Me revoilà, je me suis remis à blogguer après plusieurs mois de pause. Il fallait que je prenne soin de ma santé et entretemps, je repensais mes priorités existentielles et cette réflexion pouvait très bien avoir quelque chose à faire avec les opioïdes que je prenais à l’hôpital après mon opération.
Redémarrer après un temps aussi long est un peu dur et enrichissant en même temps. C’est comme si j’enlevais de la rouille d’une vieille machine. J’adore des vieilles machines que je peux dérouiller et réparer. J’ai besoin de quelques vers d’écriture pour m’orienter. Lorsque j’écris, c’est comme si je libérais une forme d’énergie : il faut que j’y donne une direction et une forme. Je suis en train de travailler sur deux trucs principaux. L’un est mon concept d’Energy Ponds : une solution complexe qui combine l’utilisation des béliers hydrauliques pour accumuler et retenir l’eau dans des structures marécageuses ainsi que pour générer de l’électricité dans des turbines hydroélectriques. L’autre truc c’est ma recherche sur les modèles d’entreprise dans le secteur amplement défini comme nouvelles sources d’énergie. Là, je m’intéresse aux entreprises dans lesquelles je peux investir via la Bourse, donc les véhicules électriques (comme investisseur, je suis in fidèle de Tesla), les systèmes de stockage d’énergie, la production d’hydrogène et son utilisation dans des piles à combustible, le photovoltaïque, l’éolien et enfin le nucléaire.
Intuitivement, je concentre mon écriture sur le blog sur ce deuxième sujet, donc les modèles d’entreprise. Raison ? Je pense que c’est à cause de la complexité et le caractère un peu vaseux du sujet. Le concept d’Energy Ponds, quant à lui, ça se structure peu à peu comme j’essaie – et parfois je réussis – à y attirer l’intérêt des gens aux compétences complémentaires aux miennes. En revanche, les modèles d’entreprise, c’est vaseux en tant que tel, je veux dire au niveau théorique, ça me touche à plusieurs niveaux parce que c’est non seulement de la science pour moi mais aussi une stratégie d’investissement en Bourse. Par ailleurs, je sais que lorsque je blogue, ça marche le mieux avec de tels sujets, précisément : importants et vaseux en même temps.
Voici donc une liste de sociétés que j’observe plus ou moins régulièrement :
>> Tesla https://ir.tesla.com/#quarterly-disclosure
>> Rivian https://rivian.com/investors
>> Lucid Group https://ir.lucidmotors.com/
>> Nuscale Power https://ir.nuscalepower.com/overview/default.aspx
>> First Solar https://investor.firstsolar.com/home/default.aspx
>> SolarEdge https://investors.solaredge.com/
>> Fuel Cell Energy https://investor.fce.com/Investors/default.aspx
>> Plug Power https://www.ir.plugpower.com/overview/default.aspx
>> Green Hydrogen Systems https://investor.greenhydrogen.dk/
>> Nel Hydrogen https://nelhydrogen.com/investor-relations/
>> Next Hydrogen (précédemment BioHEP Technologies Ltd.) https://nexthydrogen.com/investor-relations/why-invest/
>> Energa https://ir.energa.pl/en
>> PGE https://www.gkpge.pl/en
>> Tauron https://raport.tauron.pl/en/tauron-in-2020/stock-exchange/investor-relations/
>> ZPUE https://zpue.com/
La première différentiation sur cette liste c’est ma propre position comme investisseur. Je tiens des positions ouvertes sur Tesla, Nuscale Power, Energa, PGE, Tauron et ZPUE. J’en ai eu dans le passé sur Lucid Group, First Solar et SolarEdge. En revanche, Rivian, Fuel Cell Energy, Plug Power, Green Hydrogen Systems, Nel Hydrogen ainsi que Next Hydrogen – ceux-là, je regarde et j’observe sans y toucher.
La deuxième différentiation est relative aux flux opérationnels de trésorerie : il y en a des profitables (Tesla, First Solar, SolarEdge, Energa, PGE, Tauron et ZPUE) et des pas-tout-à-fait-et-ça-va-venir-mais-pas-encore profitables (Rivian, Lucid Group, Nuscale Power, Fuel Cell Energy, Plug Power, Green Hydrogen Systems, Nel Hydrogen, Next Hydrogen).
