La marge opérationnelle de $1 539,60 par an par 1 kilowatt

Mon éditorial sur You Tube

Alors, je change un peu d’azimut. Dans « All hope is not lost: the countryside is still exposed » j’ai présenté une revue de littérature à propos des risques liées aux inondations et aux sécheresses en Europe. Il paraît que ces risques sont très différents de ce que je pensais qu’ils étaient. Comme quoi, il est bon de ne pas céder à l’hystérie collective et d’étudier patiemment la science que nous avons à notre disposition. Je reviens donc un peu sur les propos que j’ai exprimés dans « Le cycle d’adaptation ». J’avais écrit que les infrastructures urbaines en Europe sont parfaitement adaptées aux conditions climatiques qui n’existent plus : maintenant je reviens et je nuance sur ce propos. Oui, les villes européennes ont besoin d’adaptation aux changements climatiques, mais elles sont en train de s’adapter déjà. En revanche, la partie majeure des pertes humaines et matérielles suite d’inondations et de sécheresses survient en dehors des grandes villes, dans les endroits ruraux. La sécheresse, ça frappe les agriculteurs bien avant que ça frappe les citadins. Lorsque les habitants des villes voient l’eau manquer dans leurs robinets, les agriculteurs en sont déjà à faire la solde des pertes dues aux récoltes plus modestes que d’habitude.

Le Navigateur des Projets, accessible à travers la page de « International Renewable Energy Agency », m’a fait réfléchir sur les objectifs communs autour desquels les communautés locales d’Europe peuvent s’organiser pour développer des projets comme mon concept d’Étangs Énergétiques. Maintenant, après une revue de littérature, je pense qu’un objectif rationnel est de construire des infrastructures aquatiques, pour stocker l’eau de pluie ainsi que produire et stocker l’hydroélectricité, dans des régions rurales, pour protéger l’agriculture et indirectement protéger les ressources hydrologiques des villes.

Vous pouvez lire dans « All hope is not lost: the countryside is still exposed » que la littérature scientifique n’est pas tout à fait d’accord sur les risques liés à la sécheresse en Europe. Néanmoins, la science à ses limites méthodologiques : elle peut dire quelque chose à coup sûr seulement si les données empiriques sont suffisamment abondantes et claires pour vérifier les hypothèses statistiquement comme il faut. Les données empiriques que nous avons à propos des sécheresses en Europe et de leurs effets économiques souffrent de l’effet pervers de notre capacité d’adaptation. J’explique. Pour une preuve statistique vraiment rigoureuse, il faut que les distributions d’erreurs locales des différentes variables soient mutuellement indépendantes (donc pas de corrélation significative entre les erreurs d’estimation de variable A et celles de variable B) et aléatoires, donc dispersées au moins aussi largement que le suggère la distribution normale. L’erreur d’estimation de l’humidité résiduelle du sol, par exemple, doit être aléatoire et indépendante de l’erreur d’estimation de la récolte de blé. Eh bien, à en croire Webber et al. (2018[1]), il n’en est pas le cas : les bases de données qui croisent du météo et hydrologie avec de l’agriculture rendent des corrélations significatives entre les erreurs d’estimation après régression linéaire d’une variable sur les autres. Pourquoi ? Mon explication intuitive à moi est que nous, les humains, on réagit vite lorsque notre base de bouffe est menacée. Nous réagissons tellement vite, à travers les modifications des technologies agriculturales, que nous induisons de la corrélation entre le climat et la récolte.

Lorsque la rigueur scientifique nous fait défaut, c’est une bonne idée de tourner vers l’observation plus élémentaire et plus anecdotique. Je passe en revue les actualités du marché agricole. Chez moi, en Pologne, la récolte des fruits menace d’être plus basse de 30% par rapport aux pronostics faits au mois de Mai[2]. La récolte céréalière peut baisser entre 8% et même 40% par rapport à celle de l’année dernière, suivant la région exacte du pays[3]. En France, selon Europe 1, l’alerte sécheresse dans l’agriculture est devenue quelque chose de normal[4]. Je passe aux prix des contrats à terme sur les biens agricoles de base. Le blé, contrats MATIF, donc le marché européen, ça s’agite cette année. La tendance des dernières semaines est à la hausse des prix, comme si les traders prévoyaient un déficit d’offre en Europe. Les contrats MATIF sur le maïs montrent à peu de choses près la même tendance. En revanche, les contrats CBOT sur blé, émis par CME Group et basés sur le marché américain, montrent une tendance plus décidément ascendante dans le long terme quoi que descendante dans l’immédiat. Ah, je viens de regarder les prix CBOT dernière minute sur https://www.barchart.com/futures/quotes/ZW*0/futures-prices: ça grimpe aujourd’hui dans la matinée. Voilà donc que je cerne le risque qui correspond à la sécheresse en Europe : c’est le risque de volatilité croissante des prix agricoles. Si je veux approcher ce risque de façon analytique, je peux essayer d’estimer, par exemple, la valeur du marché d’un instrument financier hypothétique – comme un contrat à terme ou une option – qui paie lorsque les prix restent dans l’intervalle désiré et apporte des pertes lorsque les prix vont hors de cet intervalle.

Je généralise l’approche financière à mon concept d’Étangs Énergétiques. Je pense que l’investissement qui a des chances de gagner le support d’acteurs sociaux est celui dont la Valeur Actuelle Nette – pour un cycle de vie utile de l’infrastructure de « m » années – est égale à NPV(m) = vente d’hydroélectricité (m) + réduction du risque lié aux inondations (m) + réduction du risque lié aux sècheresses (m). En ce qui concerne les revenus de la vente d’électricité – disons que j’appelle ces revenus VE(m) – le calcul est comme suit : VE(m) = puissance en kilowatts * 365 jours * 24 heures * prix de marché d’électricité = {flux par seconde en litres (ou en kilogrammes d’eau, revient au même) * constante gravitationnelle a = 9,81 * dénivellation en mètres / 1000} * 365 jours * 24 heures * prix de marché d’électricité (consultez « Sponge Cities »). Chez moi, en Pologne – avec 1 kilowatt heure achetée à un prix total d’à peu près $0,21 – 1 kilowatt de puissance génératrice représente un revenu de : 8760 heures dans l’année multipliées par $0,21 par kilowatt heure égale $1 839,60 par an.

