Dans ma dernière mise à jour en anglais (Traps and loopholes) j’ai finalement commencé à cerner sérieusement le concept ainsi que la fonctionnalité de base du projet EneFin, pour lequel je prépare un business plan et dont la documentation me sert couramment comme force motrice de ce blog scientifique. Après maintes tours et détours j’ai conclu que le modèle d’entreprise que j’avais déjà étudié au sujet de cette société canadienneKatipultqui commercialise une plateforme technologique d’échange sous forme d’un marché de crypto-monnaie à accès limité.
Dans le concept EneFin,les petits consommateurs d’énergie sont censés acheter et vendre des contrats à terme pour les fournitures futures d’électricité et que la crypto-monnaie doit servir à lier ces contrats à terme à l’achat ainsi qu’à la vente des titres de participation dans les bilans des fournisseurs d’énergie, avec une composante additionnelle possible d’autres actifs financiers que ces titres de participation.
Dans Traps and loopholesj’en étais venu à la conclusion que cet échange complexe – contrats à terme plus actifs financiers – marchera mieux si je transforme cette complexité en une séquence plutôt qu’une simultanéité. Encore, il faut se souvenir que les séquences, ça peut se multiplier presque à l’infini et mathématiquement, plus la séquence donnée est bizarre et peu probable, plus elle a de façons alternatives de survenir (à ce sujet-là, vous pouvez jeter un coup d’œil dans Fringe phenomena, which happen just sometimes). J’imagine donc une séquence de basequi me semble être la mieux enracinée dans la logique du concept EneFin : j’achète des titres de participation dans un fournisseur d’énergie et ça me donne la possibilité d’acheter des contrats à terme pour des fournitures futures d’énergie, au prix avantageux normalement réservé aux gros consommateurs institutionnels. En plus de ça, je peux acheter, via EneFin, d’autres actifs financiers.
Les séquences, ça me pousse à poser cette sorte des questions qui parfois énervent les gens, comme « Qu’est-ce qui se passe si je modifie ce pas particulier dans la séquence ? Quelles sont les versions alternatives de ce pas particulier ? ». Alors, je commence à les poser sérieusement, mes questions et je commence par le début (pas aussi évident et logique que certains pourraient le penser). Je suis un consommateur qui s’enregistre sur la plateforme EneFinet j’achète des tokens de crypto-monnaie, pour €100, qui m’habilitent à acquérir, par la suite, les actions d’un fournisseur d’énergie pour l’équivalent de €100 ou bien ses obligations pour la même somme. Appelons ça « Pas no.1 ». Question no. 1.1 : entre combien des fournisseurs différents – et leurs titres financiers – puis-je choisir ? Initialement, lorsque j’avais formulé ce concept particulier, dans Lean and adaptable, je pensais à un schéma fortement coopératif, où les consommateurs d’énergie nouent des liens capitalistes durables avec un fournisseur local d’énergie renouvelable. Maintenant, lorsque j’y repense, je suis plus flexible dans mon raisonnement. Je vois trois types de ce pas particulier dans ma séquence :
Pas no.1 – Type A, coopératif
Le consommateur d’énergie achète des tokens de crypto-monnaie qui correspondent à des titres d’un seul fournisseur d’énergie.
Pas no.1 – Type B, capitaliste concentré sur le marché d’énergie
Le consommateur choisit entre des tokens différents, dont chacun correspond aux titres d’un autre fournisseur d’énergie
Pas no.1 – Type C, capitaliste qui dépasse le marché d’énergie
Le consommateur choisit entre des tokens correspondant aux titres des différentes sociétés, du secteur d’énergie aussi bien qu’en d’autres secteurs
Oui, je sais, EneFin ça implique de l’énergie, donc type Ca l’air venu d’un autre conte de fées. Ça, d’accord, mais d’un autre point de vue, ça donne du fuel financier à la plateforme d’échange, donc pourquoi pas, après tout ? Je veux dire qu’EneFinpeut être une fonctionnalité particulière dans le cadre d’une plateforme d’échange plus large.
