La situation est tellement nouvelle – hommage à John Nash

Je passe en revue les projets sur lesquels je travaille maintenant et je décide de me concentrer plus particulièrement sur l’un d’eux : la responsabilité sociale d’entreprise, ou RSE, dans le secteur d’assurance. C’est l’une de ces fois où j’utilise mon blog comme moyen de faire un point temporaire et partiel sur un sujet de recherche. Le fait de décrire l’état de ma recherche me permet faire de l’inventaire à l’intérieur de ma tête.

Honnêtement, lorsqu’on m’a engagé pour ce projet pour la première fois, je trouvais le sujet barbant comme tout. Oui, chaque entreprise de taille suffisamment importante pour être tenue responsable de quelque chose dans l’environnement social essaie de jouer un jeu à la limite de la gestion et de la communication pure, où cette responsabilité est joliment présentée en une forme des rapports, avec des graphes d’importance, des procédures de consultation avec des partenaires sociaux etc. Cette couche superficielle de RSE est donc, de mon point de vue, tellement imbue d’hypocrisie qu’elle en devient ennuyeuse.

Je fais parfois cette métaphore où je compare mon esprit à trois entités coexistâtes : le singe curieux, le bouledogue joyeux et le moine austère. Eh bien, il y a quelque temps, mon singe curieux interne avait commencé à explorer une forêt nouvelle, celle des valeurs éthiques dans la vie sociale et dans les phénomènes économiques. Je crois que ce voyage particulier d’exploration avait trouvé son point de départ aussi bien dans mon travail de recherche que dans l’introspection de mon expérience personnelle.

Le créneau théorique avait commencé à se clarifier comme je faisais une comparaison récurrente entre la théorie d’équilibre dynamique de John Nash et  la théorie de justice de John Rawls. John Nash postulait que dans tout jeu social les règles du jeu peuvent émerger même sans une régulation explicite, tout simplement comme un point de rencontre et d’équilibre entre les stratégies appliquées par les joueurs. En des termes plus terre à terre : lorsqu’on joue un jeu, on s’observe mutuellement entre joueurs et bon gré mal gré on adapte mutuellement les stratégies du jeu. Comme ça marche essentiellement en boucle du type « Moi je t’observe et je m’adapte, toi tu m’observes et tu d’adaptes », après un nombre fini des tours d’observation et d’adaptation les joueurs établissent des schémas de comportement qui forment ce fameux équilibre dynamique.

Si vous téléchargez l’article de John Nash de 1951 vous trouverez qu’en principe c’est de la mathématique plutôt abstraite, quoi que dans toute cette abstraction il aimait faire des allusions fréquentes au jeu de poker. Allez savoir pourquoi. Dans cette exposition abstraite, le truc qui initialement semble avoir éveillé le plus d’intérêt est le théorème selon lequel la solution de tout jeu se trouve à l’intérieur de l’espace du jeu. Traduit en humain simple cela veut dire que l’équilibre dynamique produit par les stratégies des joueurs peut se trouver à des endroits les plus incongrus pourvu que cet endroit satisfasse les stratégies individuelles. Appliqué à l’économie cela veut dire que les marchés peuvent trouver leurs points d’équilibre temporaire à peu près n’importe où. Tout est possible, quoi.

Les critiques de Nash s’étaient attaché le plus à ce point particulier en démontrant qu’il y a plusieurs phénomènes économiques qui sont des jeux – donc ils se déroulent comme des séquences d’essais et erreurs en présence d’information imparfaite – mais leurs solutions se trouvent à l’extérieur de l’espace de jeu, c’est-à-dire les joueurs doivent optimiser leurs stratégies en fonctions des critères exogènes. La théorie des marchés financiers était, je crois, l’exemple cité le plus fréquemment : lorsque vous mettez au point une stratégie d’investissement, vous pouvez faire des trucs les plus fous mais certains points de repère sont exogènes, comme les taux d’intérêt.

Seulement voilà, ici, il faut prendre en considération une assomption que Nash faisait dès le début et qui – pour des raisons que j’ignore, franchement – le plus souvent passe inaperçue aussi bien des partisans fervents de la théorie de John Nash que de ses critiques les plus sévères. John Nash avait écrit que l’équilibre dynamique était théoriquement possible seulement si la stratégie jouée par chaque joueur individuel était une soi-disant « stratégie dominante » et que cette stratégie dominante doit remplir les conditions suivantes : a) elle doit offrir le gain le plus élevé des toutes les stratégies accessibles au joueur donné b) elle est une stratégie complexe, dans la mesure où elle doit se rendre à une décomposition en des stratégies simples dont chacune maximise une valeur distincte.