Pour autant que j’ai pu me renseigner dans une publication par IRENA, l’investissement nécessaire en hydro-génération est d’à peu près $1500 ÷ $3000 par 1 kilowatt de puissance, à l’échelle mondiale. Cette moyenne globale représente un éventail assez étendu d’investissement par kilowatt, en fonction de la région géographique, de la puissance totale installée dans l’installation donnée, ainsi que de la dénivellation du cours d’eau correspondant. Pour des raisons que je n’ai pas encore étudié en détail, l’investissement requis par 1 kilowatt de puissance dans les installations classées comme petites varie le plus en Europe, en comparaison aux autres régions du monde. En partant de ce seuil général d’à peu près $1500 l’investissement requis par 1 kilowatt peut aller même jusqu’à $8000. Allez savoir pourquoi. Ce plafond maximum est deux fois plus élevé que ce qui est reporté dans quelle autre région du monde que ce soit.

La dénivellation naturelle du cours d’eau où la turbine hydroélectrique est installée joue son rôle. Dans des endroits vraiment plats, où la seule façon d’avoir un peu de force dans ce flux d’eau est de pomper l’eau dans des réservoirs élevés, l’investissement pour les petites turbines de moins de 50 kilowatts est d’environ $5400 par kilowatt, comme moyenne mondiale. Ça tombe vite à mesure que la dénivellation va de quasi-zéro vers et au-dessus de 25 mètres et ensuite ça tombe de plus en plus gentiment.

À part le retour requis sur l’investissement, le coût complet d’une kilowatt heure contient celui de maintenance et de gestion opérationnelle. Selon le même rapport d’IRENA, ce coût peut atteindre, dans des conditions plutôt pessimistes, comme $300 par an par 1 kilowatt de puissance installée. Après la déduction de ce coût le flux annuel de revenu des ventes d’électricité tourne en un flux de marge opérationnelle égal à $1 839,60 – $300 =  $1 539,60 par an. Quelques pages plus loin, toujours dans la même publication d’IRENA je trouve que le coût actualisé d’énergie, « LCOE » pour les amis, peut se ranger en Europe entre $0,05 et $0,17. Le coût de maintenance et de gestion opérationnelle, qui fait partie de LCOE, est de $300 par an par 1 kilowatt de puissance installée, divisé par 8760 dans l’année, donc $0,03 par kilowatt heure. Par conséquent, la partie « retour sur investissement » du LCOE peut varier entre $0,05 – $0,03 = $0,02 et $0,17 – $0,03 = $0,14 par kilowatt heure. Ce retour sur investissement, je le multiplie par 8760 heures dans l’année, pour obtenir le retour requis par an sur l’investissement en 1 kilowatt de puissance. Ça donne un intervalle entre $175,20 et $1 226,40 par an. Ceci me donne deux informations importantes. Premièrement, la marge opérationnelle de $1 539,60 par anest suffisante pour satisfaire même les projections financières des plus exigeantes.

Deuxièmement, longue histoire courte, comme disent les Anglo-Saxons, je prends l’investissement le plus coûteux possible, donc sur mon continent à moi (l’Europe), donc $8000, et je divise par cette fourchette des retours annuels. Ça tombe entre $8000/$1226,40 et $8000/$175,20, soit entre 6,5 et 46 années. Bon, disons que les 46 années c’est de l’abstrait. En fait, tout ce qui va plus loin que 20 ans, dans les investissements en la génération d’énergie, c’est tout simplement l’absence d’égard au retour sur l’investissement strictement dit. Ce qui m’intéresse c’est la dent inférieure de la fourchette, donc les 6,52 années. Je prends cet intervalle de temps comme benchmark du retour espéré par les investisseurs les plus exigeants. Par ailleurs, là, il est bon de rappeler quelque chose comme un paradoxe : plus vite vont se développer les technologies des turbines hydroélectriques, plus court sera le temps de vie morale de toute technologie spécifique, donc plus court sera le temps alloué au retour sur l’investissement.     

Une conclusion partielle que je peux tirer de ces calculs, à propos de mon projet « Étangs Énergétiques » est que les ventes d’électricité produite dans les turbines hydroélectriques faisant partie de l’infrastructure prévue peuvent constituer une motivation claire pour des investisseurs potentiels, à condition toutefois de maintenir la taille de l’investissement local dans les dizaines des milliers des dollars plutôt que dans les milliards que dépense le gouvernement Chinois sur le projet des « Sponge Cities ».

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ? Vous pouvez me contacter à travers la boîte électronique de ce blog : goodscience@discoversocialsciences.com .


[1] Webber, H., Ewert, F., Olesen, J. E., Müller, C., Fronzek, S., Ruane, A. C., … & Ferrise, R. (2018). Diverging importance of drought stress for maize and winter wheat in Europe. Nature communications, 9(1), 4249.

[2] http://www.portalspozywczy.pl/owoce-warzywa/wiadomosci/zbiory-owocow-w-2019-roku-beda-nawet-o-30-procent-nizsze-niz-zwykle-wideo,173565.html dernier accès 16 Juillet 2019

[3] http://www.portalspozywczy.pl/zboza/wiadomosci/swietokrzyskie-w-zwiazku-z-susza-zbiory-zboz-moga-byc-nizsze-nawet-o-40-proc,160018.html dernier accès 16 Juillet 2019

[4] https://www.europe1.fr/societe/secheresse-pour-les-agriculteurs-les-restrictions-deau-sont-devenues-la-routine-3908427 dernier accès 16 Juillet 2019

Le cycle d’adaptation

Mon éditorial sur You Tube

Je développe sur mon concept d’Étangs Énergétiques (voir « La ville éponge » et « Sponge Cities »). J’ai décidé d’utiliser le Navigateur des Projets, accessible à travers la page de « International Renewable Energy Agency ». La création d’un projet, à travers cette fonctionnalité, contient 6 étapes : a) identification b) analyse stratégique c) évaluation d) sélection e) pré-développement et f) développement proprement dit.

