Je suis en train de finir la première version, encore un peu rudimentaire, de mon article sur la faisabilité du « Projet Aqueduc » : un concept technologique en phase de naissance que j’essaie de développer et de promouvoir. Je pense que j’ai fait tous les calculs de base et j’ai l’intention d’en donner un compte rendu sommaire dans cette mise à jour. Je vais présenter ces résultats dans une structure logique qui est en train de faire sa percée dans le monde de la science : je commence par présenter l’idée de base et je l’associe avec du matériel empirique que je juge pertinent ainsi qu’avec la méthode d’analyse de ce matériel. Seulement après la description méthodologique je fais une revue de la littérature à propos des points saillants de la méthode et de l’idée de base. Ces trois composantes de base – introduction, matériel empirique et méthode d’analyse, revue de la littérature – forment la base de ce qui suit, donc de la présentation des calculs et leurs résultats ainsi que la discussion finale du tout. C’est une forme de composition qui est en train de remplacer une structure plus traditionnelle, qui était bâtie autour d’une transition rigoureuse de la théorie vers la partie empirique.
Je commence donc par reformuler et réaffirmer mon idée de base, donc l’essence même de « Projet Aqueduc ». Le travail de recherche que je viens de faire m’a fait changer les idées à ce propos. Initialement, je voyais le « Project Aqueduc » de la façon que vous pouvez voir décrite dans une mise à jour antérieure : « Ça semble expérimenter toujours ». Maintenant, je commence à apprécier la valeur cognitive et pratique de la méthode que j’ai mise au point pour conduire l’étude de faisabilité elle-même. La méthode en question est une application créative (enfin, j’espère) du rasoir d’Ockham : je divise mon concept entier en technologies composantes spécifiques et j’utilise la revue de littérature pour évaluer le degré d’incertitude attaché à chacune de parmi elles. Je concentre l’étude de faisabilité économique sur ce que peux dire de façon à peu près fiable à propos des technologies relativement le plus certaines et j’assume que ces technologies-là doivent générer un surplus de liquidité financière suffisant pour financer le développement de celles relativement plus incertaines.
Dans le cadre du « Projet Aqueduc », ce qui semble le mieux enraciné en termes de calcul ces coûts et d’investissement c’est la technologie de hydro-génération. Celle-ci est bien documentée et bien connue. Pas vraiment beaucoup d’innovation, par ailleurs. ça semble tourner tout seul. Les technologies de, respectivement, stockage d’énergie ainsi que chargement des voitures électriques viennent juste après en termes de prévisibilité : ça bouge, mais ça bouge de façon plutôt organisée. Il y a des innovations à espérer mais je pense que je suis capable de prédire plus ou moins de quelle direction elles vont venir.
Quoi qu’il en soit, j’ai simulé des installations hypothétiques de « Projet Aqueduc » dans les embouchures de 32 rivières de mon pays, la Pologne. J’ai pris les données officielles sur le débit par seconde, en mètres cubes, et j’ai simulé trois niveaux d’adsorption à partir de ce courant, à travers les béliers hydrauliques du « Projet Aqueduc » : 5%, 10% et 20%. En parallèle, j’ai simulé trois élévations possibles des réservoirs d’égalisation : 10 mètres, 20 mètres et 30 mètres. Avec les 654 millimètres de précipitations annuelles moyennes en Pologne, donc avec un ravitaillement hydrologique des précipitations avoisinant 201,8 milliards mètres cubes, ces 32 installations hypothétiques pourraient faire re-circuler entre 2,5% et 10% de ce total. Ceci fait un impact hydrologique substantiel pendant que l’impact sur le marché d’énergie n’est pas vraiment important. Avec l’adsorption d’eau au maximum, soit 20% du débit des rivières en question, ainsi qu’avec l’élévation des réservoirs d’égalisation fixée à 30 mètres (donc le maximum rationnellement possible vu la littérature du sujet), la puissance électrique totale de ces 32 installations hypothétiques serait de quelques 128,9 mégawatts, contre les 50 gigawatts déjà installés dans le système énergétique de la Pologne.
