Mémoires du cycliste reconverti

Mon éditorial sur You Tube

Je réfléchis sur les tendances que j’observe dans le secteur d’énergie. Je reformule ce que je viens de signaler dans « Lean, climbing trends » : le côté consommation d’énergie change selon un schéma très différent du côté production d’énergie. Côté consommation, nous pouvons observer des tendances relativement stables et croissantes, centrées autour deux indicateurs : de la consommation d’énergie par tête d’habitant et du pourcentage de la population avec accès à l’électricité. Côté production, c’est structurellement différent. Les carburants fossiles, le nucléaire, l’hydraulique, l’éolien, le solaire : notre activité agrégée avec toutes ces sources d’énergie semble être un assemblage un peu aléatoire d’expérimentations plus ou moins indépendantes l’une de l’autre.

Lorsque je me pose des questions sur l’intelligence collective, je retourne vers l’intelligence individuelle et celle qui est la plus proche est la mienne. Je viens de me rendre compte que pendant les deux dernières années, j’ai radicalement changé mon mode de vie, pour un mode nettement plus éco qu’auparavant, seulement le truc marrant c’est que je n’avais pas du tout l’intention de devenir plus éco. Ça avait tout commencé avec le vélo. J’avais commencé à circuler à travers la ville à vélo. Très vite, j’ai découvert ce sens spécial de liberté que le vélo donne dans l’environnement urbain. Mon cerveau a commencé à associer la voiture avec une claustration forcée plutôt qu’avec la liberté de déplacement. Bientôt, j’avais commencé à me rendre à vélo à mon lieu de travail – l’université – quelques 10 km de mon domicile. Ma bagnole, elle passait de plus en plus de temps garée à côté de la maison.

L’hiver dernier était ce que les hivers sont devenus, donc une sorte d’automne un peu froid. Voilà que j’ai découvert que rouler à vélo par un temps comme ça, lorsque la température est à peine au-dessus de zéro, donne une injection folle d’endorphines. C’était carrément enivrant et je peux vous dire qu’à la cinquantaine, faire 20 km aller-retour à vélo et se sentir bien après, c’est une découverte en soi. Comme je prenais de plus en plus l’habitude du vélo, je m’étais rendu compte que mon style de vie change. Lorsque je faisais mes courses, sur le chemin de retour de la fac, j’achetais ce que je pouvais transporter dans les sacoches de derrière de mon vélo plus ce que je pouvais fourrer dans mon sac à dos, où je transporte ma tenue de travail : veste, chemise, pantalons de ville. Le vélo m’avait obligé à économiser sur le volume de mes course quotidiennes et le truc intéressant est que ce volume réduit était tout à fait suffisant. Je me suis rendu compte qu’une partie substantielle de ce que j’achète en me déplaçant en voiture, eh bien, je l’achète juste parce que je peux (j’ai de l’espace cargo disponible) et non parce que j’en ai vraiment besoin.

J’ai fait mes calculs. J’ai utilisé la page https://www.carbonfootprint.com pour calculer les émissions de CO2 de ma voiture et voilà : une journée de déplacement à vélo, avec mon Honda Civic m’attendant gentiment à la maison, se traduit en des économies de 4,5 kilogrammes de dioxyde de carbone. Selon les données de la Banque Mondiale[1], en 2014, chez moi, en Pologne, les émissions de CO2 par tête d’habitant étaient de 7,5 tonnes par an, contre une moyenne mondiale de 4,97 tonnes par an. Le transport correspond à environ 20%[2] de ces émissions, donc à 1,5 tonnes par an, soit 4,1 kilogrammes par jour en moyenne. Ces 4,5 kilo de CO2 par jour, ça a donc l’air cohérent avec le style de vie d’un Polonais moyen.