Le long de ce chemin conceptuel, on peut utiliser des exemples et études des cas accessibles à travers la sous-page intitulée « Learning Section ». Pour le moment, je me concentre sur la première phase, celle d’identification. Je liste les questions correspondantes d’abord, telles qu’elles sont présentées dans le Navigateur des Projets et après j’essaie d’y répondre. 

Questions de la phase d’identification du projet :

Groupes sociaux impliqués

Qui est impliqué dans le projet ? (gouvernement central, gouvernements locaux et communautés locales, investisseurs professionnels etc.)

Qui contrôle les résultats du projet et les bénéfices qui en découlent ?

Quels besoins externes doivent être satisfaits pour assurer le succès du projet ?

Quels groupes-cibles sont directement affectés par le projet ?

Qui sont les bénéficiaires ultimes du projet à long terme ?

Problème

Quel est le problème essentiel que le projet prend pour objectif de résoudre ?

Quelles sont ses causes ?

Quels sont les conséquences du problème essentiel ?

Objectifs

Quelle est la situation désirée que le projet doit aider à atteindre ?

Quelles sont les effets directs de la situation désirée ?

Quelles sont les retombées indirectes de la situation désirée ?

Quelles moyens et méthodes doivent être appliqués pour atteindre la situation désirée ?

Alternatives

Quelles actions alternatives peuvent-elles être envisagées ?

Quelle est la stratégie essentielle du projet ?

Comme j’essaie de répondre en ordre à ces questions, un désordre salutaire s’immisce et me fait formuler cette observation générale : dans la plupart des villes européennes, les infrastructures en place pour le drainage d’eau de pluie et la provision d’eau potable sont adaptées, et même très bien adaptées, à un climat qui n’existe plus qu’à peine. Durant des siècles nous avons appris, en Europe, où est la ligne d’inondation dans un endroit donné et quel est le niveau normal d’eau dans la rivière locale. Nous avons construit des systèmes de drainage qui était presque parfaits 30 ans auparavant mais qui sont débordés de plus en plus souvent. Point de vue technologie, nos infrastructures urbaines forment la solution aux problèmes qui s’évanouissent progressivement. Je veux dire qu’il n’y a pas vraiment d’alternative technologique au concept général de la ville-éponge. Les villes européennes sont ce qu’elles sont, dans une large mesure, parce qu’à travers des siècles les communautés locales avaient appris à utiliser les ressources hydrologiques crées par le climat typiquement tempéré. Le climat change et les conditions hydrologiques changent aussi. Les communautés urbaines d’Europe doivent inventer et mettre en place des solutions infrastructurelles nouvelles ou bien elles vont dépérir. J’exagère ? Allez-donc visiter l’Italie. Vous voyez le Nord opulent et le Sud pauvre. Croiriez-vous qu’il y a 2200 ans c’était exactement l’inverse ? Dans les temps de l’Ancienne Rome, république ou empire, peu importe, le Sud était le quartier chic et le Nord c’étaient les terres quasi-barbares. Les conditions externes avaient changé et certaines communautés locales avaient dégénéré.       

Je pense donc que la direction générale que je veux suivre dans le développement de mon concept d’Étangs Énergétiques est la seule direction viable à long-terme. La question est comment le faire exactement. Voilà donc que je viens à la dernière question de la liste d’identification, quelques paragraphes plus tôt : Quelle est la stratégie essentielle du projet ?  Je pense que cette stratégie doit être institutionnelle d’abord et technologique ensuite. Elle doit avant tout mobiliser plusieurs acteurs sociaux autour des projets infrastructurels. Tel que je l’envisage, le projet d’Étangs Énergétiques implique surtout et d’abord des communautés urbaines locales dans les villes européennes qui se trouvent dans des plaines fluviales le long des rivières. Suivant la structure urbaine exacte en place, on peut parler des communautés urbaines strictement dites ou bien des communautés métropolitaines, mais la logique de base reste la même : ces villes font face à un aspect spécifique des changements climatiques, donc à un rythme de précipitations qui évolue vers des averses de plus en plus violentes entrecoupées par des périodes de sécheresse. Les plaines qui longent les rivières européennes se transforment déjà en quelque chose de typiquement fluvial, un peu comme la vallée du Nile en Égypte : l’irrigation naturelle des couches superficielles du sol dépend de plus en plus de ces averses violentes. Cependant, les infrastructures de provision d’eau dans ces communautés urbaines sont, dans leur grande majorité, adaptés aux conditions environnementales du passé, avec des précipitations bien prévisibles, survenant en des cycles longs, avec des chutes de neige substantielles en hiver et des dégels progressifs dans les dernières semaines d’hiver et les premières semaines du printemps.

Les résultats espérés du projet sont les suivants : a) plus d’eau retenue sur place après averses, y compris plus d’eau potable, donc moindre risque de sécheresse et moins de dégâts causés par la sécheresse  b) moindre risque d’inondation, moindre coût de prévention ponctuelle contre l’inondation ainsi qu’un moindre coût des dégâts causés par les inondations c) contrôle des retombées environnementales indirectes de la transformation du terrain en une plaine fluviale de fait d) électricité produite sur place dans les turbines hydrauliques qui utilisent l’eau de pluie.

