous pouvez voir mon cheminement à travers : There are many ways of having fun with that experiment ; Couper le cheveu en quatre, puis en tirer une racine cube ; Any given piece of my behaviour (yours too, by the way) ; La tâche d’invention en cas d’urgence ; That thing about experiments: you don’t really know et enfin Parfois j’ai du pot et parfois pas tout à fait.
Je me rappelle que c’est en travaillant sur une mise à jour consécutive, publiée comme « And so I ventured myself into the realm of what people think they can do » que l’idée concrète de mon projet avait commencé à prendre une forme intelligible. Je m’étais rendu compte que ce que je veux organiser c’est un centre expérimental orienté sur la recherche comportementale au sujet des interactions entre les humains et les technologies intelligentes. J’avais alors commencé à étudier les applications purement commerciales d’un tel projet et ce cheminement intellectuel particulier est à trouver dans « Ça semble tenir le coup. Ça promet. » ainsi que dans « When is it the right moment to expose ourselves? ». C’était lorsque je préparais une mise à jour consécutive, intitulée « Loin dans le domaine d’idées originales » que je m’étais rendu compte que ce serait intéressant de coupler un labo de recherche expérimentale avec un fonds d’investissement pour les startups développées sur la base des technologies testées dans ce centre. Depuis, donc durant les deux semaines passées, dans une série des mises à jours plutôt techniques, j’ai commencé à développer les détails du projet auquel j’ai donné le nom « BeFund ».
L’une des idées centrales de BeFund est de démarrer avec un projet de recherche expérimentale propre (c’est-à-dire initié et animé par BeFund). Ce projet aurait une double fonction. D’une part, il servirait à attirer des fonds publics de recherche pour financer l’établissement et la première lancée du labo expérimental. D’autre part, il serait un véhicule de marketing financier pour attirer des startups à financer dans le volet « fonds d’investissement » du BeFund. J’avais longtemps ruminé des idées différentes pour ce projet initial et finalement j’ai décidé de développer mes propres lignes de recherche. Dans mon livre intitulé « Capitalism and political power » j’avais attaché beaucoup d’importance à la densité de population comme facteur fondamental de tout changement socio-économique et c’est la première ligne de recherche – que j’ai déjà signalé dans « Sort of a classical move » – à initier dans le cadre de BeFund. Comment nos habitudes technologiques changent-elles en fonction de ce que nous expérimentons comme des différents niveaux de densité de population ? La grande inconnue dans cette ligne de recherche et en même temps le défi scientifique le plus important est de découvrir comment diable nous formons notre expérience personnelle de densité de population ?
J’avais aussi beaucoup travaillé sur le sujet d’interaction entre la base énergétique et alimentaire d’une part et le changement socio-économique d’autre part. Ici vous avez deux articles à ce propos : « Technological change as intelligent, energy maximizing adaptation » et « Settlement by energy: can renewable energies sustain our civilisation? ». Dans cette ligne de recherche particulière il y a deux idées différentes : l’une gentille et politiquement correcte, l’autre beaucoup plus primaire et sauvage. La gentille est que les êtres humains adaptent toute leur activité à la base énergétique dont ils disposent dans un lieu et un temps donnés. La recherche expérimentale que je vois à ce propos peut consister à placer une population dans un environnement expérimental contrôlé où les participants devraient adapter leurs habitudes technologiques aux ressources énergétiques accessibles.
La sauvage est liée à une observation que j’avais faite dans ma recherche : il semble que les populations humaines légèrement affamées, avec un déficit alimentaire autour de 70 – 90 kilocalories par personne par jour, sont les plus innovantes. Lorsque le déficit alimentaire disparait, l’innovation reste substantielle mais comme moins vivace. En revanche, l’approfondissement de ce déficit conduit à une baisse profonde dans la capacité d’innover. Maintenant le truc vraiment sauvage dans cette observation est que les populations réelles qui entrent dans la catégorie de déficit 70 – 90 kilocalories par jour par personne sont celles où le déficit en question résulte plutôt d’inégalité dans la distribution des produits alimentaires et pas tellement de la pénurie alimentaire généralisée. L’occurrence de ce déficit alimentaire léger semble donc correspondre à la présence des hiérarchies sociales très pointues et plutôt brutales.
Alors voilà l’idée primaire et brutale pour la recherche behavioriste : créer un environnement expérimental où les participants seraient observés dans leur habitudes technologiques et en même temps ils seraient placés dans une structure sociale et une base alimentaire qui, combinées, peuvent facilement conduire à des inégalités dans la capacité de manger à sa faim. Je vous avais prévenus : c’est vraiment du primaire et du sauvage. J’ai comme une intuition qu’une telle recherche expérimentale, en dépit de tous les points d’interrogation côté éthique, peut apporter des découvertes fondamentales sur le fonctionnement de nos structures sociales et sur le rôle des technologies.
Par comparaison, ma dernière ligne de recherche c’est du vraiment gentil. Je donne à mes cobayes expérimentaux des outils FinTech, comme des logiciels de paiement par téléphone ou similaires, je les irrite côté densité de population, côté énergie et bouffe, je les appâte avec des technologies prototypées à tester et j’observe quelle masse monétaire est mise en circulation dans ces logiciels et en quelle forme exacte. C’est la ligne de recherche que vous pouvez consulter en une forme plus rigoureuse côté science dans mon article « Financial equilibrium in the presence of technological change » ou bien dans « Technological change as a monetary phenomenon ».
Alors, je connecte les points sur mon dessin et je commence à tabasser, gentiment mais fermement, mon concept de BeFund. Est-ce qu’un labo behavioriste couplé avec un fonds d’investissement pour les startups à une raison d’être dans le cadre d’un projet de ville intelligente ? Je pense que oui et je le dis en toute honnêteté. Un centre de recherche de ce type pourrait même devenir le cœur et le moteur de développement dans une ville intelligente. Est-ce que les lignes de recherche que je viens de tracer ont une application pratique dans un tel projet ? Là, je suis plus prudent dans ma réponse, néanmoins je vois de la méthode dans ma folie : ces idées de recherche que j’ai décrites correspondent aux variables fondamentales de tout environnement urbain. La densité de population, l’accès à l’énergie et à la (bonne) nourriture, la formation d’une hiérarchie locale et les systèmes monétaires locaux – tout ça c’est de la vie quotidienne à l’état cru et brut.
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