Comme je viens de faire ces deux classifications, il me vient à l’esprit que j’évalue les modèles d’entreprise selon le critère de revenu propriétaire tel que défini par Warren Buffett. A ce propos, vous pouvez consulter soit le site relations investisseurs de son fonds d’investissement Berkshire Hathaway (https://www.berkshirehathaway.com/ ) soit un très bon livre de Robert G.Hagstrom « The Warren Buffett Way » (John Wiley & Sons, 2013, ISBN 1118793994, 9781118793992). Les entreprises qui dégagent un surplus positif de bénéfice net et amortissement sur les dépenses capitalisées en actifs productifs sont celles qui sont déjà mûres et stables, donc financièrement capables de lancer quelque chose comme une nouvelle vague de changement technologique. En revanche, celles où cette valeur résiduelle « bénéfice net plus amortissement moins dépenses capitalisées en actifs productifs » est négative ou proche de zéro sont celles qui ont toujours besoin de venir à termes avec la façon dont ils conduisent leur business et sont donc incapables de lancer un nouveau cycle de changement technologique sans assistance financière externe.
Je me concentre sur les sociétés spécialisées dans l’hydrogène : Fuel Cell Energy, Plug Power, Green Hydrogen Systems, Nel Hydrogen, Next Hydrogen. Les technologies de production et d’utilisation d’hydrogène semblent être le matériel pour la prochaine vague de changement technologique en ce qui concerne l’énergie. Encore, il y a hydrogène et hydrogène. Le business de production d’hydrogène et de sa fourniture à travers des stations de ravitaillement c’est la technologie d’électrolyse et de stockage des gaz volatiles, donc quelque chose de pas vraiment révolutionnaire. Il y a espace pour innovation, certes, mais c’est de l’innovation incrémentale, rien qui brise les murs de l’ignorance pour ainsi dire. En revanche, l’utilisation d’hydrogène dans les piles à combustible, ça, c’est une technologie de pointe.
Dans ces deux cas de développement de technologie des piles à combustible (donc piles à hydrogène), soit Fuel Cell Energy et Plug Power, je passe en revue leur bilans et je les compare avec les autres trois sociétés, orientées plus spécifiquement sur l’électrolyse et le ravitaillement en hydrogène. Je m’arrête à leurs passifs. Quatre trucs m’intéressent plus particulièrement : est-ce qu’ils ont un capital social positif, la proportion « dette – capital social », la structure dudit capital social et les pertes accumulées dans le bilan.
Comme ces 5 sociétés n’ont pas toutes publié leurs rapports du 2nd trimestre 2022, je compare leurs rapports annuels 2021.
>> Fuel Cell Energy https://investor.fce.com/Investors/default.aspx : capital social de $642,4 millions, fait 79% des passifs du bilan ; la source principale du capital social est la prime d’émission de $1,9 milliards, ce qui permet de compenser un déficit accumulé de $1,266 milliards.
>> Plug Power https://www.ir.plugpower.com/overview/default.aspx : capital social de $4,6 milliards, soit à peu de choses près 78% des passifs et alimenté par une prime d’émission de $7,07 milliards qui compense un déficit accumulé de $2,4 milliards.
>> Green Hydrogen Systems https://investor.greenhydrogen.dk/ ; avec ceux-là, je commence à convertir les monnaies ; Green Hydrogen Systems est une société danoise et ils rapportent en couronnes danoises, soit 1 DKK = 0,14 USD ; le capital social ici est de $164,06 millions, fait 90% des passifs, vient surtout d’une prime d’émission de $243,71 millions et contient un déficit accumulé de $96,87 millions.
>> Nel Hydrogen https://nelhydrogen.com/investor-relations/ ; cette fois, c’est la Norvège et les couronnes norvégiennes à 1 NOK = 0,1 USD ; le capital social monte à $503,87 millions ce qui donne 84% des passifs et se base sur une prime d’émission de $559,62 millions et compense avec surplus un déficit accumulé de $97,16 millions.
>> Next Hydrogen (précédemment BioHEP Technologies Ltd.) https://nexthydrogen.com/investor-relations/why-invest/ ; cette fois, ce sont les dollars canadiens – à 1 CAD = 0,77 USD – et les dollars canadiens propriétaires de Next Hydrogen font un capital social de $29,1 millions qui, à son tour, fait 78,6% des passifs et – surprise – vient surtout du capital-actions pur et simple de $58,82 millions et contient un déficit accumulé de $32,24 millions.
Je commence à voir un schéma commun. Toutes les 5 sociétés ont un modèle d’entreprise très propriétaire, basé sur le capital social beaucoup plus que sur la dette. Cela veut dire Peu de levier financier et beaucoup de souveraineté stratégique. Dans les quatre cas sur cinq, donc avec l’exception de Next Hydrogen, cette structure propriétaire est basée sur une combine avec les prix d’émission des actions. On émet les actions à un prix d’appel follement élevé par rapport au prix comptable basé sur les actifs. Seuls les initiés savent pourquoi c’est tellement cher et ils payent, pendant que le commun des mortels est découragé par cette prime d’émission gigantesque. Tout en entrant en Bourse, les fondateurs de la société restent maîtres du bilan et donnent à leurs participations une liquidité élégante, propre au marché financier public.