Lorsque je me repose la question « Qui contrôle ces résultats et qui peut le plus vraisemblablement ramasser la crème des résultats positifs ? », la réponse est complexe mais elle a une logique de base : ça dépend de la loi en vigueur. Dans le contexte légal européen que je le connais les résultats énumérés ci-dessus sont distribués parmi plusieurs acteurs. De manière générale, le contrôle des ressources fondamentales, comme les rivières et l’infrastructure qui les accompagne ou bien le système de provision d’électricité, sont sous le contrôle essentiel des gouvernements nationaux, qui à leur tour peuvent déléguer ce contrôle aux tierces personnes. Ces tierces personnes sont surtout les communautés urbaines et les grandes sociétés infrastructurelles. En fait, dans le contexte légal européen, les habitants des villes n’ont pratiquement pas de contrôle direct et propriétaire sur les ressources et infrastructures fondamentales dont dépend leur qualité de vie. Ils n’ont donc pas de contrôle direct sur les bénéfices possibles du projet. Ils peuvent avoir des retombées à travers les prix de l’immobilier, où ils ont des droits propriétaires, mais en général, point de vue contrôle des résultats, je vois déjà un problème à résoudre. Le problème c’est que quoi qu’on essaie de transformer dans l’infrastructure urbaine des villes européennes, il est dur de cerner qui est le propriétaire du changement, vu la loi en vigueur.

Je veux cerner les risques que mon concept d’Étangs Énergétiques, ainsi que le concept chinois des Villes Éponges, ont pour but de prévenir ou au moins réduire : les risques liés aux inondations et sécheresses qui surviennent en des épisodes apparemment aléatoires. J’ai fait un petit tour de littérature à ce propos. Je commence par les sécheresses. Intuitivement, ça me semble être plus dangereux que l’inondation, dans la mesure où il est quand même plus facile de faire quelque chose avec de l’eau qui est là en surabondance qu’avec de l’eau qui n’est pas là du tout. Je commence avec une lettre de recherche de Naumann et al. (2015[1]) et il y a un truc qui saute aux yeux : nous ne savons pas exactement ce qui se passe. Les auteurs, qui par ailleurs sont des experts de la Commission Européenne, admettent ouvertement que les sécheresses en Europe surviennent réellement, mais elles surviennent d’une manière que nous ne comprenons que partiellement. Nous avons même des problèmes à définir ce qu’est exactement un sécheresse dans le contexte européen. Est-ce que le dessèchement du sol est suffisant pour parler de la sécheresse ? Ou bien faut-il une corrélation forte et négative dudit dessèchement avec la productivité agriculturale ? Aussi prudent qu’il doive être, le diagnostic des risques liées à la sécheresse en Europe, de la part de Neumann et al., permet de localiser des zones à risque particulièrement élevé : la France, l’Espagne, l’Italie, le Royaume Uni, la Hongrie, la Roumanie, l’Autriche et l’Allemagne.

Il semble que les risques liés aux inondations en Europe sont mappés et quantifiés beaucoup mieux que ceux liés aux épisodes de sécheresse. Selon Alfieri et al. (2015[2]), à l’heure actuelle la population affectée par les inondations en Europe est d’environ 216 000 personnes et la tendance est vers un intervalle entre 500 000 et 640 000 personnes en 2050. Côté finances, les dommages annuels causés par les inondations en Europe sont d’à peu près €5,3 milliards, contre quelque chose entre €20 milliards et €40 milliards par an à espérer en 2050. Lorsque je compare ces deux pièces de recherche – l’une sur les épisodes de sécheresse, l’autre sur les inondations – ce qui saute aux yeux est une disparité en termes d’expérience. Nous savons tout à fait précisément ce qu’une inondation peut nous faire dans un endroit donné sous des conditions hydrologiques précises. En revanche, nous savons encore peu sur ce que nous pouvons souffrir par la suite d’un épisode de sécheresse. Lorsque je lis le rapport technique par Vogt et al. (2018[3]) je constate que pour nous, les Européens, la sécheresse est encore un phénomène qui se passe ailleurs, pas chez nous. D’autant plus difficile il nous sera de s’adapter lorsque les épisodes de sécheresse deviennent plus fréquents.

Je commence donc à penser en termes de cycle d’adaptation : un cycle de changement social en réponse au changement environnemental. Je crois que le premier épisode d’inondation vraiment massive chez moi, en Pologne, c’était en 1997. En revanche, la première sécheresse qui s’est fait vraiment remarquer chez nous, à travers des puits asséchés et des centrales électriques menacées par des problèmes de refroidissement de leurs installations, du au niveau exceptionnellement bas d’eau dans les rivières, ça semble avoir été en 2015. Alors, 2015 – 1997 = 18 ans. C’est étrange. C’est presque exactement le cycle que j’avais identifié dans ma recherche sur l’efficience énergétique et ça me fait repenser l’utilisation d’intelligence artificielle dans ma recherche. Le premier truc c’est l’application cohérente du perceptron pour interpréter les résultats stochastiques de ma recherche sur l’efficience énergétique. La deuxième chose est une généralisation de la première : cela fait un bout de temps que je me demande comment connecter de façon théorique les méthodes stochastiques utilisées dans les sciences sociales avec la structure logique d’un réseau neuronal. L’exemple de parmi les plus évidents, qui me vient maintenant à l’esprit est la définition et l’utilisation d’erreur. Dans l’analyse stochastique nous calculons une erreur standard, sur la base d’erreurs observées localement en ensuite nous utilisons cette erreur standard, par exemple dans le test t de Student. Dans un réseau neuronal, nous naviguons d’erreur locale en erreur locale, pas à pas et c’est de cette façon que notre intelligence artificielle apprend. Le troisième truc c’est la connexion entre les fonctions d’un réseau neuronal d’une part et deux phénomènes de psychologie collective : l’oubli et l’innovation.