Nash avait formulé cette assomption de façon très scolaire et je suppose que cela peut être l’une des raisons pour lesquelles cette pièce de raisonnement mathématique d’une profondeur étonnante semble être royalement ignorée. Décomposons-là donc pour comprendre. Qu’est-ce que ça veut dire qu’une stratégie donnée offre le gain le plus élevé de parmi toutes les stratégies accessibles au joueur ? Parlons-nous du gain strictement objectif et mesurable en tant que tel ? Si tel est le cas, la plupart des jeux que nous jouons n’offre pas de possibilité pratique de mesurer les gains possibles avec 100% de certitude, puisque ces gains sont incertains par définition. Par conséquent, avec cette interprétation de stratégie dominante, l’équilibre dynamique de Nash serait un état qui s’auto-exclue.

Peut-être alors il suffit que les gains escomptés soient simplement mesurables objectivement tout en étant sujets à l’incertitude ? Dans ce cas, une stratégie dominante serait celle que le joueur pense être la meilleure et elle reste dominante – donc elle peut servir de base à construire un équilibre dynamique – même si le joueur se trompe et la meilleure stratégie est en fait une autre, qu’il laisse de côté ou qu’il ne perçoit même pas comme alternative.

Voilà donc la première grande question que le travail de John Nash provoque si on regarde sa théorie vraiment de près : pouvons-nous construire des équilibres dynamiques dans notre société à partir de n’importe quel ensemble des jugements et espérances à propos de l’avenir ou bien y-a-t-il comme un filtre bâti naturellement dans notre culture, qui ne nous laisse pas nous équilibrer, comme société, autour des conneries complètes ? Allons savoir. Peut-être. Ça dépend de ce que nous voulons.

La seconde partie de l’assomption de Nash, donc celle qui réfère à la maximisation des valeurs, est même plus intéressante lorsqu’on y pense. Imaginons notre comportement. Nous faisons des trucs complexes, comme chercher et trouver un emploi, se marier ou démarrer une entreprise. Ce sont des stratégies complexes. Il y a une chance que ces stratégies complexes deviennent des stratégies dominantes, donc qu’elles peuvent mener à l’émergence d’un équilibre dynamique de Nash. Il y a une condition : ces stratégies complexes doivent être liées, sans équivoque, à des valeurs de base qui, à leur tour, sont sujettes à la maximisation.

A première vue, c’est simple. J’ai mes objectifs et je les maximise à travers une stratégie complexe. Seulement voilà, comment étais-je venu à définir ces objectifs précis ? La réponse est relativement claire : si j’ai ne serait-ce qu’un peu de volonté individuelle autonome, mes objectifs sont ce qu’ils sont parce qu’ils maximisent ce qui est cher à mon cœur. Je suis efficace dans l’accomplissement des objectifs qui engagent mes émotions et l’engagement émotionnel, il vient d’un jugement de valeur, donc d’un jugement éthique.

Voilà le secret ninja de la théorie de John Nash. Un équilibre dynamique qui produit une solution au jeu, placée entièrement à l’intérieur de l’espace du jeu, donc faite entièrement par les stratégies individuelles des joueurs, peut se développer seulement si les joueurs ont un ensemble des valeurs éthiques qui peuvent être maximisées.

Quel jeu jouons-nous ? Je veux dire, y-a-t-il une façon scientifique de définir nos valeurs, comme civilisation ? Une réponse qui me vient à l’esprit, est celle liée à l’énergie, donc à cette recherche que je suis en train de faire pour mon projet EneFin, ainsi qu’à une recherche plus fondamentale que j’avais effectuée l’année dernière quant au rôle de l’énergie dans la géographie de la civilisation humaine. Je reprends le modèle que j’ai déjà utilisé, basé sur la fonction de production ainsi que sur son application à la géographie économique, par Paul Krugman. Voilà la logique de base. Toute espèce vivante a besoin d’énergie. En fait, nous pouvons percevoir tout organisme vivant comme un système de transformation d’énergie. Nous, les humains, avons bâti une civilisation qui transforme énergie en deux formes principales : la bouffe et tout le reste. Nous avons besoin de nourriture, d’une part, et nous consommons de l’énergie pour alimenter nos technologies. Nous pouvons assumer que le nombre d’êtres humains vivant dans un endroit donné à un moment donné est une fonction de l’abondance relative en énergie et nourriture :

Population = f(énergie par personne ; nourriture par personne)

En la notation plus élégante de la fonction de production nous pouvons exprimer cette fonction comme :

N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1

…où N est la taille de la population, E/N est l’énergie par tête d’habitant ; F/N est la quantité de nourriture par la même (enfin, probablement la même) tête d’habitant, « a » est un paramètre arbitraire et A est un facteur de proportion.

