Des merveilles pour distinguer l’important du futile

Je commence cette mise à jour par le compte rendu d’une situation à la frontière de ma vie privée et professionnelle. Je veux la soumettre à une analyse aussi rigoureuse que possible, puisque c’est du bon matériel éducatif, surtout pour mon cours de gestion. Voilà la description des faits. Il y a six semaines, j’avais rencontré un vieil ami d’école à une réception d’anniversaire d’un autre ami d’école. Il m’avait demandé si je pourrais préparer un business plan pour son entreprise de recyclage. Plus précisément, il s’agissais d’un business plan pour accompagner une demande d’emprunt plutôt substantiel, quelques 4 millions d’euros. J’avais dit « Oui, bien sûr » tout en étant bien sûr que la conversation n’aura pas de suivi sérieux dans l’univers extra-réceptionnel, bien sûr.

La semaine dernière, néanmoins, ce vieil ami d’école m’a appelé pour donner ce suivi hautement improbable. On a eu un rendez-vous d’affaires, avec lui et son associé, vendredi dernier, le 27 Juillet. Depuis cette réception d’anniversaire, le projet avait gonflé. Il ne s’agissait plus du business plan pour accompagner une demande d’emprunt : maintenant (enfin, vendredi dernier) il s’agissait de toute une stratégie à préparer, dont la relocation des installations industrielles de l’entreprise des deux emplacements courants vers un troisième emplacement en train d’aménagement. J’avais été demandé aussi d’agir comme conseiller dans un dialogue difficile avec les autorités locales en ce qui concerne l’aménagement du terrain industriel qu’ils viennent d’acquérir. Le business plan instrumental et modeste avait évolué en une forme de vie économique presque autonome. Un phénomène tout à fait normal après des réceptions réussies.

Mes interlocuteurs m’avaient demandé quel serait mon honoraire. J’avais répondu qu’il me faut un peu de temps pour arranger tous ces faits nouveaux dans ma tête – ce qui était 100% vrai –  et que j’annoncerai mon honoraire par email ou bien, au plus tard, à l’entretien suivant prévu pour le 31 Juillet. Ce second entretien était supposé être une session de travail, où mes clients m’auraient montré leurs installations industrielles présentes et m’auraient présenté au directeur de la banque locale coopérative avec laquelle ils avaient déjà commencé de négocier le crédit en question.

On avait le rendez-vous prochain prévu pour le 31 Juillet. Pendant le weekend 28-29 Juillet j’ai fait un peu de recherche sur le secteur de recyclage du plastique ainsi que du recyclage en général. Je me suis fait une idée de l’accessibilité d’informations et sur les prix de rapports sectoriels offerts par les sociétés de conseil. J’ai préparé un contrat pour ce boulot et le 30 Juillet, dans la matinée, je l’ai envoyé par email à mon ami ainsi qu’à son associé. J’avais fixé mon honoraire à 0,18% de la valeur d’emprunt que ces gars-là envisageaient, dont 0,06% comme rémunération fixe et 0,12% comme « success fee » payable après la signature du contrat avec la banque. Trois heures après l’email, l’ami m’appelle : « Tu sais, on a vu ce contrat et on renonce. Tu es trop cher pour nous. On annule ». Bon, pas de problème. J’ai terminé la conversation d’une façon amicale.

Voici les faits. Maintenant, l’analyse scientifique rigoureuse. Question no. 1 : Quelle est la catégorie générale pour laquelle cette situation est représentative ? Ici, je fais une démarche des plus fondamentale. Ça s’appelle : abstraction et généralisation. Pour étudier quel phénomène que ce soit de manière scientifique, j’ai besoin de le comparer avec d’autres phénomènes qui au moins semblent similaires. C’est une grosse différence entre l’approche scientifique et l’approche dramatique, la distinction au sujet de laquelle vous pouvez lire plus en étudiant la philosophie herméneutique ou bien la phénoménologie.

Pour établir le lien entre un phénomène particulier et une catégorie générale, le truc utile qui marche vraiment bien consiste à séquencer la situation, donc à la représenter comme une séquence plutôt qu’un évènement singulier. La séquence d’évènements, dans ce cas, comme je viens de les raconter, semble significative à partir de cet entretien vendredi 27 Juillet et je pense que je peux la représenter comme ceci :

Séquence de base (ce qui s’est réellement passé) :

Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : contact téléphonique, annonce du retrait  

Maintenant, question technique : est-ce qu’il y a dans cette séquence des fragments qui pourraient se dérouler d’une façon différente ? Je considère l’entretien initial comme donné. Rien à modifier à l’évènement A et B. J’aurais pu fixer mon honoraire intuitivement dès le premier entretien, comme mon pote et son associé m’ont initialement demandé. J’aurais donc pu modifier l’évènement C. Comment ceci aurait modifié le reste de la séquence, donc quelles séquences alternatives auraient pu avoir lieu ? Je peux formuler cinq alternatives, spécifiées ci-dessous :

Séquence alternative « 1 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est accepté et le projet commence => Évènement E (moi) : recherche préliminaire => Évènement F (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet  

Séquence alternative « 2 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est rejeté et on arrête tout

Séquence alternative « 3 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet 

Séquence alternative « 4 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire rejeté, on arrête tout  

Séquence alternative « 5 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet

 

L’analyse séquentielle indique une direction à suivre en ce qui concerne ce truc d’abstraction et de généralisation. En premier lieu, c’est une situation de négociation complexe entre un prestataire des services et un client potentiel. Je peux placer cette catégorie générale en des contextes différents. Le contexte le plus immédiat sont des situations où un chercheur académique comme moi reçoit une proposition préliminaire de travailler avec une entreprise, comme conseiller. Le contexte un peu plus large est fait de toutes les situations où un individu négocie avec une organisation sa coopération ponctuelle, à temps fixe et limité, sur un projet. Un contexte encore plus large est composé de tous les cas de négociation préalable à la prestation d’un service ou la fourniture d’un produit.

En termes éducatifs, je peux appliquer cette situation, ainsi que la façon de l’étudier, à la gestion des projets, au marketing et à la gestion des relations clients et enfin à la gestion des relations sociales en général. Le plat à emporter, jusqu’à maintenant, dans cette étude de cas, est le séquencement comme outil analytique de base. Comme mon grand compatriote, Alfred Comte Korzybski, aimait le dire, tout ce qui se passe se passe en séquence.

Maintenant, je pose la seconde grande question : quelles sont les conséquences possibles de cette situation ? Change-t-elle ma vie de façon significative ? Vous avez le terrain partiellement dégagé sur celle-là : séquencez. Lorsque nous parlons des conséquences d’un évènement, il y a deux séquences alternatives de base : celle qui inclue cet évènement, contre celle où cet évènement est absent. Ces deux sentiers essentiels se décomposent en des sous-sentiers détaillés, comme cette situation précise pourrait être présenté dans ma vie de plusieurs façons différentes ainsi que son absence pourrait prendre plusieurs formes distinctes.

Voilà qu’une autre méthode analytique trotte sur ce terrain partiellement nettoyé par l’application d’analyse séquentielle : l’analyse praxéologique. Cette fois, je me concentre sur l’expression « de façon significative » dans la formulation de la question. Je définis mes objectifs et le sentier le plus rationnel de les atteindre et sur ce fond, je dessine cette situation précise. La question technique est : « Dans quelle mesure cette situation influence mes objectifs à long terme ou bien mon sentier vers leur achèvement ? ». Le schéma analytique que j’aime appliquer dans des cas comme celui-ci est la liste des questions classique de la Programmation Neurolinguistique :

  • Qu’est-ce que je veux achever ou atteindre dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Comment saurais-je que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puis-je mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • Comment les autres sauront-ils que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puissent les autres mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • En résumé de (1) – (3), comment puis-je décrire, avec détail, la situation que je veux avoir dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Quels obstacles peuvent apparaître sur mon chemin ? Si tous ces obstacles surviennent de façon concurrente, quel scénario alternatif et négatif peut se produire ? Maintenant, si j’enlève ces obstacles un par un de mon chemin futur, quels seraient les scénarios intermédiaires ?
  • Que puis-je faire systématiquement, tous les jours, pour achever ce que je veux ? Quelles protections dois-je prendre contre les risques énumérés dans (5) ? Quels points de contrôle (objectifs intermédiaires) je ferais bien de me fixer ?