Alors, efficience énergétique. Dans le brouillon d’article auquel je me réfère, j’avais posé l’hypothèse générale que l’efficience énergétique d’économies nationales est significativement corrélée avec les variables suivantes :

  1. Le coefficient de proportion entre l’amortissement agrégé d’actifs fixes et le PIB ; c’est une mesure de l’importance économique relative du remplacement des technologies anciennes par des technologies nouvelles ;
  2. Le coefficient du nombre des demandes nationales de brevet par 1 million d’habitants ; c’est une mesure d’intensité relative de l’apparition des nouvelles inventions ;
  3. Le coefficient de l’offre d’argent comme pourcentage du PIB, soit l’inverse de la bonne vieille vélocité de l’argent ; celui-là, c’est un vieux pote à moi : je l’ai déjà étudié, en connexion avec (i) et (ii), dans un article en 2017 ; comme vous avez pu le suivre sur mon blog, je suis très attaché à l’idée de l’argent comme hormone systémique des structures sociales ;
  4. Le coefficient de consommation d’énergie par tête d’habitant ;
  5. Le pourcentage d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie ;
  6. Le pourcentage de population urbaine dans la population totale ;
  7. Le coefficient de PIB par tête d’habitant ;

Bien sûr, je peux développer toute une ligne de réflexion sur les inter-corrélations de ces variables explicatives elles-mêmes. Cependant, je veux me concentrer sur une méta-régularité intéressante que j’avais découverte. Alors, vu que ces variables ont des échelles de mesure très différentes, j’avais commencé par en tirer des logarithmes naturels et c’était sur ces logarithmes que je faisais tous les tests économétriques. Comme j’eus effectué la régression linéaire de base sur ces logarithmes, le résultat vraiment robuste me disait que l’efficience énergétique d’un pays – donc son coefficient de PIB par kilogramme d’équivalent pétrole de consommation finale d’énergie – ça dépend surtout de la corrélation négative avec la consommation d’énergie par tête d’habitant ainsi que de la corrélation positive avec le PIB par tête d’habitant. Les autres variables avaient des coefficients de régression plus bas d’un ordre de magnitude ou bien leurs signifiance « p » selon le test t de Student était plutôt dans l’aléatoire. Comme ces deux coefficients sont dénommés par tête d’habitant, la réduction du dénominateur commun me conduisait à la conclusion que le coefficient du PIB par unité de consommation d’énergie est significativement corrélé avec le coefficient de PIB par unité de consommation d’énergie. Pas vraiment intéressant.      

C’est alors que j’ai eu cette association bizarroïde d’idées : le logarithme naturel d’un nombre est l’exposante à laquelle il faut élever la constante « e » , donc e = 2,71828 pour obtenir ledit nombre. La constante e = 2,71828, à son tour, est le paramètre constant de la fonction de progression exponentielle, qui possède une capacité intrigante de refléter des changement dynamiques avec hystérèse, donc des processus de croissance où chaque épisode consécutif bâtit sa croissance locale sur la base de l’épisode précèdent.

Dans la progression exponentielle, l’exposante de la constante e = 2,71828 est un produit complexe d’un paramètre exogène « a » et du numéro ordinal « t » de la période de temps consécutive. Ça va donc comme y = ea*t . Le coefficient de temps « t » est mesuré dans un calendrier. Il dépend de l’assomption en ce qui concerne le moment originel de la progression : t = tx – t0tx est le moment temporel brut en quelque sorte et t0 est le moment originel. Tout ça c’est de l’ontologie profonde en soi-même : le temps dont nous sommes conscients est une projection d’un temps sous-jacent sur le cadre d’un calendrier conventionnel.

Moi, j’ai utilisé cette ontologie comme prétexte pour jouer un peu avec mes logarithmes naturels. Logiquement, le logarithme naturel d’un nombre « » peut s’écrire comme l’exposante de la constante « e » dans une progression exponentielle, donc ln(x) = a*t. Comme t = tx – t0 , la formulation exacte du logarithme naturel est donc ln(x) = a*(tx – t0). Logiquement, la valeur locale du coefficient exogène « a » dépend du choix conventionnel de t0. C’est alors que j’avais imaginé deux histoires alternatives : l’une qui avait commencé un siècle avant – donc en 1889, vers la fin de la deuxième révolution industrielle – et l’autre qui avait commencé en 1989, après le grand changement politique en Europe et la chute du mur de Berlin.

J’avais écrit chaque logarithme naturel dans mon ensemble des données empiriques dans deux formulations alternatives : ln(x) = a1*(tx – 1889) ou alors ln(x) = a2*(tx – 1989). Par conséquent, chaque valeur empirique « x » dans mon échantillon acquiert deux représentations alternatives : a1(x) = ln(x) / (tx – 1889) et a2(x) = ln(x) / (tx – 1989).  Les « a1 » c’est de l’histoire lente et posée. Mes observations empiriques commencent en 1990 et durent jusqu’en 2014 ; a1(x ; 1990) = ln(x)/101 alors que a1(x ; 2014) = ln(x)/125. En revanche, les « a2 » racontent une histoire à l’image d’une onde de choc qui se répand avec force décroissante depuis son point d’origine ; a2(x ; 1990) = ln(x)/1 pendant que a2(x ; 2014) = ln(x)/25.

J’ai repris la même régression linéaire – donc celle que j’avais effectué sur les logarithmes naturels ln(x) de mes données – avec les ensembles transformés « a1(x) » et « a2(x) ». Je cherchais donc à expliquer de façon stochastiques les changements observés dans « a1(efficience énergétique) » ainsi que « a2(efficience énergétique) » par régression sur les « a1(x) » et « a2(x) » des variables explicatives (i) – (vii) énumérées plus haut. La régression des « a1 » paisibles tire de l’ombre l’importance de la corrélation entre l’efficience énergétique et le pourcentage de population urbaine dans la population totale : plus de citadins dans la population totale, plus efficiente énergétiquement est l’économie du pays. Lorsque je régresse sur les « a2 » en onde de choc faiblissante, la corrélation entre l’urbanisation et l’efficience énergétique gagne en force et une autre apparaît : celle avec l’offre d’argent comme pourcentage du PIB. Plus de pognon par unité de PIB, plus de PIB par kilogramme d’équivalent pétrole consommé.