Mes économies sur les courses journalières, lorsque je pédale, ça fait à peu de choses près €30 par semaine. En utilisant encore une fois la page https://www.carbonfootprint.com je l’ai recalculé en 4,5 kilogrammes de CO2 économisés par jour. Ça alors ! De tout en tout, une journée à vélo, dans mon contexte social précis, semble correspondre à quelques 9 kilogrammes de CO2 de moins, par rapport à la même journée en bagnole. Les moins ont des plus, remarquez. Lorsque je pédale, j’amortis physiquement ma bicyclette. Chaque kilomètre me rapproche du moment de la révision annuelle aussi bien que du moment où il sera nécessaire de changer de vélo ou bien de rénover radicalement celui que j’ai maintenant (Gazelle Chamonix C-7). J’ai utilisé les calculs présentés à la page https://momentummag.com/how-green-is-your-bicycle-manufacturing/ plus la calculatrice de conversion des kilojoules d’énergie en du CO2 émis et ça a donné 150 grammes de CO2 par jour en équivalent d’amortissement physique de ma bicyclette.

De tout en tout, une journée ouvrable passée en mode vélo correspond, dans mon style de vie individuel, à une réduction nette d’émissions d’environ 9 – 0,15 = 8,85 kg de CO2. J’ai récréé mon agenda de l’année 2018 et ça a donné quelques 130 jours ouvrables lorsque je remplaçais la voiture avec le vélo. Remarquez, lorsque le temps devient suffisamment hivernal pour qu’il y ait une couche de vieille neige ou du verglas sur les sentiers cyclistes, je me rends. Je me suis déjà cassé la gueule quelques fois dans des conditions comme ça et j’ai appris que le vélo a ses limites. Quoi qu’il en soit, les 130 jours en 2018 correspondent à une réduction individuelle d’émissions de CO2 équivalente à environ 1,15 tonnes, soit de 15,3% par rapport aux émissions annuelles moyennes par tête d’habitant en Pologne.

Voilà donc que j’ai changé de mode de transport et ceci m’a poussé à modifier mon style de consommation. De plus en plus éco à chaque pas. Seulement, ce n’était pas mon but. Ça avait tout commencé parce que je voulais me déplacer d’une façon plus confortable et j’en avais marre de passer du temps dans les embouteillages. Très honnêtement, je ne pensais pas beaucoup à l’environnement. J’étais très loin du type Capitaine Planète. Bien sûr, je savais qu’en laissant ma voiture roupiller paisiblement chez moi, j’économise du carburant, mais c’étaient des pensées vagues. Ça s’était passé tout seul. Chaque petit changement en entraînait un autre, comme je recevais des récompenses momentanées. Aucune privation consciente. C’était une revisite du côté de chez Adam Smith : en suivant des fins égoïstes j’avais accompli un changement favorable à l’environnement.

Mon environnement m’a offert des stimuli pour changer mon style de vie. Imaginons des milliers de personnes comme moi. Des petites découvertes quotidiennes, des petits changements personnels suivis par des récompenses immédiates : l’environnement urbain donné offre un ensemble fini de telles récompenses. Eh bien, oui, c’est fini en volume, ces récompenses. Si dès maintenant 50 000 personnes dans ma ville (Krakow, Pologne) font le même changement que moi j’avais fait, les sentiers cyclistes seront complètement bouchés et les récompenses, ça va devenir beaucoup plus problématique. Au moment donné, la ville relâche un nuage diffus et néanmoins fini en volume des récompenses comportementales qu’un certain nombre de cyclistes peut absorber et ça provoque un changement de style de vie.

J’essaie d’être plus précis. La population officielle de la ville de Krakow c’est environ 800 000 personnes. Avec les immigrés non-registrés comme résidents permanents ainsi qu’avec les migrants journaliers qui viennent des localités satellites, comme moi je le fais, j’estime la population totale réelle de ma ville bien aimée à quelques 1 200 000 personnes. Cette population coexiste avec environ 230 km des sentiers cyclistes ainsi qu’avec une flotte automobile (toutes catégories prises ensemble) de 570 000 à peu près. Chaque addition à la flotte automobile crée un renforcement négatif en ce qui concerne l’utilisation individuelle de la voiture et en même temps un renforcement positif indirect pour penser à quelque chose d’autre. Chaque addition à la longueur totale des sentiers cyclistes produit du renforcement positif en faveur de circulation à vélo. En termes de production de ces stimuli, la ville de Krakow avait produit, durant la période de 2011 à 2018, 122 kilomètres additionnels des sentiers cyclistes et une flotte additionnelle d’environ 115 000 automobiles. Cette combinaison des renforcements négatifs vis-à-vis de la voiture et positifs vis-à-vis de la bicyclette. Résultat : en 2016, selon les données du Conseil Municipal, environ 90 000 personnes utilisaient le vélo comme moyen de transport plus ou moins régulier et l’année dernière, en 2018, le chiffre pouvait même atteindre 200 000 personnes.