La théorie de base de cette formule, fournie par le travail de Charles Cobb et Paul Douglas, assume que l’énergie et la nourriture, accessibles ici et maintenant, produisent une utilité agrégée, que nous, les humains, pouvons exploiter pour vivre ici et maintenant. Le surplus théorique, ajouté brillamment par Paul Krugman, assume que dans cette équation, le facteur avec la plus grande exposante est le facteur dominant de changement socio-économique. En effet, si mon énergie par personne a l’exposante comme 0,7 et mon nourriture par personne (donc pour moi) a donc l’exposante 1 – 0,7 = 0,3, tout changement en ce qui concerne la quantité de l’énergie produira un changement relativement plus grand, côté population (donc le nombre des moi qui peuvent vivre ici et maintenant), qu’un changement de même magnitude dans la quantité de nourriture accessible.

Maintenant, imaginons que cette équation est celle d’un jeu de Nash, donc un jeu capable de produire un équilibre dynamique. La taille de la population est l’équilibre en question. C’est le nombre d’humains qui se tolèrent mutuellement ici et maintenant. Ils se tolèrent de façon dynamique – donc le N peut changer – mais en même temps ils se tolèrent de façon prévisible : le N peut changer organiquement, de génération en génération, sans guerres ou exterminations de masse. L’équilibre dynamique en N est associé à un ensemble des stratégies déployées par des individus et des groupes, des stratégies qui assurent la formation et le maintien des réseaux et des hiérarchies qui tous ensemble forment la structure sociale.

Les stratégies capables de produire l’équilibre dynamique en N doivent être des stratégies dominantes, donc celles dont les joueurs peuvent rationnellement espérer des gains les plus substantiels eu égard aux valeurs de base qu’ils veulent maximiser. Dans cette équation il y a juste deux valeurs de base : l’accès à l’énergie et celui à la nourriture. Lorsque c’est l’énergie (E/N) qui a une exposante prépondérante dans ce jeu, donc lorsque « a > 0,5 », les stratégies qui s’équilibrent en N seront orientées surtout sur l’appropriation et le contrôle de l’énergie. Celles centrées sur l’acquisition de la bouffe seront relativement moins importantes. En revanche, si « a < 0,5 » et si donc c’est l’accès à la nourriture (F/N) qui est l’atout dans ce jeu, l’équilibre

Ça devient un peu théorique, tout ça. Je le sens. Il est temps de faire un saut vers le monde réel. Ledit monde réel est habité par plus de 7 milliards d’humains. Sommes-nous en équilibre dynamique, comme espèce planétaire ? Jusqu’à récemment, j’avais accepté, à ce sujet, les résultats de recherche obtenus et publiés par d’autres chercheurs. Vous pouvez voir ce raisonnement dans mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. J’y cite, par exemple, les travaux de Ehrlich & Ehrlich 2013[1] ou bien la ligne de recherche de Club de Rome qui se somment à dire que la Terre est sévèrement surpeuplée et que la race humaine devrait s’efforcer de réduire son empreinte sur la biosphère de la planète.

Néanmoins, ces derniers mois, je suis en train de changer mon approche, précisément comme je réfléchis sur les valeurs éthiques qui me sont chères. Je suis un homme simple. Lorsque je me dis qu’un truc est important comme valeur éthique, je mets mon énergie personnelle, tous les jours, dans la réalisation de cette valeur. Si j’assume que la Terre est surpeuplée, mon action éthique à prendre tous les jours, ce serait quoi, au juste ? Génocide ? Je trouve ça un peu bête. C’est comme si je me trouvais dans un l’une de ces banlieues à haute criminalité et haut risque et – en face de ces risques – je jetais mon portefeuille et mes clés de la voiture dans l’égout et je cognais ma tête contre le mur le plus proche.

D’autre part, avec chaque année de ma vie je me rends de plus en plus compte qu’il faut prendre ses responsabilités, dans la vie. Si j’habite quelque part et je constate que ma présence a un impact sur cet endroit, le comportement responsable consiste à contrôler cet impact, pas à me suicider ou à fuir.

De toute façon, j’essaie donc de réassumer à travers ma propre recherche la question de population, en la posant comme question d’équilibre dynamique de Nash. Si je peux démontrer que – contrairement à ces chercheurs que je viens de citer – la population humaine sur Terre est grosso modo en équilibre avec l’énergie et la nourriture accessibles, je peux ensuite interpréter les exposantes sur le côté droit de l’équation comme des valeurs maximisées dans les stratégies d’acteurs sociaux.