Vous avez pu remarquer que cette liste est applicable à plusieurs cas différents. Vous pouvez l’utiliser pour une stratégie personnelle, mais vous pouvez aussi bien en faire une mutation pour la stratégie d’une organisation. En ce qui concerne mes propres plans, j’en donne un résumé concis et simple. Je vois deux moments importants dans ma vie : ce qui se passe ici et maintenant ainsi que ce qui restera de mes actions après ma mort et que je laisserai comme mon héritage. Ça, ce sont des trucs importants. Tout le reste, c’est du paysage. Les trucs importants, j’y engage mon cœur et mon intellect, tous les jours. Le paysage, je le contemple, je l’admire, mais je ne m’en fais que de façon instrumentale. Je sais que ce que je fais bien c’est la recherche, l’éducation et le support quotidien que je donne à certains de mes proches. Certains, pas tous, car j’ai appris que ce support est de l’énergie, cette énergie est limitée et elle vaut la peine d’être dépensée uniquement dans certaines relations humaines.

Je peux prédire avec une dose raisonnable de probabilité ce que j’achèverai si je fais ces choses tous les jours. Maintenant, je passe à la question suivante : dans toute cette situation avec mon ami, sa proposition de coopération et mon approche personnelle, ai-je fait une erreur ? C’est une question presque automatique lorsqu’on perd une occasion. Si oui, en quoi mon erreur consistait-elle ?

Pour aborder cet aspect, j’introduis encore une autre méthode d’analyse des évènements : l’approche éthique. Dans son essence, l’éthique consiste à attribuer une valeur à chacune de nos actions ainsi qu’à hiérarchiser ces actions selon ladite valeur. L’analyse éthique telle que je la pratique est fortement teintée de praxéologie. J’assume que j’ai une énergie personnelle limitée à dépenser et que je me dois de la concentrer sur les actions les plus valeureuses.

Mon analyse éthique commence avec la question toute simple : « Est-ce que toute cette situation a produit un résultat de valeur quelconque ? ». De mon point de vue, la structure du contrat que j’ai préparé est une valeur. J’ai dû réfléchir vraiment à fond sur mon rôle, en tant que consultant, dans une situation comme celle-ci, lorsqu’un entrepreneur me demande de préparer un business plan qui, à son tour, est supposé de servir pour mettre une sorte d’ordre général dans une entreprise en pleine ébullition. Ce contrat, il implique une certaine démarche et une philosophie d’action, où la mesure-clé dudit l’ordre est la capacité de l’entreprise de maintenir un flux non-négatif de trésorerie, donc de maintenir une liquidité financière essentielle.

Cette liquidité veut dire que si elle est bien solide, le taux d’intérêt sur un gros emprunt comme c’était le cas ici, dans les 4 millions d’euros, peut osciller dans les 3,5% par an. En revanche, si pour des raisons variées ce flux de trésorerie vacille et devient négatif, l’emprunt passe dans une catégorie de risque plus élevé. Le taux d’intérêt grimpe alors aux environs de 5% ÷ 6%. La différence entre les deux est donc de 1,5% – 2,5% du capital emprunté par an. Avec un emprunt sur 10 ans, ça monte à quelques 15% ÷ 25% du capital emprunté. Voilà ce que je voudrais épargner à mon client si je prépare un business plan pour un projet d’investissement industriel important.

Maintenant, une chose importante : est-ce un échec de ma part de ne pas avoir eu ce contrat ? Honnêtement, je n’arrête pas de me le demander. D’une part, oui, bien sûr. Il vaudrait mieux d’avoir ce contrat que ne pas l’avoir, c’est évident. D’autre part, lorsque je calcule la proportion arithmétique entre l’honoraire que je voulais et les conséquences financières possibles de quel facteur de risque que ce soit, dans cette entreprise particulière, mon pognon il a l’ai ridiculement insignifiant. Je pense donc que lorsque mon pote m’a dit que j’étais trop cher pour eux, cela voulait dire, en fait, que la lecture calme du contrat leur a fait prendre conscience, à mon ami et à son associé, que soit ce n’est pas du tout un consultant dont ils ont besoin soit que ma philosophie dans ce projet n’était pas du tout la leur. Dans les deux cas, ils ont bien fait de l’annoncer dès le début, cartes sur table. C’était honnête et raisonnable.

Voilà donc que je viens d’utiliser une situation de ma propre vie pour tester l’approche pédagogique que je voudrais développer dans mes cours. Pas no. 1, comprendre ce qui se passe. La compréhension vient plus facilement lorsqu’on décompose les évènements comme des séquences. Pas no. 2, placer ce qui se passe dans un contexte plus large et ce contexte plus large, il est principalement fait de nos objectifs et des structures de notre action. L’analyse praxéologique fait des merveilles pour distinguer l’important du futile, ici. Pas no. 3, donner une dimension éthique à la situation et comprendre les valeurs en jeu. Pas mal comme méthode d’enseignement. Ça a de l’élan et de la profondeur.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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Sans une once d’utopisme

 

Je suis en train de diriger ma recherche sur le projet EneFin vers l’application dans les pays en voie de développement. J’ai fait un pas dans cette direction dans ma dernière mise à jour en anglais : « Which salesman am I ? ». Cette fois, je plonge un peu dans l’étude quantitative. C’est à la fois une exploration scientifique et une révision en ce qui concerne la méthode de recherche caractéristique pour l’économie.

Alors voilà, dans « Which salesman am I ? » j’avais introduit une première équation quantitative, qui formalise une hypothèse de base : plus d’énergie veut dire plus de produit intérieur brut dans un pays. Dans des endroits vraiment pauvres, où l’utilisation occasionnelle des générateurs diesel est la seule source d’électricité, l’introduction de quelle source d’énergie que ce soit ouvre des possibilités nouvelles pour les gens du coin. A mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Je prends l’équation que j’avais déjà testée dans « Which salesman am I ? », soit : ln(PIB par habitant) =a* ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant. Les « Ln » sont des logarithmes naturels des variables observées. Façon de les calmer un peu, ces variables. Le logarithme naturel, ça soigne merveilleusement bien des cas de non-stationnarité, par exemple. Par ailleurs, je pense qu’il serait utile à mes lecteurs de disposer de la même source des données quantitatives que moi j’utilise. Alors voilà le lien hypertexte pour télécharger le fichier Excel avec ces données-là. Je prends donc cette équation de base et je commence à la tester avec l’addition d’une seconde hypothèse : à mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Ce que je fais avec mon équation consiste à modifier soit l’équation elle-même soit les données empiriques dans le test pour refléter cette hypothèse additionnelle. Il y a une mesure de pauvreté relative que j’utilise souvent dans ma recherche : c’est le déficit alimentaire par personne par jour, mesuré en kilocalories, publié par la Banque Mondiale. Je commence à l’explorer en l’introduisant par la porte de cuisine en quelque sorte : je laisse l’équation comme elle est, mais je divise ma base des données en des sous-ensembles d’observations où chaque sous-ensemble correspond à une intervalle (un sextile, pour être exact) de déficit alimentaire. Si vous voulez, c’est un peu comme si quelqu’un (enfin, moi) me présentait un concept d’entreprise et moi, je commence à poser des questions embarrassantes du genre « Alors, qu’est-ce qui se passe si au lieu du marché X tu essaies de développer le même concept dans le marché Y ? ».

Dans Tableau 1, ci-dessous, je présente les résultats des tests conduits dans ces sous-ensembles. Je reviens juste après (je veux dire après Tableau 1) pour jouer un peu le prof.