J’écrivais, dans mes mises à jour précédentes, que le « Projet Aqueduc » combine l’impact hydrologique avec celui sur le marché d’énergies renouvelables. Faut que je corrige. La production d’hydro-énergie est tout juste un moyen d’assurer la faisabilité économique du projet et puisque j’en suis là, encore quelques résultats de calculs. Vu les données d’Eurostat sur les prix d’énergie, le « Projet Aqueduc » semble faisable financièrement plutôt avec les prix moyens enregistrés en Europe qu’avec les prix minimum. Avec les prix moyens, l’exploitation des turbines hydroélectriques ainsi que celle d’installations de stockage d’énergie peut dégager quelques 90% de marge brute qui, à son tour, peut servir à financer les autres technologies du projet (pompage avec les béliers hydrauliques, infrastructure hydrologique etc.) et à créer un surplus net de trésorerie. En revanche, lorsque je simule les prix d’énergie à leur minimum empirique, ça donne un déficit brut de -18% après le coût d’énergie et de son stockage. Du coup, le « Projet Aqueduc » n’est pas vraiment du genre « énergies renouvelables pour tous et bon marché ». Le truc a des chances de marcher sans financement publique seulement lorsqu’il touche un marché de consommateurs prêts à payer plus que le minimum pour leur électricité.
En ce qui concerne la station de chargement de véhicules électriques, comme créneau marketing pour l’hydro-énergie produite, je répète tout simplement les conclusions que j’avais déjà exprimées dans la mise à jour intitulée « I have proven myself wrong » : ça n’a pas l’air de pouvoir marcher. A moins de créer une station de chargement hyper-demandée, avec des centaines de chargements par mois, il n’y aura tout simplement pas de trafic suffisant, au moins pas avec les proportions présentes entre la flotte de véhicules électriques en Europe et le réseau des stations de chargement. En revanche, il y a cette idée alternative de stations mobiles de chargement, développé de façon rigoureuse par Elmeligy et al. (2021[1]), par exemple. C’est un changement profond d’approche. Au lieu de construire une station puissante de chargement rapide, couplée avec un magasin d’énergie performant (et cher), on construit un système de batteries mobiles à puissance un peu moins élevée (200 kW dans la solution citée) et on les déplace à travers des parkings fréquentés dans un véhicule spécialement adapté à cette fin.
Maintenant, je change de sujet, mais alors complètement. Hier, j’ai reçu un courriel de la part d’une maison d’édition américaine, Nova Science Publishers, Inc., avec l’invitation à proposer un manuscrit de livre sur le sujet général d’intelligence collective. Apparemment, ils ont lu mon article dans le journal « Energy », intitulé « Energy efficiency as manifestation of collective intelligence in human societies ». Il est aussi possible que quelqu’un chez Nova suit mon blog et ce que je publie sur le phénomène d’intelligence collective. Écrire un livre est différent d’écrire un article. Ce dernier privilégie la concision et la brévité pendant que le premier exige un flot abondant d’idées tout comme un contexte riche et structuré.
En faisant un peu de lecture, ces dernières semaines, je me suis rendu compte que mon hypothèse générale d’intelligence collective des sociétés humaines – donc l’hypothèse d’apprentissage collectif à travers l’expérimentation avec plusieurs versions alternatives de la même structure sociale de base – se marie bien avec l’hypothèse des systèmes complexes. J’ai trouvé cette intersection intéressante comme je lisais le livre intitulé « 1177 B.C. The Year Civilisation Collapsed. Revised and Updated », publié par Eric H. Cline chez Princeton University Press en 2021[2]. En étudiant les mécanismes possibles de la décomposition des grands empires de l’âge de Bronze, Eric Cline cite la théorie des systèmes complexes. Si un ensemble est composé d’entités qui différent dans leur complexité – donc si nous observons entité dans entité et tout ça dans encore une autre entité – les connections fonctionnelles entre ces entités peuvent en quelque sorte stocker l’information et donc générer l’apprentissage spontané. De façon tout à fait surprenante, j’ai trouvé une référence scientifiquement sérieuse à la théorie des systèmes complexes dans un autre bouquin que je suis en train de lire (oui, j’ai l’habitude de lire plusieurs livres à la fois), donc dans « Aware. The Science and Practice of Presence. The Groundbreaking Meditation Practice », publié par Daniel J. Siegel chez TarcherPerigee en 2018[3]. Daniel J. Siegel developpe sur l’hypothèse que la conscience humaine est un système complexe et comme tel est capable d’auto-organisation. Je me permets de traduire ad hoc un court passage du début de ce livre : « L’une des caractéristiques émergentes fondamentales des systèmes complexes dans cette réalité qui est la nôtre est désignée comme auto-organisation. C’est un concept que vous pourriez croire être crée par quelqu’un en psychologie ou même dans les affaires, mais c’est un terme mathématique. La forme ou les contours du déploiement d’un système complexe sont déterminés par cette propriété émergente d’auto-organisation. Ce déploiement peut être optimisé ou bien il peut être contraint. Lorsqu’il ne s’optimise pas, il passe vers chaos ou vers la rigidité. Lorsqu’il s’optimise, il passe vers l’harmonie, en étant flexible, adaptable, cohérent, énergétique et stable ».