Plusieurs fois dans ma vie, j’ai eu cette impression étrange que les grandes villes sont comme des organismes vivants. Ce sentiment devient particulièrement vivace lorsque j’ai l’occasion d’observer une grande ville la nuit, ou même mieux, à l’aube, à partir d’un point d’observation élevé. En 2013, j’ai eu l’occasion de contempler de cette façon le panorama de Madrid, lorsque la ville se réveillait. L’impression que je vois une énorme bête qui s’étire et dont le sang (le flux de trafic routier) commence à couler plus vite dans les veines était si poignante que j’avais presque envie de tendre la main et de caresser la crinière du géant, faite d’un alignement des hauts immeubles. Une ville relâche donc un flux des stimulants : plus d’automobiles dans les rues et donc plus de densité de trafic accompagnés de plus des sentiers cyclistes et donc plus de confort de déplacement à vélo. Remarquez : une géographie concrète de trafic routier et des sentiers cyclistes, en vue d’oiseau et aussi en une vue mathématique probabiliste, c’est comme un nuage d’infrastructure qui se superpose à un nuage des personnes en mouvement.

Les habitants répondent sélectivement à ce flux des stimulants en accomplissant un changement progressif dans leurs styles de vie. Voilà donc qu’une fois de plus je réfléchis sur le concept d’intelligence collective et je suis de plus en plus enclin à la définir selon les grandes lignes de la théorie d’essaim. Consultez « Ensuite, mon perceptron réfléchit » ou bien « Joseph et le perceptron » pour en savoir plus sur cette théorie. Je définis donc l’intelligence collective comme l’action collective coordonnée par la production et dissémination d’un agent systémique similaire à une hormone, qui transmet l’information d’une façon semi-visée, où le destinataire de l’information est défini par la compatibilité de ses facultés perceptives avec les propriétés de l’agent systémique-même. Tout membre de la société qui possède les caractéristiques requises peut « lire » l’information transmise par l’agent systémique. Les marchés financiers me viennent à l’esprit comme l’exemple les plus illustratif d’un tel mécanisme, mais nous pouvons chercher cette composante « hormonale » dans tout comportement social. Tenez, le mariage. Dans notre comportement conjugal il peut y avoir des composantes – des petites séquences comportementales récurrentes – dont la fonction est de communiquer quelque chose à notre environnement social au sens large et ainsi provoquer certains comportements chez des personnes dont nous ne savons rien.

Je reviens vers de sujets un peu moins compliqués que le mariage, donc vers le marché de l’énergie. Je me dis que si je veux étudier ce marché comme un cas d’intelligence collective, il faut que j’identifie un ou plusieurs agents systémiques. L’argent et les instruments financiers sont, une fois de plus, des candidats évidents. Il peut y en avoir d’autres. Voilà que je peux esquisser l’utilité pratique de ma recherche sur l’application de l’intelligence artificielle pour simuler l’intelligence collective. Le truc le plus évident qui me vient à l’esprit c’est la simulation des politiques climatiques. Tenez, par exemple l’idée de ces chercheurs des États-Unis, surtout du côté de Stanford University, en ce qui concerne une capture profitable du carbone (Sanchez et al. 2018[3] ; Jackson et al. 2019[4]). Jackson et al prennent un angle original. Ils assument que l’humanité produit du dioxyde de carbone et du méthane, qui sont tous les deux des gaz à effet de serre, seulement le méthane, ça serre 84 fois plus que le dioxyde de carbone. Si on convertit le méthane en dioxyde de carbone, on change un agent nocif plus puissant en un agent beaucoup plus faible. Toujours ça de gagné et en plus, Jackson et al déclarent d’avoir mis au point une méthode profitable de capter le méthane produit dans l’élevage des bovins et le transformer en dioxyde de carbone, à travers l’utilisation de la zéolithe. La zéolithe est une structure cristalline rigide d’aluminosilicate, avec des cations et des molécules d’eau dans les espaces libres. Le méthane généré dans l’élevage est pompé, à travers un système des ventilateurs et des grandes plaques poreuses de zéolithe. La zéolithe agit comme un filtre, qui « casse » les molécules de méthane des molécules de dioxyde de carbone.