Ici, j’ai un peu le même doute qu’à chaque fois que je vois une technique stochastique nouvelle, par exemple lorsque je compare les résultats de régression linéaire selon la méthode des moindres carrés avec les mêmes données empiriques traitées avec des méthodes comme GARCH ou ARIMA. Les méthodes différentes de calcul appliquées aux mêmes données de départ donnent des résultats différents : c’est normal. Néanmoins, ces résultats différents sont-ils des manifestations de quelque chose réellement différent ? Ce qui me vient à l’esprit est le concept du cycle Schumpétérien. Dans son livre célèbre intitulé « Business Cycles », l’économiste Autrichien Joseph Aloïs Schumpeter avait formulé la thèse qui depuis s’est bien installée dans les sciences sociales : celle du cycle de changement technologique. Mes résultats de recherche indiquent que les changements d’efficience énergétique forment des corrélations les plus cohérentes avec d’autres variables prises en compte lorsque j’impose une analyse de cycle, avec un moment initial hypothétique. Comment ce cycle est lié aux comportements individuels et collectifs, donc comment puis-je l’étudier comme phénomène d’intelligence collective ? 

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ? Vous pouvez me contacter à travers la boîte électronique de ce blog : goodscience@discoversocialsciences.com .


[1] Gustavo Naumann et al. , 2015, Assessment of drought damages and their uncertainties in Europe, Environmental Research Letters, vol. 10, 124013, DOI https://doi.org/10.1088/1748-9326/10/12/124013

[2] Alfieri, L., Feyen, L., Dottori, F., & Bianchi, A. (2015). Ensemble flood risk assessment in Europe under high end climate scenarios. Global Environmental Change, 35, 199-212.

[3] Vogt, J.V., Naumann, G., Masante, D., Spinoni, J., Cammalleri, C., Erian, W., Pischke, F., Pulwarty, R., Barbosa, P., Drought Risk Assessment. A conceptual Framework. EUR 29464 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2018. ISBN 978-92-79-97469-4, doi:10.2760/057223, JRC113937

La ville – éponge

Mon éditorial sur You Tube

Je développe sur le concept que je viens d’esquisser dans ma dernière mise à jour en anglais : « Another idea – urban wetlands ». C’est un concept d’entreprise et concept environnementaliste en même temps : un réseau d’étangs et des cours d’eau qui serviraient à la fois comme réserve d’eau et l’emplacement pour un réseau des petites turbines hydrauliques.  Oui, je sais, je n’en ai pas encore fini avec EneFin, le concept financier. Je compte de l’appliquer ici de façon créative. Point de vue mécanique des liquides, l’esquisse de l’idée est la suivante. On a besoin d’une rivière qui sera la source primaire d’eau pour le système. Dans les environs immédiats de cette rivière nous construisons un réseau des cours d’eau et d’étangs. Les étangs jouent le rôle des réservoirs naturels d’eau. Ils collectent un certain surplus d’eau de pluie conduite par la rivière. De cette façon, l’eau de pluie est mise en réserve.

Les cours d’eau connectent la rivière avec les étangs ainsi que les étangs entre eux. Les cours d’eau ont une double fonction. D’une part, ils sont l’emplacement à proprement dit des petites turbines hydrauliques qui produisent l’électricité. D’autre part, ils assurent de la circulation d’eau dans le système afin de minimiser la putréfaction de débris organiques dans les étangs et par la même façon de minimiser l’émission de méthane. Le tout est complété par les cultures d’arbres et arbustes. Ces grosses plantes vertes ont une double fonction aussi. D’une part, leurs racines servent de stabilisateurs pour le sol du système, qui en raison de l’abondance d’eau peut avoir tendance à bouger. D’autre part, ces plantes vont absorber du carbone de l’atmosphère et contrebalancent ainsi les émissions des gaz de putréfaction des étangs.

La façon dont le système entier se présente dépend de la dénivellation relative du terrain. Le design de base c’est dans le terrain plat (ou presque) où la circulation d’eau dans le réseau est forcée par la pression provenant de la rivière. La présence des monts et vallées change le jeu : à part la pression de flux riverain, on peut utiliser les siphons romains pour créer un courant additionnel.

Je sais que dès un système comme celui-là est proposé, l’objection courante est celle à propos des moustiques. Des étangs à proximité d’habitations humaines veulent dire des tonnes de moustiques. L’une des observations pratiques sur lesquelles je me base est que ça arrive de toute façon. Je peux observer ce phénomène chez moi, en Pologne du sud. Année après année, certains endroits progressivement s’imbibent d’eau. Des petits creux de terrains se transforment en des marais microscopiques. Des complexes résidentiels entiers dans les banlieues des grandes villes connaissent des vagues de travaux de rénovation pour renforcer l’isolation hydrophobe des fondements.  Oui, ça arrive déjà et le problème c’est que ça pose que des problèmes, sans retombés positifs niveau accès à l’eau potable. Autant civiliser le phénomène. Ci-dessous, je présente une carte d’Europe Centrale et Méridionale, où les emplacements des vallées fluviales sont marqués.

En plus, on peut de débarrasser des moustiques – ou les rendre, au moins, presque inoffensifs – avec l’aide de la végétation adéquate. J’ai fait un peu de recherche et voilà la liste des plantes qui repoussent les moustiques et qui donc, si plantées abondamment à travers ces structures faites d’étangs et des cours d’eau, peuvent largement résoudre ce problème-là :  la citronnelle (Cymbopogon nardus), la mélisse officinale (Melissa officinalis), la cataire (Nepeta cataria)

le souci officinal (Calendula officinalis), la rose d’Inde (Tagetes erecta), l’œillet d’Inde (Tagetes patula), la Tagète lucida (Tagetes lucida), la Tagète citron (Tagetes tenuifolia), Baileya multiradiata (pas de nom français distinctif, pour autant que je sache), le populage des marais (Caltha palustres), le basilic (Ocimum basilicum), la lavande (famille Lamiacae), la menthe poivrée (Mentha x piperita), l’ail (Allium sativum), la menthe pouliot (Mentha pulegium), le romarin (Rosmarinus officinalis) et finalement les géraniums (famille Geraniums).