Tableau 1 L’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant testée dans des contextes différents de déficit alimentaire

Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : pas de déficit alimentaire observé, N = 3 709, R2 = 0,749
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,931 (0,009) p < 0,001
Facteur constant 2,276 (0,066) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 251 et 740 kilocalories par jour par personne (pays les plus pauvres), N = 265, R2 = 0.265
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,797 (0,082) p < 0,001
Facteur constant 2,634 (0,502) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne, N = 298, R2 = 0,522
Ln(Consommation d’énergie par personne) 1,152 (0,064) p < 0,001
Facteur constant 0,822 (0,398) p = 0,04
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 168 et 110 kilocalories par jour par personne, N =293, R2 = 0,483
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,711 (0,043) p < 0,001
Facteur constant 3,618 (0,275) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 109 et 61 kilocalories par jour par personne, N = 270, R2 = 0,519
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,852 (0,05) p < 0,001
Facteur constant 2,778 (0,333) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 60 et 28 kilocalories par jour par personne, N = 312, R2 = 0,375
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,555 (0,041) p < 0,001
Facteur constant 5,11 (0,292) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 27 et 0 kilocalories par jour par personne, N = 311, R2 = 0,753
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,833 (0,027) p < 0,001
Facteur constant 3,238 (0,211) p < 0,001

Bon, je joue le prof. Je commence par expliquer la signification des nombres. Ce sont des équations linéaires du type y = a*x + b. Le « b » c’est le facteur constant, donc, si vous voulez, la partie de y qui s’en fiche essentiellement du x et reste la même quoi que fasse x. La proportion entre le coefficient « a » et la constante « b » donne une idée de la sensitivité relative d’y vis à vis une variance dans le x. De ce point de vue, le PIB par tête d’habitant garde généralement une inertie substantielle vis à vis la consommation d’énergie par personne et ceci à travers la plupart des sextiles de déficit alimentaire. L’intervalle entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne fait exception à cette règle : les proportions entre le coefficient de régression et la constante y sont inversées. Tout comme si dans cette catégorie particulière l’économie était particulièrement apte à absorber chaque joule additionnel.

Cette inertie prise en compte, le coefficient de détermination R2 montre quelle partie de la variance du PIB par habitant est expliquée par la variance de la consommation d’énergie par habitant. Ces valeurs du R2 que vous pouvez voir dans Tableau 1 sont tout à fait respectables. Lorsqu’on met ensemble les proportions « coefficient – constante » et le R2, une corrélation plutôt robuste apparaît. Robuste comme elle est, il y a comme l’ombre d’une dépendance vis à vis la classe de déficit alimentaire. Je fais donc un pas de plus sur ce sentier d’exploration et j’inclue le déficit alimentaire explicitement dans l’équation, qui de ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant se transforme en  ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant.

Je teste. Bien sûr, je teste sur ces observations « pays – année » où déficit alimentaire apparaît. Le sous-ensemble « pas de déficit alimentaire observé » reste donc en dehors du modèle. Dans Tableau 2, ci-dessous, vous pouvez voir les résultats du test. Un petit commentaire est de rigueur. Le déficit alimentaire, tel qu’il est publié par la Banque Mondiale, est une valeur arithmétiquement positive mais essentiellement négative : plus élevée est cette valeur comme nombre, plus profondément négatif est son impact sur la population locale. Dans Tableau 2 vous pouvez voir que le logarithme naturel du déficit alimentaire porte un coefficient négatif de régression. Cela veut dire que plus élevé est ledit déficit, moins élevé est le PIB par tête d’habitant. C’est logique, la tête d’habitant à besoin de manger pour bosser et gagner du pognon.

Tableau 2 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 749, R2 = 0,738
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,779 (0,019) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,258 (0,015) p < 0,001
Facteur constant 4,399 (0,175) p < 0,001

Je vais un peu plus à fond dans l’interprétation du Tableau 2. Lorsque j’inclus le déficit alimentaire dans mon équation, c’est comme si j’émoussais l’influence de la consommation d’énergie par personne sur le PIB par personne. Vous pouvez voir le facteur constant gonfler considérablement et le coefficient de régression attribué à la consommation d’énergie par personne perdre de son ampleur. Somme toute, c’est cohérent avec ce que j’ai déjà découvert à propos de la balance entre la consommation de l’énergie et celle de nourriture : toutes les deux, elles font comme une base de durabilité pour tout système social.

Lorsqu’il m’est arrivé d’étudier de plus près des cas particuliers des pays dans des différentes classes de déficit alimentaire, j’en suis venu à la conclusion que, bien qu’étant principalement une mesure d’abondance ou pénurie relative de nourriture, cette variable est aussi une mesure d’inégalités dans la société. Ceci est lié à la méthodologie du calcul. On commence par vérifier si dans un pays donné il y a des personnes en situation de malnutrition systématique. Si tel n’est pas le cas, le pays est catégorisé avec déficit alimentaire zéro. Si, en revanche, il y a malnutrition systématique, on continue par répertorier toutes les personnes en une telle situation et calculer leur déficit alimentaire total agrégé, je veux dire sur toute cette sous-ensemble de la population nationale donnée. Ensuite, on divise ce déficit calorique agrégé par la population totale du pays et voilà comment nous obtenons la valeur que vous pouvez voir dans les données de la Banque Mondiale.

Le petit truc caché dans cette méthodologie est le suivant : si on a un pays qui possède des ressources alimentaires à la limite de la suffisance mais les distribue d’une façon inefficace, il y aura de la malnutrition. Un autre pays, avec une base alimentaire similaire, mais plus efficace dans la distribution des produits alimentaires peut bien être dans une classe supérieure en termes de déficit alimentaire par personne.

Maintenant, je change mon angle d’approche et je remplace la consommation d’énergie par personne avec juste la consommation d’énergies renouvelables par personne. Pour rester cohérent avec ce qui précède, je teste donc deux équations :  ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant ainsi que sa sœur mal nourrie ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant. Vous trouverez les résultats de ces deux tests dans Tableaux 3 et 4 ci-dessous.

Tableau 3 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 3 064 , R2 = 0,011
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,062 (0,01) p < 0,001
Facteur constant 9,48 (0,083) p < 0,001

Tableau 4 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 680, R2 = 0,492
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,082 (0,008) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,572 (0,016) p < 0,001
Facteur constant 11,614 (0,088) p < 0,001

Pour une surprise, c’en est définitivement une. Prise comme variable quantitative à l’échelle macroéconomique, la consommation d’énergies renouvelables se comporte d’une façon tout à fait différente de sa grande sœur, la consommation totale d’énergie. En dépit d’une signification élevée, selon le test t de Student, la corrélation entre la consommation des renouvelables et le PIB par personne reste faiblarde.

Tout phénomène a une explication rationnelle. Enfin, la plupart. Non, pas les matchs de foot. Alors ici, l’explication rationnelle, elle commence avec la compréhension de ce qu’est la consommation moyenne d’énergie par tête d’habitant. Ladite tête, donc vous, moi, mon voisin – on consomme tous l’énergie non-alimentaire de trois façons principales. Premièrement et le plus évidemment, nous utilisons l’énergie dans les technologies qui nous entourent : notre électroménager, notre électronique, le chauffage de la maison etc. Deuxièmement, quand on y pense, c’est le transport sous toutes ses formes. Finalement et le moins évidemment pour nous, chaque produit et chaque service que nous achetons contient, dans son coût de fabrication et livraison une partie correspondante à l’énergie. Une usine qui fait des lavabos, ça consomme de l’énergie et ça paie ses factures en conséquence. Lorsque j’achète un de ces lavabos, c’est comme si j’achetais la parcelle correspondante d’énergie consommée dans l’usine. Toute notre civilisation matérielle, dans chacune de ses manifestations, contient de l’énergie, solidifiée en quelque sorte.

Le coefficient de consommation d’énergie par personne est comme un panier qui contient toutes ces trois formes. En revanche, la consommation d’énergies renouvelables, c’est un coefficient calculé à la source, soit au niveau de la génération d’énergie électrique des sources renouvelables non-combustibles (hydro, éolien, géothermal, solaire) soit au celui de la combustion de la biomasse. Ce dernier cas de figure est particulièrement saillant dans le cas des pays africains, où le nominalement élevé coefficient des renouvelables vient précisément de l’usage des combustibles biologiques directement pour la chaleur ménagère, sans générer électricité.

La consommation d’énergies renouvelables par personne ne couvre donc pas l’usage indirect d’énergie à travers les biens et services consommées. Si je reviens donc à ces équations que vous avez pu voir testées, plus tôt dans cette mise à jour, le fait de truquer le coefficient d’énergie totale consommée par personne pour le coefficient d’énergie renouvelable par personne nous fait s’orienter vers une hypothèse différente. Dans l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant je teste l’hypothèse que plus d’énergie accessible dans une économie nationale est positivement corrélé avec plus de produit national brut. Vu l’interprétation méthodologique du coefficient de consommation d’énergie par personne, c’est tout à fait logique : plus d’énergie par tête d’habitant veut dire que ladite tête consomme plus de biens et services ainsi qu’elle bouge plus (transport). Les deux sont étroitement corrélés avec le Produit Intérieur Brut.