Bon, je démontre donc. Je prends les données de la Banque Mondiale sur la population de la Terre (donc le côté gauche, le « N » de l’équation N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1 ) ainsi que sur la consommation moyenne d’énergie par personne. D’autre part, j’utilise les données du service FAOSTAT en ce qui concerne la consommation moyenne de nourriture en kilocalories par jour par personne. De tout en tout, pour ces trois variables empiriques, j’ai des séquences temporelles qui se correspondent mutuellement de 1971 jusqu’à 2013. Comme je l’avais appris l’année dernière, le test de l’équation N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1 a des chances de marcher si j’exprime la population en millions, la consommation d’énergie par personne (E/N) vient en tonnes d’équivalents pétrole par an par personne et la consommation alimentaire (F/N) est exprimée en mégacalories par an par personne.

Je mets tout ça dans un fichier Excel commun et je teste en récurrence avec des valeurs différentes de l’exposante « a ». Le but du test est de trouver une telle valeur en « a » pour laquelle le facteur de proportion « A », mesuré comme la moyenne des « A » locaux pour chaque année de 1971 à 2013, soit aussi près de A = 1 que possible. En d’autres mots, je veux savoir si je peux trouver une telle exposante « a » qui rende possible un équilibre général entre la population humaine sur Terre et ses ressources.

Je tombe sur des « A » intéressants pour 0,23 ≤ a ≤ 0,24. Dans cette fourchette de valeurs mon équation produit, respectivement, un « A » moyen égal à 1,025556523 pour N = A * (E/N)0,23 * (F/N)0,77 et A = 0,952317642 pour N = A * (E/N)0,24 * (F/N)0,76. La meilleure approximation possible de la population humaine sur la planète est donc obtenue avec un paramètre « a » qui suggère que nos stratégies d’interactions sociales sont orientées sur la maximisation d’accès à la nourriture – comme valeur de base dans la logique d’équilibre dynamique de Nash – bien plus que sur l’accès à l’énergie non-alimentaire. Nous sommes toujours décidément plus bouffe que techno. Pas très ambitieux pour une civilisation qui veut coloniser Mars. Enfin, on fait avec ce qu’on a.

Développons un peu sur cet équilibre. Pour vous en donner une idée plus claire, je place ci-dessous un graphe comparatif, avec trois lignes qui représentent la population réelle de la Terre, comparée aux populations modèles selon l’équation N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1.

Population réelle de la Terre comparée aux populations modèles 1

Nous pouvons constater que les deux lignes des populations modèles, qui rendent un équilibre raisonnablement cohérent en « N » sont plus horizontales que la ligne de la population réelle. La première conclusion, purement mathématique, est donc que dans les années 1970 et 1980, l’humanité avait comme une légère réserve des ressources vitales. Nous semblons avoir passé le point d’équilibre strictement dit entre 1990 et 1996 et maintenant nous sommes en l’état de surpopulation. Mon analyse démontre une surpopulation entre 13% et 22% de ce qui est offert comme équilibre « nourriture – énergie » mais c’est bien moins dramatique que les nombres suggérés par Ehrlich & Ehrlich 2013[1].

Je reviens au sujet des stratégies, des valeurs éthiques et de l’équilibre dynamique de Nash. Comme nous sommes maintenant, je veux dire comme civilisation, nous avons toutes les raisons de donner plus de valeur aux stratégies d’accès à la nourriture qu’à celles donnant accès à l’énergie. Notez que ça change énormément suivant le pays. Maintenant je simule le scénario où, dans l’équation N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1, le paramètre « a » est quelque part dans les 0,76 ≤ a ≤ 0,77. Ce serait la population que nous pourrions développer en devenant une civilisation technologique strictement dite, donc technologique au point de ne plus s’en faire, ou presque, de la bouffe. Le résultat est époustouflant : avec a = 0,76 la population modèle de la Terre est de 313 milliards des personnes et avec a = 0,77 ça donne presque 338 milliards d’humains sur la planète.

Voilà donc une vision bien science-fiction. Si notre civilisation se transforme au point d’assurer un accès acceptablement bon à la nourriture pour la plupart des gens, ladite plupart serait la plupart dans quelque chose comme une ville planétaire, où lest structures urbaines couvriraient pratiquement tout l’espace habitable. C’est bien ça, plus de 300 milliards de gens sur la planète.

Maintenant, je simule le cas inverse : nos stratégies changent dans la direction bouffe. Nous mutons en une civilisation orientée presque à 100% sur le contrôle des sources d’approvisionnement en nourriture. Mathématiquement, cela veut dire que dans l’équation N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1, le paramètre « a » devient a = 0,01. La population planétaire en 2013 est alors de N = 1,13 milliards, soit moins d’un sixième de ce qu’elle était réellement.