Source: https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/figures/floodplain-distribution dernier accès 20 Juin 2019

Ah, oui, j’ai oublié : dans un premier temps, je veux étudier la possibilité d’installer tout ce bazar dans l’environnement urbain, quelque chose comme des marais civilisés et citadins, Ça fait plus d’un an que j’ai abordé le sujet des villes intelligentes et ben voilà un concept qui va à merveille. Je veux développer cette idée comme projet de promotion immobilière. Je me suis dit que si je réussis à y donner une forme purement entrepreneuriale, ce sera le test le plus exigeant en termes de faisabilité. Je veux dire que si c’est profitable – ou plutôt s’il y a des fortes chances que ce soit profitable – le concept peut se développer sans aide publique. Cette dernière peut apporter du changement positif additionnel, bien sûr, mais le truc peut se développer par la force des marchés locaux de l’immobilier. Voilà donc que je considère la valeur économique d’un projet comme la valeur actuelle nette du flux de trésorerie. Sur un horizon de « n » périodes, deux choses adviennent : le projet génère un flux de trésorerie, d’une part, et il note un changement de valeur du marché d’autre part. La formule que je présente ci-dessous est une modification de celle présentée par Hatata et al. 2019[1]. À part une notation légèrement modifiée, j’élimine la catégorie séparée des coûts de maintenance des installations et je les inclue dans la catégorie générale des coûts opérationnels. En revanche, si les dépenses sur la maintenance courante des installations sont une compensation de l’amortissement physique et donc s’ils constituent des additions à la valeur brute des biens immobiliers, on les compte comme investissement.  


Je commence l’application empirique de la formule par étudier le marché des terrains de construction en Europe, plus spécialement dans les zones riveraines. Je retourne à la comparaison entre ma ville natale, Krakow, Pologne, où je vis, en Lyon, France, où j’avais passé quelques années autant troublées qu’intéressantes de mon adolescence. Krakow d’abord : 1 mètre carré de terrain de construction, dans la ville-même, coûte entre €115 et €280. À Lyon, la fourchette des prix est plus large et plus élevée : entre €354 et €1200 par m2.

Question : quelle superficie pourrait bien avoir un terrain urbain transformé en ce marécage artificiel ? Question dure à répondre. J’essaie de l’attaquer par le bout aquatique. Ce système a pour une des fonctions de stocker, dans le réseau d’étangs, suffisamment d’eau de pluie pour satisfaire la demande de la population locale et de laisser encore un surplus résiduel. J’ai fait un peu de recherche sur la quantité d’eau consommée dans les ménages. En fait, il y a peu de données claires et sans équivoque sur le sujet. La source qui a l’air d’être la plus sérieuse est AQUASTAT – Système d’information mondial de la FAO sur l’eau et l’agriculture.

Une déconstruction prudente des données publiées par la Banque Mondiale indique que la consommation domestique d’eau en France est d’à peu près 81 ÷ 82 m3 par personne par an, soit entre 81 000 et 82 000 litres. En Danemark, c’est à peu près 59 ÷ 60 m3 par personne par an (59 000 ÷ 60 000 litres) et je n’ai aucune idée où cette différence peut bien venir. J’ai déjà éliminé l’usage non-domestique, au moins selon la structure logique des données présentées par la banque mondiale. En revanche, lorsque j’ai étudié quelques publications polonaises sur le sujet, il paraît que la consommation domestique d’eau est plutôt répétitive à travers l’Europe et elle oscille entre 36 et 40 m3 par personne par an.

Il y a certainement une source de ces disparités : la distinction entre, d’une part, la consommation ménagère strictement comptée, avec des compteurs d’eau associés aux personnes précises et d’autre part, la consommation personnelle totale, y compris l’usage d’eau de puits et d’eau en bouteilles et bidons. Du point de vue hydrologique, chaque endroit sur Terre reçoit une certaine quantité d’eau Ep de précipitations atmosphériques – donc de pluie ou de neige – ainsi qu’à travers des rivières qui apportent l’eau des territoires adjacents. Le même endroit déverse une quantité définie Ed d’eau dans les mers et océans adjacents, à travers les fleuves. Le territoire entier perd aussi une quantité définie Ev d’eau par évaporation. La différence Er = Ep – Ev – Ed est la quantité absorbée par le territoire.

Lorsque nous, les humains, utilisons l’eau dans notre vie quotidienne, la plupart de cette consommation atterrit dans des égouts de toute sorte, qui la conduisent vers et dans le réseau fluvial. Oui, lorsque nous arrosons nos jardins, une partie de cette eau s’évapore, mais la grande majorité de notre consommation d’eau entre dans la composante Ed ci-dessus. Le flux Ed peut être décomposé en deux sous-flux : le flux strictement naturel Ed-n d’eau qui coule tout simplement, ça et là, et le flux Ed-h qui passe à travers l’utilisation humaine. Pour être tout à fait précis, on peut adopter la même distinction pour l’eau d’évaporation, donc Ev = Ev-n + Ev-h.

Le sentier conceptuel préliminairement défriché, je peux passer en revue un peu de littérature. Katsifarakis et al. (2015[1]) décrivent l’application d’une structure urbaine appelée « jardin pluvial » (« rain garden » en anglais). Grosso modo, un jardin pluvial est une agglomération des structures superficielles qui favorisent la collection d’eau de pluie – égouts, puits, arbustes, près humides, étangs ouverts – avec des structures souterraines qui favorisent la rétention de la même eau dans des couches successives du sol. Ici, ‘y a un truc intéressant que l’article de Katsifarakis et al. suggère comme attribut possible d’un jardin pluvial : le drainage inversé. Normalement, les tuyaux de drainage servent à éconduire l’eau de pluie en dehors du terrain donné. Cependant, il est possible d’enfoncer les tuyaux de drainage verticalement, vers et dans les couches profondes du sol, pour favoriser la rétention d’eau de pluie dans des poches souterraines profondes, un peu comme des poches artésiennes. J’ai essayé de présenter l’idée visuellement ci-dessous. Normalement, un étang, ça se creuse jusqu’à ce qu’on arrive à une couche géologique imperméable ou peu perméable. C’est comme ça que l’eau reste dedans. Si en-dessous de cette couche imperméable il y a une nappe perméable et poreuse, capable de retenir de l’eau, une nappe aquifère peut se former dans les roches sous l’étang. L’étang de surface est alors une structure de captage et la rétention proprement dite survient dans l’aquifère sous-jacent. Remarquez, faut faire gaffe avec le drainage renversé et les aquifères. Ça marche bien dans des endroits vraiment plats et naturellement fluviaux, comme dans les plaines riveraines d’une rivière. C’est plat et – grâce au boulot qu’avaient fait les glaciers, dans le passé – ça contient des larges poches sableuses insérées entre des nappes rocheuses imperméables. En revanche, si le terrain est en pente ou bien s’il se termine par une falaise, un aquifère peut provoquer des glissements de terrain gigantesques.  