En revanche, lorsque je teste l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant, je soumets à la vérification une hypothèse différente, selon laquelle plus d’énergies renouvelables générées à la source (électricité plus chaleur) est positivement corrélé avec le produit national brut. Oui, ça peut marcher, si cela veut dire création des nouveaux rôles sociaux et nouveaux marchés. Sinon, la corrélation devient vaseuse, tout comme ces coefficients ridiculement bas et négatifs dans la régression linéaire des logarithmes naturels.

Voilà donc que j’ai fait un large tour à travers l’analyse économétrique et maintenant je peux tirer des conclusions pertinentes à l’application de mon concept EneFin dans les pays en voie de développement, comme outil institutionnel dudit développement. Pour que la chose marche vraiment comme de cette façon, il faut que les installations locales, construites avec le financement façon EneFin, génèrent non seulement de l’électricité mais aussi des petits business et des emplois et ceci de façon réaliste, sans une once d’utopisme.

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Disparition des raisons pour migrer

 

Je me suis mis à rédiger un article sur mon projet EneFin. Je me sens un peu bloqué niveau business plan, là-dessus, et je ne comprends pas exactement les raisons de ce blocage. Je me suis dit qu’une approche scientifique, qui me donne la possibilité de vraiment couper le cheveu en quatre, peut éclaircir mes idées un peu. Dans cette approche intello, le truc de base c’est la disparité observable des prix d’énergie. Pour que le concept EneFin aie quelle assise que ce soit dans la réalité économique, il faut au moins deux prix différents d’énergie, comme PA(t) et PB(t), pratiqués niveau détail, donc dans les ventes aux utilisateurs finaux de ladite énergie. Le (t) c’est un moment donné dans le temps. Eh ben oui, qu’est-ce que vous voulez ? Si j’ai de l’énergie et de l’espace, il me faut aussi du temps, autrement c’est pas très physique tout ça et si ce n’est pas physique, c’est forcément métaphysique et là, c’est une terra incognita où je ne dirige mes pas qu’après une consommation substantielle des substances intéressantes pour des raisons extra-économiques.

Alors, j’ai cette situation PA(t) > PB(t) et ça implique l’existence de deux groupes d’utilisateurs finaux d’énergie. Le sous-ensemble A(UF) paie le prix PA(t), pendant que les chanceux du sous-ensemble B(UF) paient juste le PB(t) pour leur kilowatt heure moyenne. Les questions théoriques que j’ai ouvertes sur ce sujet commencent par demander sous quelles conditions une telle disparité des prix peut pousser les A(UF)s à migrer vers B(UF) et combien sont-ils enclins à payer pour une telle migration.

Ensuite, j’assume qu’une telle migration serait attachée à une utilité économique en forme d’économies sur la facture d’énergie. Pour une consommation moyenne de Qi(t) des kilowatt heures par an par i-tième consommateur, les économies en question peuvent être calculées comme Si(t) = Qi(t)*[PA(t)PB(t)]. Une fois que notre i-tième consommateur les a faites, ces économies, il peut les convertir en d’autres types d’utilité économique. Parmi ces autres types il y en a un qui m’intéresse particulièrement : l’acquisition des titres de participation dans le capital social du fournisseur d’énergie. Voilà la première des deux chambres du cœur pratique de mon concept EneFin : le développement des structures quasi-coopératives à l’échelle locale, où les consommateurs d’énergie sont aussi des actionnaires de leur fournisseur.

Je vois donc un processus de migration de « p » consommateurs d’A(UF) vers B(UF) ; cette migration engendre un flux de trésorerie FT = p*Si(t) et ledit flux est ensuite alloué entre des utilités économiques différentes, dont l’investissement IFE(FT) dans le capital social des fournisseurs d’énergie. Ce qui m’intéresse côté théorie, à ce point-ci, est le mécanisme de sélection. Dans l’approche théorique la plus simple(iste ?), je peux représenter ça comme une maximisation analytique : il faut que je convertisse le mécanisme de sélection en une fonction polynomiale quadratique ou plus et que je cherche pour un maximum à travers l’analyse de ses dérivées du premier et second degré.

Si je veux être un peu plus sophistiqué, j’imagine un des états alternatifs des choses et j’essaie d’évaluer la probabilité que les consommateurs d’énergie gravitent vers chacune de ces réalités alternatives. Encore un pas de plus et je verse dans l’analyse béhavioriste, donc je représente cette transition d’A(UF) vers B(UF), suivie par l’investissement IFE(FT) dans le capital social des fournisseurs comme une séquence ordonnée des schémas de comportement. Ceci ouvre sur deux perspectives : la théorie des jeux d’une part et l’intelligence artificielle d’autre part. Dans la théorie des jeux, je me concentre sur les choix individuels des consommateurs et des fournisseurs et je modèle ces choix comme une adaptation complexe basée sur des règles du jeu social.

En ce qui concerne la théorie des jeux, je sens qu’une explication préalable ferait du bien, surtout à ceux de mes lecteurs qui se sentent comme moyennement initiés à la science. La théorie des jeux aime revêtir des habits ésotériques et prendre des allures comme celle présentée dans « The Ender’s Game », le roman célèbre de science-fiction par Philip Dick. En fait, la base théorique de la théorie des jeux est beaucoup plus simple. Nous agissons tous sous incertitude. Nous ne savons pas exactement ce que l’avenir nous apportera, surtout lorsqu’il s’agit d’actions complexes. Néanmoins, l’une des découvertes que nous faisons tous à mesure d’acquérir l’expérience de la vie est qu’en dépit de cette incertitude fondamentale nous agissons tous selon des schémas répétitifs et que ces schémas sont largement fondés dans l’observation de ce que font les autres. Le développement des stratégies d’action sous incertitude, basées sur l’observation d’actions d’autrui c’est bien ce en quoi consiste un jeu.

Voilà, c’est à peu près tout en ce qui concerne le charme ésotérique de la théorie des jeux. Les jeux formalisés que nous jouons – serait-ce le poker, les échecs ou le tennis – sont des rituels qui nous servent à nous entrainer à faire des stratégies dans la vie de tous les jours. Chaque jeu ritualisé, reconnu par notre culture, est une variation sur ce thème fondamental.

En ce qui concerne l’interprétation théorique de mon concept EneFin, je vois deux jeux différents. Le premier, c’est le jeu type cartes, où la stratégie essentielle consiste à prévoir correctement une distribution des cartes – un état futur incertain des choses – tout en formant des alliances temporaires et fluides avec les autres joueurs. Le second, c’est un jeu comme les échecs ou les dames. Ici, la stratégie de base se concentre sur l’action de développer le contrôle sur un territoire, en compétition avec un autre joueur. Le territoire en question est aussi bien un territoire au sens strict du mot qu’une structure sociale : un chemin de carrière dans une multinationale, un marché, un morceau de pouvoir politique etc. Je développe donc deux schémas comportementaux essentiels : le placement des paris sur un avenir incertain (cartes) et la rivalité ritualisée (échecs, dames).

C’est en principe là que mon approche jeu-théorique diffère du courant principal de telles approches dans les sciences sociales. Ledit courant principal se concentre sur la formation des relations horizontales entre les joueurs, ce qui implique que la structure sociale est essentiellement un réseau, possiblement un réseau complexe fait des réseaux locaux plus simples. Moi, je suis (un peu) plus brutalement terre-à-terre dans ma perspective propre et j’assume que toute structure sociale est une combinaison des réseaux et des hiérarchies. Logiquement, les stratégies comportementales que je veux représenter avec l’instrumentaire de la théorie des jeux sont celles orientées sur la coopération horizontale dans les réseaux que celles qui visent la création (maintien ?) d’une position hiérarchique.

Le jeu type cartes, appliqué à mon concept EneFin, assume que les consommateurs d’énergie font leur décision complexe – transition d’A(UF) vers B(UF) suivie par la transformation du flux de trésorerie Si(t) en des utilités économiques alternatives, dont l’investissement dans le capital social des fournisseurs d’énergie – sur la base d’un pari sur l’avenir, donc, en des termes plus canoniquement économiques, sur la base de l’utilité future espérée. Chaque stratégie alternative est donc associée, à travers une rationalité qu’il me faut modeler, à un gain futur espéré. Dans ce jeu, les agents économiques peuvent former des alliances pour optimiser leur gain futur. Le trait distinctif de cette approche, par rapport à celle centrée sur la rivalité, est que les joueurs espèrent un gain purement quantitatif, comme profit spéculatif en Bourse, sans se soucier des leviers hiérarchiques qui peuvent faciliter l’acquisition dudit gain.