Intéressant : une étude systématique du développement et de la chute d’une civilisation peut trouver la même base théorique que l’étude scientifique de la méditation et cette base et la théorie des systèmes complexes. La façon do cette théorie se présente ressemble beaucoup à mes simulations de changement social et technologique où j’utilise des réseaux neuronaux comme représentation d’intelligence collective. Je suis en train de réfléchir sur la façon la plus générale possible d’exprimer et englober mon hypothèse d’intelligence collective. Je pense que le brouillon intitulé « Behavioral absorption of Black Swans: simulation with an artificial neural network », en combinaison avec la théorie des chaînes imparfaites de Markov (Berghout & Verbitskiy 2021[4]) sont peut-être le meilleur point de départ. J’assume donc que toute réalité sociale est une collection des phénomènes que nous ne percevons que de façon partielle et imparfaite et que nous estimons comme saillants lorsque leur probabilité d’occurrence dépasse un certain niveau critique.
Mathématiquement, la réalité sociale intelligible est donc un ensemble de probabilités. Je ne fais aucune assomption à priori quant à la dépendance mutuelle formelle de ces probabilités, mais je peux assumer que nous percevons tout changement de réalité sociale comme passage d’un ensemble des probabilités à un autre, donc comme une chaîne complexe d’états. Ici et maintenant, nous sommes dans une chaîne complexe A et à partir de là, tout n’est pas possible. Bien sûr, je ne veux pas dire que tout est impossible : j’assume tout simplement que la complexité d’ici et maintenant peut se transformer en d’autres complexités sous certaines conditions et contraintes. L’assomption la plus élémentaire à ce propos est que nous envisageons de bouger notre cul collectif seulement vers des états complexes qui nous rapprochent de ce que nous poursuivons ensemble et ceci quelles que soient les contraintes exogènes à notre choix. Je dirais même qu’en présence de contraintes sévères nous devenons particulièrement attentifs à l’état complexe prochain vers lequel nous transigeons. Une société constamment menacée par la pénurie de nourriture, par exemple, va être très tatillonne et en même temps très ingénieuse dans sa propre croissance démographique, en allant même jusqu’à la régulation culturelle du cycle menstruel des femmes.
Bon, ce sera tout dans cette mise à jour. Je m’en vais réfléchir et lire (plusieurs bouquins à la fois, comme d’habitude).
[1] Elmeligy, M. M., Shaaban, M. F., Azab, A., Azzouz, M. A., & Mokhtar, M. (2021). A Mobile Energy Storage Unit Serving Multiple EV Charging Stations. Energies, 14(10), 2969. https://doi.org/10.3390/en14102969
[2] LCCN 2020024530 (print) | LCCN 2020024531 (ebook) | ISBN 9780691208015 (paperback) | ISBN 9780691208022 (ebook) ; Cline, Eric H.. 1177 B.C.: 6 (Turning Points in Ancient History, 1) . Princeton University Press. Kindle Edition.
[3] LCCN 2018016987 (print) | LCCN 2018027672 (ebook) | ISBN 9780143111788 | ISBN 9781101993040 (hardback) ; Siegel, Daniel J.. Aware (p. viii). Penguin Publishing Group. Kindle Edition.
[4] Berghout, S., & Verbitskiy, E. (2021). On regularity of functions of Markov chains. Stochastic Processes and their Applications, Volume 134, April 2021, Pages 29-54, https://doi.org/10.1016/j.spa.2020.12.006
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