Jackson et al suggèrent que leur méthode peut être exploitée à profit. Il y a un petit « mais » : à profit veut dire « à condition » est la condition c’est un marché des compensations carbone où le prix d’une tonne serait d’au moins $500. Je jette un coup d’œil sur le marché des compensations carbone tel qu’il est maintenant, selon le rapport publié par la Banque Mondiale : « State and Trends of Carbon Pricing 2018 ». Le marché se développe assez vite. En 2005, toutes les initiatives des compensations carbone dans le monde correspondaient à environ 4% de l’émission totale des gaz de serre. En 2018, ça faisait déjà quelques 14%, avec près de 20% à espérer en 2020. Seulement côté prix, le max des max, soit l’impôt Suédois sur les émissions, ça faisait $139 par tonne. La médiane des prix semble être entre $20 et $25. Très loin des $500 par tonne dont la méthode de Jackson et al a besoin pour être profitable.

Sanchez et al (2018) prennent une approche différente. Ils se concentrent sur des technologies – ou plutôt des ensembles complexes des technologies dans des industries mutuellement intégrées – qui rendent possible la vente du CO2 produit dans l’une de ces industries à l’autre. Le marché industriel du dioxyde de carbone – par exemple dans la production de la bière – est estimé à quelques 80 tonnes par an de CO2 liquide. Pas vraiment énorme – une centaine des cyclistes reconvertis comme moi font l’affaire – mais c’est toujours quelque chose de gagné.           

Ces idées que je viens de mentionner peuvent un jour se composer en des politiques publiques et alors il sera question de leur efficacité tout comme à présent nous nous posons des questions sur l’efficacité des soi-disant « politiques climatiques ». Vue mathématiquement, toute politique est un ensemble des variables, structurées en des résultats espérés d’une part et les outils ainsi que des déterminantes externes d’autre part. Cette perspective rend possible l’expression des politiques comme algorithmes d’intelligence artificielle. Les résultats c’est ce que nous voulons avoir. Disons que ce que nous voulons est une efficience énergétique « EE » – donc le coefficient du PIB divisé par la quantité d’énergie consommée – plus grande de 20% du niveau présent. Nous savons qu’EE dépend d’un ensemble de « » facteurs, dont nous contrôlons certains pendant qu’il est raisonnable d’en considérer d’autres comme exogènes.

J’ai donc une équation dans le style : EE = f(x1, x2, …, xn). Dans ce que nous pouvons appeler calcul stochastique classique il est question de chercher une expression linéaire la plus précise possible de la fonction f(x1, x2, …, xn), soit quelque chose comme EE = a1*x1 + a2*x2 + … + an*xn. Cette approche sert à déterminer quelle serait la valeur la plus probable d’EE avec un vecteur donné des conditions (x1, x2, …, xn). Cette tendance centrale est basée sur la loi de Vue sous un autre angle, la même politique peut s’exprimer comme un ensemble de plusieurs états hypothétiques et équiprobables de nature, donc plusieurs configurations probables de (x1, x2, …, xn) qui pourraient accompagner cette efficience énergétique désirée d’EE(t1) = 1,2*EE(t0). C’est alors que l’intelligence artificielle peut servir (consultez, par exemple « Existence intelligente et pas tout à fait rationnelle »)