Lorsque je change d’optique pour le jeu type échecs ou dames, donc si je fais mes agents économiques soucieux de bien garder leur carcasse de mammouth fraîchement tué contre toute intrusion extérieure, leurs stratégies seront différentes. Ils vont raisonner en termes de gain complexes : l’action directe apport le contrôle d’actifs qui, à leur tour, peuvent apporter de profits dans l’avenir. La transition d’A(UF) vers B(UF) devient un choix de position sociale avantageuse préalable, le flux de trésorerie Si(t) est le gain intermédiaire – comme une bonne ligne d’attaque en échecs – qui donne la possibilité d’acquérir un gain plus durable sous la forme de contrôle d’actifs liés à la génération d’énergie.

Pourquoi ne suis-je pas politiquement correct et je n’assume pas que la transition vers les énergies renouvelables est nécessairement liée à une révolution morale style harmonie universelle ? Eh bien, la recherche que j’avais faite l’année dernière m’a laissé former trois assomptions bien fondées. Un, le contrôle des sources d’énergie reste une position sociale très convoitée et objectivement avantageuse. Deux, nous, les humains, comme structures sociales ancrées dans leurs territoires respectifs, nous avons tendance à maximiser notre absorption totale d’énergie plutôt qu’à la réduire. Trois, le contrôle d’un changement technologique important est lié au contrôle sur des flux de trésorerie substantiels qui, à leur tour, permettent de contrôler même plus de changement technologique dans les tours prochains du jeu.

En partant de la théorie des jeux, je peux faire encore un pas en avant et assumer que toutes ces stratégies individuelles, toutes ces combinaisons d’altruisme, vision, égoïsme et rivalité ritualisée se joignent pour former une technologie sociale complexe. Cette technologie est une machine capable d’apprentissage, donc une intelligence complexe. Faute d’une meilleure étiquette, je peux designer cette intelligence comme artificielle. Dans cette approche théorique, je fais en quelque sorte le tour de l’horizon : je reviens vers l’optimisation mathématique que je prends en compte dans l’approche économique classique, seulement cette fois j’assume que c’est la machine sociale intelligente qui accomplit cette optimisation façon « machine learning ».

L’apprentissage collectif, comme perspective théorique, peut encore muter en deux axes distincts. Premièrement, je peux assumer que l’apprentissage est strictement dit mécanique, donc que la machine sociale peut apprendre tout ce qu’elle veut, pourvu qu’elle ait suffisamment de données. Deuxièmement, je peux adopter une approche évolutive et assumer que l’apprentissage en question exige une séquence des générations, ou chaque génération successive est faite d’agents sélectionnés par une fonction de sélection de parmi le matériel génétique de la génération précédente. L’apprentissage de la machine sociale se fait donc essentiellement à travers cette fonction de sélection. Vous pouvez voir un exemple d’application évolutive dans l’économie des marchés d’énergie chez Wang et al. 2017[1], par exemple.

Une question bien légitime peut vous venir à l’esprit : n’est-ce pas un peu trop compliquer, de multiplier ces perspectives théoriques ? Eh bien, ma petite balade à travers la littérature du sujet suggère une complexité très poussée, comme le signalent Moallemi et Malekpour 2018[2] : toute analyse quantitative est très sensible au choix d’assomptions qualitatives. Comme je la continue, ma petite balade, je tombe sur un article par Lago et al. 2018[3] qui me fait prendre conscience à quel point le marché de détail en énergie est différent du marché de gros. Le premier est toujours rigide, divisé en des marchés qui ont l’air des domaines féodaux plus que de marchés au sens moderne du terme. Le second est un marché réel, très près de la compétition parfaite.

Comme je m’arrête pour étudier le travail de Muller et al. 2018[4] je me rends compte que je eux placer mon concept EneFin dans un contexte social plus large, non seulement comme une alternative pour les habitants des grandes villes, mais aussi comme une solution primaire pour les communautés rurales dans les pays en voie de développement. Ce schéma quasi-coopératif – où les membres de la communauté locale sont en même temps actionnaires et clients du fournisseur local d’énergie renouvelable et où ils disposent d’une plateforme FinTech qui donne de la liquidité financière à ce schéma – ça pourrait être pas con du tout comme solution pratique.

Dans ce cas précis de figure, la fourchette des prix d’énergie serait construite d’une façon légèrement différente. Le sous-ensemble A(UF) est composé des ménages dont l’accès à quelle forme d’énergie que ce soit est tellement difficile qu’il se résume en des pertes économiques. Le montant de ces pertes sert à calculer le prix relativement élevé PA(t). Le sous-ensemble B(UF) est construit comme référence hypothétique : qu’est-ce qui va se passer si on offre aux ménages d’A(UF) les fournitures régulières d’énergie selon le schéma quasi-coopératif d’EneFin. Les gains économiques que ces ménages connaissent après une telle connexion sert à calculer le prix plus avantageux PB(t).

Je perçois une autre extension possible du concept EneFin, partiellement liée à celle que je viens de signaler, et cette extension, je la formule sous l’inspiration de la recherche par Chen et al. 2017[5]. Le concept initial d’EneFin c’est de l’énergie pour les ménages, puisque ce sont les ménages qui paient, d’habitude, le prix le plus élevé pour leur kilowatt heure. Néanmoins, si je greffe ce concept sur l’organisme d’une communauté rurale dans un pays en voie de développement, je peux aussi bien tester la robustesse de ce schéma à mesure que j’ajoute des petites entreprises familiales dans le panier d’utilisateurs finaux d’énergie.

Le travail de Du et al.[6] ainsi que celui de Lecca et al. 2017[7] me  réconforte un peu dans mon approche des hiérarchies sociales : ces chercheurs-là placent un accent fort sur le facteur de cohésion sociale, dans la transition vers des nouvelles sources d’énergie.

Mon concept est centré sur les disparités des prix d’énergie est c’est donc autour de cet axe de recherche que j’ai flâné un peu, en termes de littérature. Au niveau strictement empirique, j’ai une fois de plus passé en revue les données publiées par International Renewable Energy Agency (IRENA 2018[8]). Ces données disent un truc d’importance primordiale pour ma recherche : la transition vers les énergies renouvelables est en train d’apporter une baisse solide et soutenue des coûts de production d’énergie. En d’autres termes, les disparités des prix d’énergie, ainsi que leur changement dans le temps, sont de plus en plus des différences de marge bénéficiaire sur le coût de production strictement dit. Logiquement, ces différences des prix sont corrélées de plus en plus avec les stratégies d’investissement ainsi qu’avec les coûts de transaction liés à des schémas institutionnels particuliers.

Les auteurs que j’avais déjà cité sur mon blog, Jean Tirole et Paul Joskow, ont été une fois de plus une source d’inspiration à cet égard. Dans leur article de 2007 (Joskow, Tirole 2007[9])

ils construisent un modèle des prix d’énergie qui me fait repenser à ce bon vieux principe d’Adam Smith : le prix d’un bien a une double nature. D’une part il faut le voir comme le résultat de marchandage et donc de fonctionnement d’un marché ; d’autre part, il reflète une utilité économique objectivement mesurable. Dans un article plus récent, Paul Joskow reprend cet idée à lui seul (Joskow 2011[10]) et souligne fortement que les politiques de minimalisation des prix d’énergie, par exemple à travers un système agressif d’enchères inversées, ne sont pas forcément la meilleure idée. L’énergie est précieuse, même si le coût nominal de sa génération baisse.

Ce petit tour à travers la littérature m’a fait formuler quelques idées générales de plus, à exploiter plus en détail plus tard. Les disparités des prix d’énergie, comme celle très schématique PA(t) > PB(t) dans mon modèle de base, peuvent avoir leurs racines dans des structures différentes de marché. Si PA(t) > PB(t), cela peut vouloir dire que dans le marché A la demande croît plus vite que dans le marché B, par rapport à la capacité installée de génération d’énergie. Dans ce cas la migration d’A(UF) vers B(UF) est une migration de la pénurie relative d’énergie vers un marché plus équilibré ou bien vers un marché en surplus d’offre. En termes d’économie classique, la migration d’A(UF) vers B(UF) devrait donc conduire, avec le temps, à un rééquilibrage d’offre et de la demande dans les deux marchés, donc à PA(t) = PB(t) et à la disparition des raisons pour migrer. En revanche, si PA(t) > PB(t) vient de la présence d’une structure quasi-monopolistique dans le marché A, la migration en question est celle entre des structures institutionnelles différentes. Par conséquent, la structure A peut disparaître complétement si la migration atteint un niveau critique.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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[1] Wang, G., Zhang, Q., Li, H., Li, Y., & Chen, S. (2017). The impact of social network on the adoption of real-time electricity pricing mechanism. Energy Procedia, 142, 3154-3159.