Récapitulons. Nous avons le même ensemble des données empiriques en ce qui concerne la population de la Terre, la consommation moyenne d’énergie par personne ainsi que la consommation alimentaire moyenne. Dans cet ensemble des données, trois chemins analytiques ont été tracés, avec l’aide de l’équation paramétrique N = A * (E/N)a * (F/N)1-a    a < 1. Lorsque l’analyse consiste à trouver une valeur du paramètre « a » qui rende justice, de la façon la plus précise possible, aux proportions réellement observées, j’obtiens une équation définitivement dominée par la variable (F/N), donc par l’accès à la nourriture. Si j’interprète la population de la Terre comme un équilibre dynamique de John Nash, c’est un équilibre basé précisément sur l’accès à la nourriture comme base des valeurs éthiques. Que ce soit l’éthique de l’acquisition, l’éthique du contrôle ou bien celle du partage, c’est autour de la bouffe que ça tourne.

Tel est le fondement comportemental de toute stratégie dominante dans tout équilibre dynamique de Nash pour la civilisation humaine prise en entier. Quels sont ces équilibres ? Les relations de commerce international, par exemple. Savez-vous quelle est la route commerciale la plus fréquentée du monde ? C’est le Pacifique Occidental, le long de la côte Asiatique. C’est aussi la région du monde où le déficit alimentaire est le plus notable. Coïncidence ? Peut-être.

Prenons un exemple du jeu simulé centré sur l’énergie, donc celui qui, si appliqué à la civilisation humaine entière, nous mènerait à ladite civilisation prenant la forme d’une ville géante pan-planétaire de plus de 300 milliards d’êtres humains. Je parle de N = A * (E/N)0,76 * (F/N)0,24 par exemple. Ma recherche de l’année dernière m’informe qu’en fait, la plupart des pays relativement petits en termes de population, ça marche très largement suivant cette équation (avec cette valeur relativement élevée du paramètre « a ») : Lituanie, Lettonie, New Zealand, Sweden, Slovenia, Austria, Botswana, Bulgarie etc. Leur trait commun est qu’elles démontrent toutes comme une légère réserve de ressources par rapport à la population, comme s’il y avait de poches d’espace vital. En revanche, les plus grandes populations nationales du globe, celles de la Chine et de l’Inde, marchent selon le modèle N = A * (E/N)0,01 * (F/N)0,99 .

Voilà donc une tirade bien longue autour de l’équilibre dynamique de Nash. La logique que je viens de développer est celle du constructivisme (ou utilitarisme) éthique : mes valeurs éthiques de base sont fonctionnellement dérivées de mes besoins essentiels et maximisent la satisfaction de ses besoins. Au début de cette mise à jour j’ai fait référence à une autre approche, à la théorie de justice de John Rawls. Celle-ci, en revanche, est basée sur la théorie de contrat social et véhicule une idée bien intéressante, celle de la situation initiale.

Imaginez une situation collective, où vous avez vos objectifs constructivistes, comme ceux décrits plus hauts, mais personne, vous inclus, n’en sait que dalle comment les accomplir, ces objectifs constructivistes. La situation est tellement nouvelle et comporte autant d’éléments inconnus qu’il est pratiquement impossible de mettre au point un bon plan d’action. Tenez, la situation après une catastrophe naturelle majeure, comme un ouragan. Rien ne marche, personne ne sait où trouver des ressources de base, ‘y a des cons qui se livrent au pillage, bref, un chaos complet. Voilà une bonne illustration de la situation initiale de Rawls. Le démarrage d’un nouveau business, complètement révolutionnaire du point de vue technologie, peut livrer un autre exemple.

Dans une situation comme celle-là, les stratégies basées sur la satisfaction des besoins essentiels perdent beaucoup de leur efficacité car nous ne savons pas quoi faire et notre action est imbue d’expérimentation constante. John Rawls dit quelque chose de profond à propos de telles situations : c’est le comportement d’autres gens (d’autres joueurs) qui devient le plus important. La possibilité de compter sur quelqu’un ou bien la menace de la part de quelqu’un deviennent des repères essentiels dans notre univers personnel. C’est dans des situations de tel type, donc dans des situations à très haute incertitude, que nos valeurs éthiques se cristallisent. Le comportement éthiquement désirable est celui qui maximise la cohésion de la communauté.

Si je croise la théorie d’équilibre dynamique de John Nash avec la théorie de justice de John Rawls, et si je viens à bout des objections relative à la mésalliance possible, une construction intéressante fait surface. Dans des situations à haute incertitude, l’équilibre dynamique de Nash peut se former – donc les gens peuvent faire leurs propres règles du jeu et ça a des chances de marcher à la longue – autour des stratégies de cohésion sociale et surtout autour d’elles. A mesure que tombe ce que John Rawls appelait « le voile de l’ignorance », donc à mesure que nous avons de plus en plus d’information valable sur les résultats de nos actions, nos stratégies mutent. Elles deviennent de plus en plus utilitaires et constructivistes. Nous commençons à accepter des solutions qui peuvent mettre en péril la cohésion sociale.