Je me demande comment interpréter ces phénomènes et mon esprit s’aventure dans une région adjacente : la bouffe. Pardon, je voulais dire : l’agriculture. Il y a une différence nette entre l’Europe Septentrionale et l’Europe Méridionale, en ce qui concerne l’agriculture. Par l’Europe Méridionale je comprends surtout les grandes péninsules méditerranéennes : l’Ibérique, l’Apennine et le Péloponnèse. L’Europe du Nord, c’est tout ce qui se trouve plus loin de la Méditerranée. Dans le Sud, il y a beaucoup moins de production animale et la production végétale est centrée sur les fruits, avec relativement peu de plantes céréalières et peu des légumes-racines (pommes de terre, betteraves etc.). Dans le Nord de l’Europe, c’est presque exactement l’inverse : l’agriculture est dominée par les céréales, les légumes-racine et la production animale.

Les céréales et les légumes-racines, ça pousse vite. Je peux décider pratiquement d’année en année de l’utilisation exacte d’un champ donné. Les betteraves ou le blé, je peux les déplacer d’un champ à l’autre, d’année en année, presque sans encombre. Qui plus est, dans l’agriculture européenne traditionnelle du Nord, c’est ce qu’on était supposé de faire : de la rotation des cultures, appelée aussi « système d’assolement ». En revanche, les arbres fruitiers, ça pousse lentement. Il faut attendre des années avant qu’une plantation nouvelle soit mûre pour la production. Il est hors de question de déplacer des plantations fruitières d’une saison agriculturale à l’autre. Le modèle du Nord donne donc plus de flexibilité en termes d’aménagement du sol arable. Cette flexibilité va plus loin. La récolte des céréales, ça peut se diviser d’une façon élastique entre plusieurs applications : tant pour la consommation courante humaine, tant pour consommation humaine future, tant pour le fourrage et tant pour le semis l’année prochaine. Pour les légumes-racines, c’est un peu plus compliqué. Pour les patates, la meilleure solution c’est de replanter une pomme de terre déjà récoltée : elle sera plus prévisible.

Pour les carottes, il faut récolter les graines séparément et les replanter après. En tout, les cultures végétales du Nord, ça se conserve bien et ça se rend à des utilisations multiples.

En revanche, dans le Sud et ses cultures fruitières dominantes, c’est différent. Les fruits, avec l’exception des très succulents – comme les citrouilles ou les courges – ça se conserve mal hors d’une chambre froide et c’est l’une des raisons pourquoi il est problématique de nourrir des animaux de ferme avec. Voilà le point suivant : le Nord de l’Europe, ça abonde en élevage animal et donc en protéines et graisses animales. Tous les deux sont très nutritifs et en plus, la graisse animale, ça conserve bien les protéines animales. Eh oui, c’est la raison d’être du saucisson : les acides gras saturés, puisqu’ils sont saturés et donc dépourvus des liens chimiques libres, fonctionnent comme un ralentisseur des réactions chimiques. Un saucisson c’est de la viande (protéines) enveloppée dans de la graisse animale, qui empêche lesdites protéines de s’engager dans des liaisons douteuses avec l’oxygène.

En plus des protéines et de la graisse, les animaux de ferme, ils chient partout et donc ils engraissent. Les bactéries intestinales de la vache, ainsi que ses enzymes digestifs, travaillent pour le bien commun de la vache, de l’agriculteur et des cultures végétales. Une betterave moyenne, ça a tout intérêt à vivre à proximité d’une vache plutôt que de choisir une carrière solo. Voilà donc une chaîne intéressante : l’agriculture végétale dominée par les céréales et les légumes-racines favorise l’agriculture animale poussée qui, à son tour, favorise des cultures végétales à croissance rapide et à hautes exigences nutritives en termes de sol, donc des céréales et des légumes-racines etc. L’agriculture végétale du Sud, dominée par les arbres fruitiers, reste largement indépendante de l’agriculture animale. Cette dernière, dans le Sud, se concentre sur les chèvres et les moutons, qui ont besoin surtout des pâturages naturels.