Dans le cinquième cas, donc avec Next Hydrogen, c’est plus transparent et moins tordu : c’est le capital-actions qui pompe le capital social et ça semble donc plus ouvert aux actionnaires autres que les fondateurs.
Dans tous les cas, le capital social sert à compenser un déficit accumulé de taille très importante et en même temps sert à créer un coussin de liquide sur le côté actif du bilan. Les actifs autres que l’argent liquide et ses équivalents sont donc largement financés avec de la dette.
Prendre contrôle propriétaire d’une entreprise profondément déficitaire indique une détermination stratégique. La question se pose donc, c’est une détermination à faire quoi au juste ? Je rétrécis mon champ d’analyse à Fuel Cell Energy et je commence à passer en revue leurs rapports courants. Le Rapport courant du 12 Juillet 2022 informe que Fuel Cell Energy est entrée en contrat de vente sur marché ouvert (anglais : « Open Market Sales Agreement ») avec Jefferies LLC, B. Riley Securities, Inc., Barclays Capital Inc., BMO Capital Markets Corp., BofA Securities, Inc., Canaccord Genuity LLC, Citigroup Global Markets Inc., J.P. Morgan Securities LLC and Loop Capital Markets LLC dont chacun est designé comme Agent et tous ensemble sont des « Agents ». Le contrat donne à Fuel Cell Energy la possibilité d’offrir et de vendre, de temps en temps, un paquet de 95 000 000 actions (contre les 837 500 000 actions déjà actives) à valeur nominale de $0,0001 par action (soit la même valeur nominale que les actions déjà en place). Ces offres occasionnelles de 95 000 000 actions peuvent se faire aussi bien à travers les Agents qu’aux Agents eux-mêmes. Cette dualité « à travers ou bien à » se traduit en une procédure de préemption, ou Fuel Cell Energy offre les actions à chaque Agent et celui-ci a le choix de d’accepter et donc d’acheter les actions, ou bien de décliner l’offre d’achat et d’agir comme intermédiaire dans leur vente aux tierces personnes. Fuel Cell Energy paiera à l’Agent une commission de 2% sur la valeur brute de chaque transaction, que ce soit l’achat direct par l’Agent ou bien son intermédiaire dans la transaction. Par le même contrat, Jefferies LLC et Barclays Capital Inc. ont convenu avec Fuel Cell Energy de mettre fin à un contrat similaire, signé entre les trois parties en juin 2021.
Intéressant. Fuel Cell Energy entreprend d’utiliser son capital social comme plateforme de coopération avec une sorte de club d’institutions financières. Ces paquets de 95 000 000 actions à valeur nominale de $0,0001 par action font nominalement $9500 chacun, soit à peu près les dépenses voyage demi-mensuelles d’un PDG dans les organisations signataires du contrat. Pas vraiment de quoi déstabiliser un business. La commission de 2% sur un tel paquet fait $190. Seulement, l’émission publique de 837 000 000 actions existantes de Fuel Cell Energy s’était soldée par une prime d’émission de 5 157 930%. Oui, une prime d’émission de plus de 5 millions de pourcent. Ça fait beaucoup de points de pourcentage. Le moment quand j’écris ces mots, le prix boursier d’une action de Fuel Cell Energy est de $4,15 (soit 4149900% de plus que la valeur comptable). Par ailleurs, le volume d’actions en circulation est de 19 722 305, qui fait un free float d’à peine 19 722 305 / 837 500 000 = 2,35%. Chacun de ces paquets de 95 000 000 actions convenus par le contrat en question fait plus que ça et il peut donner occasion à une prime d’émission de plus de $394 millions et une commission de presque $8 millions.
Je n’aime pas ça. Comme investisseur, j’ai toutes me lampes rouges qui clignotent lorsque je pense à investir dans Fuel Cell Energy. Ce contrat du 12 juillet 2022, c’est carrément du poker financier. Je sais par expérience que le poker, c’est divertissant, mais ça ne va pas de pair avec une stratégie d’investissement rationnelle. Il me vient à l’esprit ce principe de gestion qui dit que lorsque les gestionnaires d’une société ont trop de liquide inutilisé à leur disposition, ils commencent à faire des trucs vraiment bêtes.
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