L’innovation technologique semble avoir le plus de chances durant ce moment de transition, précisément. Mon concept EneFin, si je veux l’appliquer au développement socio-économique des communautés humaines les plus pauvres du monde, a des chances de marcher lorsque le système social et politique en place est déjà suffisamment solide pour assurer des droits fondamentaux, d’une part, mais la société change très vite.

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[1] Ehrlich PR, Ehrlich AH. 2013 Can a collapse of global civilization be avoided? Proceedings of the Royal Society B 280: 20122845. http://dx.doi.org/10.1098/rspb.2012.2845

Des merveilles pour distinguer l’important du futile

Je commence cette mise à jour par le compte rendu d’une situation à la frontière de ma vie privée et professionnelle. Je veux la soumettre à une analyse aussi rigoureuse que possible, puisque c’est du bon matériel éducatif, surtout pour mon cours de gestion. Voilà la description des faits. Il y a six semaines, j’avais rencontré un vieil ami d’école à une réception d’anniversaire d’un autre ami d’école. Il m’avait demandé si je pourrais préparer un business plan pour son entreprise de recyclage. Plus précisément, il s’agissais d’un business plan pour accompagner une demande d’emprunt plutôt substantiel, quelques 4 millions d’euros. J’avais dit « Oui, bien sûr » tout en étant bien sûr que la conversation n’aura pas de suivi sérieux dans l’univers extra-réceptionnel, bien sûr.

La semaine dernière, néanmoins, ce vieil ami d’école m’a appelé pour donner ce suivi hautement improbable. On a eu un rendez-vous d’affaires, avec lui et son associé, vendredi dernier, le 27 Juillet. Depuis cette réception d’anniversaire, le projet avait gonflé. Il ne s’agissait plus du business plan pour accompagner une demande d’emprunt : maintenant (enfin, vendredi dernier) il s’agissait de toute une stratégie à préparer, dont la relocation des installations industrielles de l’entreprise des deux emplacements courants vers un troisième emplacement en train d’aménagement. J’avais été demandé aussi d’agir comme conseiller dans un dialogue difficile avec les autorités locales en ce qui concerne l’aménagement du terrain industriel qu’ils viennent d’acquérir. Le business plan instrumental et modeste avait évolué en une forme de vie économique presque autonome. Un phénomène tout à fait normal après des réceptions réussies.

Mes interlocuteurs m’avaient demandé quel serait mon honoraire. J’avais répondu qu’il me faut un peu de temps pour arranger tous ces faits nouveaux dans ma tête – ce qui était 100% vrai –  et que j’annoncerai mon honoraire par email ou bien, au plus tard, à l’entretien suivant prévu pour le 31 Juillet. Ce second entretien était supposé être une session de travail, où mes clients m’auraient montré leurs installations industrielles présentes et m’auraient présenté au directeur de la banque locale coopérative avec laquelle ils avaient déjà commencé de négocier le crédit en question.

On avait le rendez-vous prochain prévu pour le 31 Juillet. Pendant le weekend 28-29 Juillet j’ai fait un peu de recherche sur le secteur de recyclage du plastique ainsi que du recyclage en général. Je me suis fait une idée de l’accessibilité d’informations et sur les prix de rapports sectoriels offerts par les sociétés de conseil. J’ai préparé un contrat pour ce boulot et le 30 Juillet, dans la matinée, je l’ai envoyé par email à mon ami ainsi qu’à son associé. J’avais fixé mon honoraire à 0,18% de la valeur d’emprunt que ces gars-là envisageaient, dont 0,06% comme rémunération fixe et 0,12% comme « success fee » payable après la signature du contrat avec la banque. Trois heures après l’email, l’ami m’appelle : « Tu sais, on a vu ce contrat et on renonce. Tu es trop cher pour nous. On annule ». Bon, pas de problème. J’ai terminé la conversation d’une façon amicale.

Voici les faits. Maintenant, l’analyse scientifique rigoureuse. Question no. 1 : Quelle est la catégorie générale pour laquelle cette situation est représentative ? Ici, je fais une démarche des plus fondamentale. Ça s’appelle : abstraction et généralisation. Pour étudier quel phénomène que ce soit de manière scientifique, j’ai besoin de le comparer avec d’autres phénomènes qui au moins semblent similaires. C’est une grosse différence entre l’approche scientifique et l’approche dramatique, la distinction au sujet de laquelle vous pouvez lire plus en étudiant la philosophie herméneutique ou bien la phénoménologie.