Question no. 1.2 : si, théoriquement, le consommateur peut choisir entre une position en haut du bilan (actions) ou en bas de celui-ci (obligations), peut-il faire ce choix tout à fait librement ? Je pense que la réponse est dans la stratégie du fournisseur concret. Celui-ci peut décider de mettre en échange sur la plateforme EneFinun panier caractéristique des titres et le choix du consommateur peut porter sur cet éventail précis.
Je passe au « Pas no. 2 » : le consommateur qui vient d’acheter des titres financiers, dans le Pas No. 1, passe à l’achat des contrats à terme pour la fourniture future d’énergie. Question 2.1 : est-ce obligatoire ? Chaque acheteur des titres sur la plateforme EneFindoit-il nécessairement des futures d’électricité ? Ne pourrait-il pas s’arrêter au Pas no. 1 et ne pas passer au Pas no. 2 ? Intuitivement, je répondrais « oui, il peut s’arrêter au Pas no. 1 ». Encore une fois, je sais que ça va un peu à l’encontre du concept initial, fortement coopératif. Néanmoins, je sais aussi qu’un bonne fonctionnalité FinTech, ça devrait donner du choix et de la liberté des mouvements.
Question 2.2 : Si dans le Pas no. 1 l’utilisateur avait acheté des titres des du fournisseur A d’énergie, peut-il bénéficier du prix avantageux (des futures d’énergie) chez le fournisseur B ? Doit-il y avoir une correspondance stricte entre l’identité sociale des fournisseurs choisis par le consommateur dans les pas consécutifs 1 et 2 ou bien puisse-il y avoir un panier plus complexe ? J’imagine qu’encore une fois, la stratégie du fournisseur concret d’énergie est la meilleure réponse. Un fournisseur donné peut choisir de donner les mêmes prix avantageux à tous les utilisateurs de la plateforme EneFin. C’est le cas d’une entreprise qui n’est pas vraiment gloutonne côté bilan, probablement déjà bien bourré avec d’autres instruments de financement, mais elle est avide de faire des ventes de ces kilowatt heures futures à travers les contrats à terme.
Voici un autre fournisseur, qui donne une préférence légèrement prononcée aux acheteurs de ses propres titres participatifs. Disons que ceux-ci bénéficient du meilleur prix possible, celui normalement réservé aux gros consommateurs institutionnels, pendant que les détenteurs des titres participatifs d’autres fournisseurs enregistrés sur EneFin ont accès à un prix mi-figue mi-raisin : plus élevé que le prix « gros institutionnels » et néanmoins en-dessous du prix typique détail pour les ménages. C’est un fournisseur d’énergie qui donne comme des suggestions gentilles, genre « vous pourriez penser, un de ces jours, à vous trouver une niche dans mon bilan, mais no stress, hein ? ».
Voilà enfin un type strict et direct dans ses manières, qui dit honnêtement : « pas de participation dans mon capital, pas de rabais sur énergie, désolé ». En voilà un qui a bien besoin de financement et peut s’offrir de la patience en termes de ventes des kilowatt heures.
Il en faut un peu de tout pour faire un monde et c’est aussi la devise que j’essaie de suivre dans mon raisonnement à propos d’EneFin. Je veux une plateforme d’échange qui puisse accommoder plusieurs stratégies alternatives de la part des fournisseurs d’énergie. Même dans la situation hypothétique où le consommateur aurait suivi le chemin type C dans le pas no. 1 de ma séquence, il peut y avoir des fournisseurs d’énergie qui lui octroient un rabais sur l’énergie à être fournie dans l’avenir, juste l’histoire de faire tourner la roue du marché. C’est tout dans la stratégie adoptée par l’émetteur concret de ces contrats à terme.
Voilà que les questions embarrassantes m’ont conduit à une vision bien élargie et bien assouplie du concept initial EneFin. Ça peut commencer avec une plateforme d’échange généraliste, par exemple avec celle de Katipult. On attire des fournisseurs d’énergie avec leurs titres de participation financière dans leurs bilans et on leur offre la possibilité d’émettre des contrats à terme portant sur la fourniture future de l’énergie pour les consommateurs ménagers. Les fournisseurs d’énergie ont la liberté de vendre ces contrats à terme aux prix de leur choix et on leur suggère l’idée d’offrir des prix avantageux, proches de ceux réservés aux consommateurs institutionnels. On fait du marketing à l’égard des consommateurs ménagers pour qu’ils achètent ces contrats et on leur donne la possibilité de les revendre ensuite.