Alors, voyons voir comment des trucs comme drainage inversé peuvent marcher pour stocker l’eau de pluie ou bien celle d’inondation. Je m’en tiens à mes deux exemples : Krakow en Pologne et Lyon en France. En France, les précipitations annuelles moyennes[1] sont de 867 milimètres par an par mètre carré ; en Pologne, c’est 600 mm. Un milimètre de précipitation par mètre carré veut dire 1 litre, donc 0,001 mètre cube. En France, le mètre carré moyen de territoire collecte donc 0,867 m3 de précipitations annuelles, avec une consommation moyenne ménagère d’environ 81,69 m3 par personne par an. Pour que la personne moyenne aie sa consommation d’eau contrebalancée par le stockage d’eau de pluie, il faut donc 81,69 m3 / 0,867 [m3/m2] = 94,23 m2 de surface de collection d’eau. Ajoutons à ceci un surplus de 20%, à titre de stockage résiduel par-dessus la consommation courante : ceci fait 94,23 m2 * 1,2 = 113,07 m2. En d’autres mots, en France, l’eau de pluie (ou neige) collectée de la surface d’environ 113 ÷ 114 mètres carrés de terrain ouvert exposé directement aux précipitations peut pourvoir, si captée proprement, à la consommation moyenne d’eau d’une personne plus un résidu mis en réserve.

En ce qui concerne la Pologne, même la source la plus exhaustive, donc AQUASTAT de FAO, ne donne pas d’estimation de consommation d’eau par personne. Je vais donc faire un petit tour de maths, prendre les estimations pour la France et les comparer avec un pays voisin à tous les deux, donc l’Allemagne : consommation totale d’eau par personne par an égale à 308,5 mètres cube, dont la consommation ménagère devrait prendre à peu de choses près 20%, soit 62 m3. J’assume donc qu’un Polonais moyen consomme ces 62 m3 d’eau par an, j’y ajoute 20% pour stockage résiduel, ce qui me fait 74,4 m3. Je divise ça par les 0,6 m3 de précipitations annuelles par mètre carré. En fin de compte j’obtiens 124 m2 de surface arrangée en jardin pluvial. Encore une fois, je résume graphiquement.


Je reviens à la revue de littérature. Shao et al. (2018[1]) présentent un concept similaire au mien : la ville – éponge ou « sponge city » en anglais. La ville – éponge absorbe l’eau et le carbone. E plus, grâce à l’absorption de l’eau pluviale, la ville – éponge a besoin de moins d’énergie pour pomper l’eau dans l’infrastructure urbaine et de cette façon une telle structure dégage moins de CO2. La ville – éponge combine la verdure et les jardins pluviaux avec des zones marécageuses, comme le concept que j’essaie de développer. Selon les estimations présentées par Shao et al., la capacité d’absorption de carbone dans des villes – éponges déjà mises en place en Chine est très variable : de 4,49 grammes de carbone par an par mètre carré dans les marécages des plaines du Nord – Est de Chine jusqu’à 56,67 grammes par an par mètre carré dans les marécages des lacs des plaines orientales. Shao et al. présentent une analyse détaillée de la ville de Xiamen. Avec 3,5 millions d’habitants, une surface totale de 1 865 km2 et son infrastructure de ville – éponge couvrant à peu près 118 kilomètres carrés, la ville de Xiamen compte retenir 17,18 millions des mètres cubes d’eau de pluie par an, à travers la technologie des structures – éponge.

Pour donner une image complète, il faut dire que Xiamen note des précipitations tout à fait significatives : 1131 millimètres par an, selon le service Climate-Data.org[2]. Bon, calmons le jeu, parce qu’il y a quelque chose qui cloche dans ces calculs de par Shao et al. J’assume que l’infrastructure de la ville – éponge collecte l’eau de pluie de toute la ville, donc que les 118 km2 de cette infrastructure absorbent l’eau qui tombe sur la surface totale des 1 865 km2 de la ville. Les précipitations annuelles de 1131 millimètres –  donc 1,131 m3 – par mètre carré donnent 1865000 m2 * 1,131 m3/m2 =  2 109 315 m3. Cela voulait dire que selon les calculs de Shao et al. l’infrastructure – éponge de Xiamen absorbe 8 fois plus d’eau de pluie qu’il y a de pluie. Ambitieux mais peu réaliste.  La hydrologie, c’est compliqué. Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ? Vous pouvez me contacter à travers la boîte électronique de ce blog : goodscience@discoversocialsciences.com .


[1] Shao, W., Liu, J., Yang, Z., Yang, Z., Yu, Y., & Li, W. (2018). Carbon Reduction Effects of Sponge City Construction: A Case Study of the City of Xiamen. Energy Procedia, 152, 1145-1151.

[2] https://en.climate-data.org/asia/china/fujian/xiamen-2623/ dernier accès 30 Juin 2019

[1] https://data.worldbank.org/indicator/AG.LND.PRCP.MM dernier accès 30 Juin 2019

[1] Katsifarakis, K. L., Vafeiadis, M., & Theodossiou, N. (2015). Sustainable drainage and urban landscape upgrading using rain gardens. Site selection in Thessaloniki, Greece. Agriculture and agricultural science procedia, 4, 338-347.

[1] Hatata, A. Y., El-Saadawi, M. M., & Saad, S. (2019). A feasibility study of small hydro power for selected locations in Egypt. Energy Strategy Reviews, 24, 300-313.