Pour établir le lien entre un phénomène particulier et une catégorie générale, le truc utile qui marche vraiment bien consiste à séquencer la situation, donc à la représenter comme une séquence plutôt qu’un évènement singulier. La séquence d’évènements, dans ce cas, comme je viens de les raconter, semble significative à partir de cet entretien vendredi 27 Juillet et je pense que je peux la représenter comme ceci :

Séquence de base (ce qui s’est réellement passé) :

Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : contact téléphonique, annonce du retrait  

Maintenant, question technique : est-ce qu’il y a dans cette séquence des fragments qui pourraient se dérouler d’une façon différente ? Je considère l’entretien initial comme donné. Rien à modifier à l’évènement A et B. J’aurais pu fixer mon honoraire intuitivement dès le premier entretien, comme mon pote et son associé m’ont initialement demandé. J’aurais donc pu modifier l’évènement C. Comment ceci aurait modifié le reste de la séquence, donc quelles séquences alternatives auraient pu avoir lieu ? Je peux formuler cinq alternatives, spécifiées ci-dessous :

Séquence alternative « 1 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est accepté et le projet commence => Évènement E (moi) : recherche préliminaire => Évènement F (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet  

Séquence alternative « 2 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est rejeté et on arrête tout

Séquence alternative « 3 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet 

Séquence alternative « 4 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire rejeté, on arrête tout  

Séquence alternative « 5 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet

 

L’analyse séquentielle indique une direction à suivre en ce qui concerne ce truc d’abstraction et de généralisation. En premier lieu, c’est une situation de négociation complexe entre un prestataire des services et un client potentiel. Je peux placer cette catégorie générale en des contextes différents. Le contexte le plus immédiat sont des situations où un chercheur académique comme moi reçoit une proposition préliminaire de travailler avec une entreprise, comme conseiller. Le contexte un peu plus large est fait de toutes les situations où un individu négocie avec une organisation sa coopération ponctuelle, à temps fixe et limité, sur un projet. Un contexte encore plus large est composé de tous les cas de négociation préalable à la prestation d’un service ou la fourniture d’un produit.

En termes éducatifs, je peux appliquer cette situation, ainsi que la façon de l’étudier, à la gestion des projets, au marketing et à la gestion des relations clients et enfin à la gestion des relations sociales en général. Le plat à emporter, jusqu’à maintenant, dans cette étude de cas, est le séquencement comme outil analytique de base. Comme mon grand compatriote, Alfred Comte Korzybski, aimait le dire, tout ce qui se passe se passe en séquence.

Maintenant, je pose la seconde grande question : quelles sont les conséquences possibles de cette situation ? Change-t-elle ma vie de façon significative ? Vous avez le terrain partiellement dégagé sur celle-là : séquencez. Lorsque nous parlons des conséquences d’un évènement, il y a deux séquences alternatives de base : celle qui inclue cet évènement, contre celle où cet évènement est absent. Ces deux sentiers essentiels se décomposent en des sous-sentiers détaillés, comme cette situation précise pourrait être présenté dans ma vie de plusieurs façons différentes ainsi que son absence pourrait prendre plusieurs formes distinctes.

Voilà qu’une autre méthode analytique trotte sur ce terrain partiellement nettoyé par l’application d’analyse séquentielle : l’analyse praxéologique. Cette fois, je me concentre sur l’expression « de façon significative » dans la formulation de la question. Je définis mes objectifs et le sentier le plus rationnel de les atteindre et sur ce fond, je dessine cette situation précise. La question technique est : « Dans quelle mesure cette situation influence mes objectifs à long terme ou bien mon sentier vers leur achèvement ? ». Le schéma analytique que j’aime appliquer dans des cas comme celui-ci est la liste des questions classique de la Programmation Neurolinguistique :

  • Qu’est-ce que je veux achever ou atteindre dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Comment saurais-je que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puis-je mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • Comment les autres sauront-ils que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puissent les autres mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • En résumé de (1) – (3), comment puis-je décrire, avec détail, la situation que je veux avoir dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Quels obstacles peuvent apparaître sur mon chemin ? Si tous ces obstacles surviennent de façon concurrente, quel scénario alternatif et négatif peut se produire ? Maintenant, si j’enlève ces obstacles un par un de mon chemin futur, quels seraient les scénarios intermédiaires ?
  • Que puis-je faire systématiquement, tous les jours, pour achever ce que je veux ? Quelles protections dois-je prendre contre les risques énumérés dans (5) ? Quels points de contrôle (objectifs intermédiaires) je ferais bien de me fixer ?