Dans ce cadre général, des stratégies différentes peuvent émerger. Maintenant, le pas suivant de mon analyse est la structure légale de ces contrats à terme pour la fourniture d’électricité. Il me faut un contrat, qui donne à son détenteur le droit de recevoir une quantité standardisée d’énergie, dans l’avenir, à un prix fixé d’avance aujourd’hui. Encore une fois, j’étudie la situation comme une séquence en un nombre fini des pas, avec des déroulements alternatifs. Question : si j’achète de mon fournisseur d’énergie des contrats à terme portants sur les fournitures d’électricité depuis un moment dans 6 mois jusqu’au moment dans 12 mois, devrait-il être possible de les utiliser pour payer ma facture d’électricité dans les six mois immédiatement à venir ? J’achète donc 1000 kWh à être fournies entre le 1erNovembre 2018 et le 30 Avril 2019 et je dis à mon fournisseur « Comme j’ai ces 1000 kWh futures, à un prix qui semble vous satisfaire (puisque vous me les avez vendues, ces 1000 kWh), pourquoi pas faire un décompte ? Je vous paie les 1000 kWh que je vais utiliser dès maintenant avec ces contrats à terme. Alors, affaire conclue ? ».
Bien sûr, la réponse dans un cas concret dépend entièrement de la stratégie adoptée par le fournisseur, mais ça ouvre une perspective intéressante. Ces contrats à terme échangés à travers EneFinpourraient avoir des prix alternatifs suivant leur capacité de décompte avec des obligations qui se trouvent hors leur horizon temporel strictement dit. Là, je retourne au train de raisonnement que vous avez déjà pu trouver dans « Les marchés possibles à développer à partir d’une facture d’électricité » : ce que les consommateurs ménagers payent comme facture d’énergie est composé de deux parts, une qui correspond à l’énergie consommée strictement dite et l’autre chargée à titre de la maintenance du réseau.
Comme je traduis cette structure des charges en des contrats à terme, je distingue deux perspectives différentes sous l’étiquette générale de « fourniture future d’énergie ». La perspective courte est l’intervalle de temps qui est trop courte pour modifier physiquement l’accès des consommateurs au réseau. Dans cet horizon temporel la connexion au réseau est quelque chose de fixe et donné comme exogène. Ni moi comme consommateur ni mon fournisseur d’énergie ne peut choisir, en fait, de ne pas maintenir le réseau. Moi, je dois rester physiquement connecté et le fournisseur doit maintenir ma connexion en service. Dans cet horizon temporel, un décompte du type décrit là-dessus serait possible juste dans le cadre de cette partie de ma facture courante d’énergie qui correspond au jus pompé dans ces câbles strictement dit. Quoi que je n’eusse acheté comme contrat à terme, le coût de maintenance courante du réseau doit être financé.
En revanche, si nous avançons plus loin dans l’avenir, nous aboutissons à une perspective temporelle qui sera suffisante pour la modification physique du réseau. Le fournisseur pourra liquider physiquement ma connexion et connecter quelqu’un d’autre dans le voisinage. Si j’achète suffisamment des futures sur énergie, à travers EneFin, pour compenser le montant total de ma facture d’électricité sur cette période plus longue, théoriquement moi et mon fournisseur nous pourrons utiliser ces futures pour financer, à travers un décompte, une période de se dire adieu. Je les achète, ensuite je les revends à mon fournisseur et c’est comme si notre contrat se finissait maintenant. Oui, ma connexion va physiquement rester en place mais moi je ne vais pas payer un sous pour sa maintenance durant le temps qui normalement correspondrait à la période de préavis inclue dans le contrat à long terme.
Autre question, et celle-là devient vraiment embarrassante : si, dans un marché local d’énergie, par exemple dans une ville entière, la fonctionnalité EneFinprend vraiment de l’essor et les contrats à terme qui y sont échangés couvrent la valeur totale de ce marché comme deux ans à l’avance, pourrions-nous avoir un marché complètement dépourvu de ces contrats signés pour long-terme, qui à présent sont la base normale des transactions entre les fournisseurs d’énergie et leurs clients ?
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