En termes de productivité nutritive, le modèle du Nord bat celui du Sud par plusieurs longueurs. Ces deux modèles différents sont liés à deux géographies différentes. Le Nord de l’Europe est plus plat, plus froid, plus humide et doté des sols plus riches que le Sud. Plus de bouffe veut dire plus de monde par kilomètre carré, plus d’industrie, plus de trafic routier et tout ça, pris ensemble avec l’élevage intensif, veut dire plus de pollution par nitrogène. Cette dernière a une propriété intéressante : elle agit comme de l’engraissage permanent. Comme la pollution par nitrogène n’est pas vraiment contrôlée, cet engraissage involontaire va surtout aux espèces végétales qui ont le plus de potentiel de captage : les arbres. Récemment, j’ai eu une discussion avec un chercheur de l’Université Agriculturale de Krakow, Pologne, qui m’a carrément assommé avec le fait suivant : dû à la pollution par nitrogène, en Pologne, on a chaque année un surplus d’environ 30 millions de mètres cubes d’arbres vivants et on ne sait pas vraiment quoi en faire. Comme nous avons des sécheresses épisodiques de plus en plus fréquentes, ce surplus d’arbres a un effet pervers : les arbres sont aussi les plus efficaces à capter l’eau et durant une sécheresse ils battent toutes les autres plantes à cette discipline.  

Le système agricultural du Nord, à travers une chaîne causale étrange, contribue à reconstruire ce que le Nord a toujours eu tendance à surexploiter : les forêts. Une hypothèse folle germe dans mon esprit. Durant le XVIIIème et la première moitié du XIXème siècle, nos ancêtres Européens avaient gravement épuisé la substance forestière du continent. À partir de la seconde moitié du XIXème siècle, ils avaient commencé à exploiter de plus en plus les carburants fossiles et donc à produire de plus en plus de pollution locale en dioxyde de nitrogène. Par conséquent, ils avaient entamé un processus qui, des décennies plus tard, contribue à reconstruire la masse forestière du continent. Est-il concevable que notre aventure avec les carburants fossiles est une action collectivement intelligente visant à reconstruire les forêts ? Fou, n’est-ce pas ? Oui, bien sûr, par la même occasion, nous avons pompé des tonnes de carbone dans l’atmosphère de la planète, mais que puis-je vous dire : être intelligent ne veut pas nécessairement dire être vraiment prévoyant.

Quelles analogies entre ces modèles d’agriculture et les systèmes énergétiques, tels que je les ai passés en revue dans « Lean, climbing trends » ? Dans les deux cas, il y a une composante de croissance plus ou moins stable – plus de kilocalories par jour par personne, ainsi que plus de personnes qui mangent à leur faim dans le cas de l’agriculture, plus de kilogrammes d’équivalent pétrole par année par personne et plus de personnes avec accès à l’électricité dans le cas de l’énergie – accompagnée par des ensembles hétérogènes d’essais et erreurs côté production. Ces essais et erreurs semblent partager une caractéristique commune : ils forment des bases productives complexes. Un système énergétique concentré exclusivement sur une seule source d’énergie, par exemple que du photovoltaïque, semble tout aussi déséquilibré qu’un système agricultural qui ne cultive qu’une seule espèce végétale ou animale, comme que du mouton ou que du maïs. 

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[1] https://data.worldbank.org/indicator/en.atm.co2e.pc dernier accès 26 Mars 2019

[2] https://ourworldindata.org/co2-and-other-greenhouse-gas-emissions dernier accès 26 Mars 2019

[3] Sanchez, D. L., Johnson, N., McCoy, S. T., Turner, P. A., & Mach, K. J. (2018). Near-term deployment of carbon capture and sequestration from biorefineries in the United States. Proceedings of the National Academy of Sciences, 115(19), 4875-4880.

[4] R. B. Jackson et al. Methane removal and atmospheric restoration, Nature Sustainability (2019). DOI: 10.1038/s41893-019-0299-x

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