Vous avez pu remarquer que cette liste est applicable à plusieurs cas différents. Vous pouvez l’utiliser pour une stratégie personnelle, mais vous pouvez aussi bien en faire une mutation pour la stratégie d’une organisation. En ce qui concerne mes propres plans, j’en donne un résumé concis et simple. Je vois deux moments importants dans ma vie : ce qui se passe ici et maintenant ainsi que ce qui restera de mes actions après ma mort et que je laisserai comme mon héritage. Ça, ce sont des trucs importants. Tout le reste, c’est du paysage. Les trucs importants, j’y engage mon cœur et mon intellect, tous les jours. Le paysage, je le contemple, je l’admire, mais je ne m’en fais que de façon instrumentale. Je sais que ce que je fais bien c’est la recherche, l’éducation et le support quotidien que je donne à certains de mes proches. Certains, pas tous, car j’ai appris que ce support est de l’énergie, cette énergie est limitée et elle vaut la peine d’être dépensée uniquement dans certaines relations humaines.

Je peux prédire avec une dose raisonnable de probabilité ce que j’achèverai si je fais ces choses tous les jours. Maintenant, je passe à la question suivante : dans toute cette situation avec mon ami, sa proposition de coopération et mon approche personnelle, ai-je fait une erreur ? C’est une question presque automatique lorsqu’on perd une occasion. Si oui, en quoi mon erreur consistait-elle ?

Pour aborder cet aspect, j’introduis encore une autre méthode d’analyse des évènements : l’approche éthique. Dans son essence, l’éthique consiste à attribuer une valeur à chacune de nos actions ainsi qu’à hiérarchiser ces actions selon ladite valeur. L’analyse éthique telle que je la pratique est fortement teintée de praxéologie. J’assume que j’ai une énergie personnelle limitée à dépenser et que je me dois de la concentrer sur les actions les plus valeureuses.

Mon analyse éthique commence avec la question toute simple : « Est-ce que toute cette situation a produit un résultat de valeur quelconque ? ». De mon point de vue, la structure du contrat que j’ai préparé est une valeur. J’ai dû réfléchir vraiment à fond sur mon rôle, en tant que consultant, dans une situation comme celle-ci, lorsqu’un entrepreneur me demande de préparer un business plan qui, à son tour, est supposé de servir pour mettre une sorte d’ordre général dans une entreprise en pleine ébullition. Ce contrat, il implique une certaine démarche et une philosophie d’action, où la mesure-clé dudit l’ordre est la capacité de l’entreprise de maintenir un flux non-négatif de trésorerie, donc de maintenir une liquidité financière essentielle.

Cette liquidité veut dire que si elle est bien solide, le taux d’intérêt sur un gros emprunt comme c’était le cas ici, dans les 4 millions d’euros, peut osciller dans les 3,5% par an. En revanche, si pour des raisons variées ce flux de trésorerie vacille et devient négatif, l’emprunt passe dans une catégorie de risque plus élevé. Le taux d’intérêt grimpe alors aux environs de 5% ÷ 6%. La différence entre les deux est donc de 1,5% – 2,5% du capital emprunté par an. Avec un emprunt sur 10 ans, ça monte à quelques 15% ÷ 25% du capital emprunté. Voilà ce que je voudrais épargner à mon client si je prépare un business plan pour un projet d’investissement industriel important.

Maintenant, une chose importante : est-ce un échec de ma part de ne pas avoir eu ce contrat ? Honnêtement, je n’arrête pas de me le demander. D’une part, oui, bien sûr. Il vaudrait mieux d’avoir ce contrat que ne pas l’avoir, c’est évident. D’autre part, lorsque je calcule la proportion arithmétique entre l’honoraire que je voulais et les conséquences financières possibles de quel facteur de risque que ce soit, dans cette entreprise particulière, mon pognon il a l’ai ridiculement insignifiant. Je pense donc que lorsque mon pote m’a dit que j’étais trop cher pour eux, cela voulait dire, en fait, que la lecture calme du contrat leur a fait prendre conscience, à mon ami et à son associé, que soit ce n’est pas du tout un consultant dont ils ont besoin soit que ma philosophie dans ce projet n’était pas du tout la leur. Dans les deux cas, ils ont bien fait de l’annoncer dès le début, cartes sur table. C’était honnête et raisonnable.

Voilà donc que je viens d’utiliser une situation de ma propre vie pour tester l’approche pédagogique que je voudrais développer dans mes cours. Pas no. 1, comprendre ce qui se passe. La compréhension vient plus facilement lorsqu’on décompose les évènements comme des séquences. Pas no. 2, placer ce qui se passe dans un contexte plus large et ce contexte plus large, il est principalement fait de nos objectifs et des structures de notre action. L’analyse praxéologique fait des merveilles pour distinguer l’important du futile, ici. Pas no. 3, donner une dimension éthique à la situation et comprendre les valeurs en jeu. Pas mal comme méthode d’enseignement. Ça a de l’élan et de la profondeur.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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