[2] Moallemi, E. A., & Malekpour, S. (2018). A participatory exploratory modelling approach for long-term planning in energy transitions. Energy research & social science, 35, 205-216.

[3] Lago, J., De Ridder, F., & De Schutter, B. (2018). Forecasting spot electricity prices: Deep learning approaches and empirical comparison of traditional algorithms. Applied Energy, 221, 386-405.

[4] Müller, M. F., Thompson, S. E., & Gadgil, A. J. (2018). Estimating the price (in) elasticity of off-grid electricity demand. Development Engineering, 3, 12-22.

[5] Chen, W., Wang, H., Huang, W., Li, N., & Shi, J. (2017). Shared social-economic pathways (SSPs) modeling: application of global multi-region energy system model. Energy Procedia, 142, 2467-2472.

[6] Du, F., Zhang, J., Li, H., Yan, J., Galloway, S., & Lo, K. L. (2016). Modelling the impact of social network on energy savings. Applied Energy, 178, 56-65.

[7] Lecca, P., McGregor, P. G., Swales, K. J., & Tamba, M. (2017). The importance of learning for achieving the UK’s targets for offshore wind. Ecological Economics, 135, 259-268.

[8] IRENA (2018), Renewable Power Generation Costs in 2017, International Renewable Energy Agency, Abu Dhabi, ISBN 978-92-9260-040-2

[9] Joskow, P., & Tirole, J. (2007). Reliability and competitive electricity markets. The Rand Journal of Economics, 38(1), 60-84.

[10] Joskow, P. L. (2011). Comparing the costs of intermittent and dispatchable electricity generating technologies. American Economic Review, 101(3), 238-41.

Quel rapport avec l’incertitude comportementale ?

 

Je continue ma balade le long de la crête entre la recherche et l’enseignement. Je me penche sur l’application de mon concept d’enseignement des sciences sociales comme une sorte de géographie appliquée (consultez « Très spéculatif mais cohérent » ou bien « My own zone of proximal development ») à deux cours spécifiques : celui de Microéconomie ainsi que celui consacré aux Systèmes Politiques.

Le premier, donc la Microéconomie, me fait reconsidérer mon business plan pour le projet EneFin. Vous pouvez en consulter le résumé le plus récent dans « Deux cerveaux, légèrement différents l’un de l’autre ». La recherche et la rédaction de ce business plan, ainsi que celui pour le projet BeFund – que j’ai déjà fini il y a quelques mois – sont dans une grande mesure précisément ce que je veux enseigner à mes étudiants en Microéconomie. En même temps, le projet EneFin reflète mon créneau courant de recherche « officielle » à la fac, pendant que le projet BeFund est une correspondance empirique de la réflexion générale sur la méthode scientifique dans les sciences sociales.

Une méthode, ça exige un développement méthodique. Je m’y applique. La science d’abord. Le projet EneFin m’a fait pondre trois idées à développer d’une façon scientifique, dans des articles de recherche, par exemple. Premièrement, c’est le modèle théorique d’une entreprise, où un réseau urbain des petites turbines éoliennes et/ou hydrauliques, de pair avec des nids localisés des panneaux solaires, est financé à travers une plateforme FinTech qui, à son tour, permet d’échanger des contrats complexes du type « énergie au prix gros clients plus participation dans le capital social de l’entreprise égale énergie au prix petits clients ».

Comme je veux discuter la chose scientifiquement, comme un modèle théorique, mon attention se concentre sur les conditions de robustesse. En d’autres mots, le discours scientifique ici c’est l’exploration des prix et des quantités, surtout à l’extérieur de l’entreprise, qui rendent son implémentation possible (ou bien impossible). Le deuxième truc science qui avait attiré mon attention c’est le phénomène de cette plus-value monopolistique dans le marché européen d’énergie ainsi que le fait que ladite plus-value tend à diminuer à mesure de la transition vers les énergies renouvelables.

Le troisième sentier de recherche que je veux explorer est cette étonnante cohérence entre le volume de l’invention scientifique dans le domaine d’énergies renouvelables et le marché de ces énergies en tant que tel. J’avais déjà fait des excursions dans ce domaine – vous pouvez consulter « Je corrèle » comme exemple – et ça se connecte d’une façon très prometteuse à l’une de mes obsessions intellectuelles, le phénomène de déterminisme technologique.

Bon, donc ça c’est de la recherche. Maintenant, l’enseignement. Le truc le plus évident est celui d’application pratique des outils microéconomiques de base : analyse des prix comme des équilibres locaux, analyse des modèles d’entreprise en termes de capital et des coûts etc. Le truc moins évident et cependant tout aussi intéressant est le compte rendu du travail de recherche consacré à ce business plan. Je peux interpréter ce travail comme le processus de cristallisation intellectuelle que j’achève le long de mon sentier de développement proximal. C’est une incidence locale d’absorption et utilisation des informations sur les marchés et les structures sociales qui s’y construisent, donc c’est un exemple de la façon dont un être humain trouve son chemin à travers l’environnement social. Hypothèse générale est que ce que moi j’avais fait est un point situé quelque part sur une courbe Gaussienne des modèles comportementaux. Définir cette courbe de façon aussi précise que possible serait intéressant, un truc d’économie béhavioriste, quoi.

Maintenant, je saute dans la case « Systèmes politiques ». Mon intuition générale, que j’avais déjà commencé à développer dans « Très spéculatif mais cohérent », est celle de couper brutalement son chemin, dès le début, à travers les broussailles de la connerie médiatique. Je pense que c’est l’enseignement le plus précieux que je peux transmettre à mes étudiants en ce temps relativement court d’un semestre académique. Un semestre, c’est court ? Eh ben, oui. Le développement des connaissances vraiment robustes, manifestes comme des compétences bien rodées, ça prend des années. Plus je fais de la science, plus j’épouse cette thèse que mon grand compatriote, Alfred Comte Korzybski, avait exprimée dans sa doctrine de sémantique générale : nous, les humains, on apprend des choses vraiment utiles et profondes au rythme des générations, pas celui des mois.

Je peux distinguer quatre types des phénomènes politiques que nous rencontrons sur nos parcours sociaux individuels : les systèmes politiques en tant que tels, des élections, des troubles sociaux violents (guerres civiles etc.) et enfin des politiques particulières. Les compétences sociales qui marchent bien, pour un citoyen moyen, dans le contexte de ces phénomènes, consistent à prendre l’action bien ancrée dans la compréhension du jeu politique en place.

Lorsqu’on parle du jeu, je trouve primordial de déterminer ce qui se passe exactement, en termes de politique. Le discours médiatique à ce propos abonde en des informations du type « UnTel a eu un entretien avec UneTelle et UnTel a dit que [mettre ce que vous voulez entre ces parenthèses], en réponse à quoi UneTelle a fermement déclarée que [vous savez : ce que vous voulez] ». Comme société, nous avons une tendance – profondément ancrée dans les schémas comportementaux de notre espèce – de s’exciter au sujet de ce que les gens disent. En politique, ce que les gens disent est la manifestation d’une ingénierie comportementale bien pondérée, ou bien celle d’un bordel complet. Aussi étonnant que cela puisse sembler, les deux se combinent à merveille.

La compréhension scientifique de la politique exige cette petite gymnastique intellectuelle préalable : lorsqu’UnTel dit quelque chose à propos d’UneTelle, faut appréhender la situation en termes de la théorie de communication. Le fait le plus important est celui de communication en tant que telle, donc le fait que quelle information que ce soit est échangée. Pourquoi est-ce tellement important ? Parce que la communication implique l’existence des structures sociales pour le faire et ce que nous voulons comprendre en ce qui concerne la politique est précisément le fonctionnement de ces structures.

Je parle du fonctionnement des structures, donc il est peut-être temps d’aller jeter un coup d’œil de plus sur ces directions de recherche que je viens d’indiquer, il y a quelques paragraphes. Je connecte les points – comme disent les Anglo-Saxons – et je combine mon expérience intellectuelle de ces deux business plans, le projet BeFund et celui d’EneFin. Ces deux cheminements intellectuels m’ont rendu très conscient du phénomène d’incertitude comportementale.

Chaque fois que nous entreprenons quelque chose, le comportement d’autres humains est crucial. Lorsque je prépare un business plan, j’ai cette petite voix dans mon esprit qui dit « Je ne sais pas quoi faire puisque je ne sais pas ce que les autres vont faire ». Je pense ici à ce qu’eut écrit Frank Knight : ce qui démarque les hommes et femmes d’affaires du commun des mortels est la capacité d’appréhender cette incertitude à un méta-niveau. Ces personnes sont capables d’analyser leur propre méthode d’analyser l’incertitude et leurs propres moyens de gérer le risque correspondant.

Je pense que voilà une bonne indication pour mon enseignement des sciences sociales : apprendre à mes étudiants à identifier aussi précisément que possible ces incertitudes comportementales, conceptualiser les risques qui en découlent ainsi que les façons de gérer ces risques.

Voyons voir… Comment puis-je utiliser l’expérience accumulée dans la préparation des business plans pour ces deux projets, BeFund et EneFin, pour enseigner à mes étudiants tout ce bazar sur l’incertitude et le risque ? Quels ont été les types d’incertitude comportementale que j’eus à faire avec ?

L’incertitude de base est toujours le comportement des clients (utilisateurs) potentiels d’un produit ou d’une technologie. Tout d’abord, dans la population générale, qui (quel type d’entité) a des chances quelconques de devenir mon client ? Comment puis-je donc esquisser le marché potentiel ? Ensuite, quelle est la probabilité qu’à un moment donné « t » un client potentiel, choisi au hasard, devienne mon client réel, donc qu’il commence à développer le schéma comportemental propre audit client réel ?

En des termes mathématiques, vous pouvez trouver un exemple ce de raisonnement dans « Contagion étonnement cohérente ».  En des termes pédagogiques, je m’efforce de décomposer les phénomènes correspondants en une séquence d’apprentissage. Phase no. 1 : définissons nos clients comme des schémas de comportement. Phase no. 2 : définissons les schémas comportementaux de départ, donc ceux pratiqués ici et maintenant. Phase no. 3 : définissons la transition vers le schéma comportemental présent vers celui propre au « client ». Phase no. 4 : étudions les conditions de cette transition.

Je sens ici comme une direction intéressante dans l’enseignement de la microéconomie et de la gestion : présenter chaque régularité observable dans le fonctionnement des marchés et des organisations comme un phénomène comportemental. De cette façon je peux concilier la microéconomie classique avec l’économie institutionnelle et la théorie des jeux. Dans l’optique microéconomique je m’intéresse plus aux phénomènes vraiment récurrents, qui surviennent près du centre de leurs courbes Gaussiennes respectives. En langage simple, la microéconomie c’est du typique vraiment typique. En revanche, lorsque j’étudie le même cas du point de vue de la gestion, je m’intéresse un peu plus aux idiosyncrasies locales et aux moyens de les cerner.

Quand j’y pense, si je veux que mes étudiants comprennent vraiment cette logique d’incertitude comportementale, il faut que j’inclue dans mon enseignement des fondements de la statistique, avec l’accent mis sur la probabilité vue précisément comme courbe Gaussienne, donc selon la logique de la distribution normale. Ceci exige que j’explique aussi la logique de la distribution binomiale et la distinction entre les incidences centrales (fréquentes) et les marginales. Faire un détour par la pensée originelle de Thomas Bayes pourrait être captivant, aussi. Sa démarche – centrée sur la compréhension progressive des phénomènes à travers des expériences successives qui cernent la solution pas à pas – semble être la somme de rationalité scientifique lorsqu’on étudie l’incertitude des schémas comportementaux.

Je prends donc le cas de base pour tout cours de microéconomie, celui du démarrage d’une petite entreprise et de la question tout aussi fondamentale : « Comment s’y prendre d’une façon rationnelle ? ». La réponse de base : commencez donc par cerner aussi précisément que possible ce que vous voulez faire. Définissez le produit ou le service que vous avez l’intention de vendre, ainsi que le processus central d’interaction avec le client. La contribution de la science, à ce point-ci, c’est avant tout la distinction aigue entre la création d’un nouveau marché d’une part et l’adhésion à un marché existant d’autre part. Si vous êtes littéralement une petite entreprise, la science vous dit qu’il vous sera virtuellement impossible de créer un nouveau marché.

Bien sûr, il y a toujours des exceptions qui viennent à l’esprit : Facebook, Google, Amazon etc. Remarquez toutefois que tous ces titans venus apparemment de nulle part venaient des marchés déjà en développement, où ils eurent tout simplement implanté des modèles d’entreprise particulièrement efficaces, surtout par recombinaison des schémas parfaitement connus par ailleurs. Facebook c’est un bureau des petites annonces façon époque digitale. Google c’est l’application digitale de l’idée bien connue : celle d’index dans une bibliothèque. Oui, c’était bien ça l’idée révolutionnaire de Google : appliquer à la recherche des pages web la logique d’indexation appliquée dans toutes les bibliothèques physiques (trouver un livre par titre, par auteur et par les mots clés). Amazon c’est l’application d’une régularité bien connue de tous les libraires : le vrai défi dans la profession c’est bien gérer l’arrière-boutique et acquérir des clients fidèles. La gestion de l’avant-boutique est le moindre des soucis.

Je reviens donc à l’assertion qu’une nouvelle entreprise a peu de chances de créer un nouveau marché et ferait mieux de s’insérer dans un marché déjà en place. Je vous vois venir, là. « Quel rapport avec l’incertitude comportementale ? » vous demanderez. Un marché bien en place est fait d’habitudes bien huilées et lancées. Un marché existe parce qu’il y a un nombre prévisible des gens qui font des choses prévisibles. La création d’un nouveau marché exige qu’un nouvel ensemble des schémas de comportement se forme, se teste et s’installe pour du bon. Tous ceux qui avaient jamais fait des efforts pour arrêter de fumer ont certainement deux mots à dire au sujet des nouveaux schémas de comportement. Si un tel schéma exige une modification neurologique importante (je veux dire le développement des nouveaux réflexes, comme regarder un écran de plus), le défi est même plus important.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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Très spéculatif mais cohérent

 

Je laisse un peu de côte l’histoire du business plan pour le projet EneFin. Après les deux dernières mises à jour, soit « Deux cerveaux, légèrement différents l’un de l’autre » et « Making my brain dance to a slightly different tune », j’ai ce sentiment étrange que cette idée a besoin de mûrir. Je dis que c’est un sentiment étrange, bien que je sois capable de le rendre intelligible, n’est-ce pas étrange ? C’est comme une voix dans ma tête me disait : « Écoute, là-dedans, dans ton subconscient, nous, tes connexions synaptiques, on bosse. On bosse vraiment. Seulement si tout le temps tu te tiens comme ça, juste à côté, et tu nous regardes par-dessus l’épaule, ça énerve et nous, tes connexions synaptiques, lorsqu’on s’énerve, on bosse sans grand résultat. Voudrais-tu donc, notre chère conscience, nous foutre la paix pour quelque temps ? Il y a surement plein de trucs intéressants là-dehors, dans le monde extérieur. Quelle meilleure façon de nous laisser travailler tranquille que d’aller explorer cet extérieur, hein ? ».

J’en passe sur la question philosophique si les connexions synaptiques peuvent avoir une épaule. Néanmoins, leurs postulats semblent rationnels. Une chose est vraie, très certainement : le monde offre plein de choses à étudier.

Alors, je retourne un peu vers un sujet cher à mon cœur de chercheur et de prof d’université : les systèmes politiques et les interactions internationales entre eux. Oui, j’ai ces deux cœurs spéciaux. Mon cœur de chercheur se situe dans le cerveau et celui de prof se trouve en deux endroits : chambre A203 à la fac, et sur mon site « Discover Social Sciences ». Durant l’année académique prochaine j’aurai au moins quatre cours liés à ce sujet. Il y en aura un général – « Systèmes politiques dans le monde » – et trois plus spécifiques : « Commerce international », « Relations économiques internationales » et « Politique économique ».

Comme toujours, le prof en moi aime poser les questions fondamentales. Quelles compétences je veux transmettre, au juste, aux étudiants qui vont suivre ces cours ? La réponse la plus fondamentale vient vite. Je veux leur transmettre l’aptitude à utiliser la méthode scientifique : observation préliminaire, hypothèse, vérification méthodique, interprétation et communication des résultats. Cet apprentissage se fait dans un environnement spécifique, celui de la salle de classe, qui permet aux étudiants d’expérimenter avec leur propre rôle social ainsi qu’avec leur relation avec le prof, donc moi.

Le sentier d’apprentissage que je propose consiste donc à utiliser la méthode scientifique pour bâtir un rôle social. En ce qui concerne les systèmes politiques, je propose souvent à mes étudiants le jeu intellectuel suivant : « Imaginez que vous êtes assistant(e) d’un premier ministre. Votre boss va prononcer un discours durant ce sommet international prévu pour le mois prochain et il vous demande, bien sûr, d’écrire ce discours pour lui. Que mettriez-vous là-dedans ? ».

Voilà que la méthode scientifique entre en scène. Les trucs à mettre dans un discours politique sont de bonne qualité s’ils réfèrent à ce qui se passe réellement. Donc qu’est-ce qui se passe, en ce qui concerne les systèmes politiques ? Le verbe-même « se passer » devient délicat, ici. Il y a des choses politiques qui se passent au rythme séculaire, il y en a qui prennent des décennies pour se passer complètement et il y a ces bulles politiques soudaines qui gonflent, pour éclater ensuite, en l’espace des semaines.

Le truc avec la science est que ça demande de la recherche. Recherche veut dire effort, effort veut dire énergie, énergie veut dire charge émotionnelle, charge émotionnelle veut dire que la chose ait de l’importance pour nous. On fait le plus de recherche sur les phénomènes qui nous excitent le plus.

Ainsi nous venons à ce petit paradoxe qui hante la recherche sur les systèmes politiques : les bulles momentanées éveillent beaucoup plus d’émotions que les vagues de longue durée, pendant que l’importance respective de ces deux catégories est exactement l’opposé. Ce que nous percevons comme évènements politiques d’actualité sont très souvent des évènements purement médiaux, donc une interprétation journalistique de ce qui se passe plutôt que la description proprement dite. Cette interprétation faite par les journalistes est fréquemment leur réponse plus ou moins informée à une stratégie de communication de la part d’acteurs politiques.

En revanche, une augmentation de 1% de PIB au niveau de la différence entre la dette publique brute et la dette publique nette tous les deux ans pendant 20 ans est pratiquement imperceptible pour le large public et à fortiori a peu de chances d’éveiller quelles émotions que ce soit. L’importance systémique d’un tel changement est cependant fondamentale.

Comment diable utiliser donc la méthode scientifique pour filtrer les faits importants à propos des systèmes politiques de parmi le flot continu de la connerie médiatique ? Permettez-moi donc de présenter un dialogue typique dans lequel je m’engage parfois avec mes étudiants. Un dialogue, ça a besoin des personnes. Disons que c’est un dialogue entre Prof et Étudiant.

Étudiant : Prof, que pensez-vous de cette erreur évidente de la part du président Trump d’imposer ces tarifs sur l’acier importé ?

Prof : Comment savez-vous que c’est une erreur évidente ? Qu’est-ce qui est évident dans toute cette situation, au juste ?

Étudiant : Ben, c’est ce qu’ils ont écrit chez The Economist…

Prof : Alors, c’est qui est évident pour vous est ce qui a été écrit chez The Economist, c’est ça ?

Étudiant : Non, pas tout à fait. Je me fais ma propre opinion sur la base de ce que je lis dans The Economist et dans d’autres sources ?

Prof : Bon, alors faisons une distinction de base. Vous venez de signaler deux jugements différents : évidence et opinion. Vous vous faites une opinion et si vous la percevez comme bien fondée, vous la nommez « évidence », n’est-ce pas ?

Étudiant : Oui, et alors ? Ce n’est pas correct scientifiquement ?

Prof : Regardons ça de près. Comment savez-vous que votre opinion est bien fondée ?

Étudiant : Lorsque je ne trouve plus aucune information qui contredit cette opinion.

Prof : Lorsque vous n’en trouvez plus ou bien lorsque vous n’en cherchez plus ?

Étudiant : Je cherche toujours, je suis curieux de savoir.

Prof : Si vous cherchez toujours, cela veut dire que vous ressentez le besoin d’information supplémentaire, donc que vous considérez votre jugement comme non-définitif. Si, en revanche, vous déclarez d’avoir une opinion bien fondée sur le sujet, cela veut dire que vous n’avez plus de dissonance cognitive qui vous pousserait à chercher l’information supplémentaire. L’un ou l’autre. Alors, quelle est votre position sur ces tqrifs sur l’acier, imposés par Donald Trump ? Vous les considérez comme une erreur évidente, vous avec une opinion bien fondée que c’est une erreur ou bien avez-vous une opinion non-définitive à ce propos ?

Étudiant : Qu’est-ce que je peux considérer comme évident ? Ce que j’observe empiriquement ?

Prof : C’est à peu près ça. Une question : comment savez-vous que vous observez quelque chose empiriquement ?

Étudiant : Lorsque j’observe la réalité, c’est une observation empirique.

Prof : Donnez-moi un exemple d’observation de la réalité.

Étudiant : Maintenant, nous-sommes dans cette salle de classe. C’est une observation empirique de la réalité.

Prof : Comment savez-vous que nous sommes ici et pas ailleurs ? Comment savez-vous que nous sommes ici maintenant et pas dans le passé ou dans le futur ? Comment savez-vous que c’est nous qui sommes ici et pas quelqu’un d’autre ? Comment savez-vous que c’est une salle de classe ?

Étudiant : Prof, avec tout mon respect, j’ai bien lu Bertrand Russell moi aussi. Je sais que toute proposition formulée en une langue humaine est une simplification de la réalité. Mais comment peut-on appliquer cette logique aux tarifs sur l’acier ?

Prof : Voilà qu’on arrive sur le chemin correct de raisonnement. Nous venons d’illustrer quelques principes fondamentaux de méthode scientifique. Vous pouvez les trouver, par exemple, chez Milton Friedman. Passons-les brièvement en revue. Un, tout ce que nous disons à propos de la soi-disant réalité est une hypothèse. Deux, cette hypothèse est formulée sur la base d’axiomes, soit d’hypothèses que nous ne nous emmerdons plus à prouver à chaque fois puisqu’une telle preuve est plus difficile et plus longue que tout ce qu’on pourrait faire avec. Les axiomes sont comme un marteau : pour enfoncer des clous je n’ai pas besoin de connaitre la composition exacte du métal utilisé pour la tête du marteau. Trois, à propos de tout ensemble des phénomènes observable nous pouvons formuler un nombre indéfiniment grand d’hypothèses distinctes. Trois, juste une petite fraction de parmi toutes ces hypothèses sont des propositions vérifiables ; le reste, ce sont des hypothèses spéculatives, intéressantes comme exercice intellectuel, mais pas beaucoup de plus. Quatre, la vérification d’une hypothèse consiste, très précisément, à définir les conditions sous quelles elle est définitivement fausse et non pas définitivement vraie. Il n’existe pas de preuve empirique de la véracité absolue de quelle hypothèse que ce soit. Alors, en ce qui concerne les tarifs sur l’acier, quelles sont les phénomènes le plus directement observables et encombrés de relativement la moindre dose de spéculation ?

Étudiant : Bon, j’essaie. Donald Trump a imposé des tarifs nouveaux sur l’acier ? Est-ce suffisamment objectif ?

Prof : Tout à fait. C’est tellement objectif que ça mérite un développement. C’est le président des États-Unis qui a imposé ces nouveaux tarifs, pas le Congrès. Pour être plus précis, c’est une proclamation présidentielle, un acte exécutif extrêmement flexible, dans le cadre duquel le Président reste entièrement dans le domaine de ses prérogatives discrétionnaires. En termes des relations internationales, Donald Trump a pris une position tout aussi flexible. En principe, il peut reculer ou changer les détails à tout moment. Quoi d’autre, vraiment évident, pouvez-vous observez dans cette situation ?

Étudiant : Ça emmerde le monde ? Je veux dire, les autres gouvernements protestent ?

Prof : Très bien. Nous avons donc le Président des États-Unis qui prend une position très flexible sur un point important des relations internationales et cette position provoque une tension significative dans lesdites relations. Hypothèses ?

Étudiant : C’est provocant ? Je veux dire, c’est une provocation délibérée pour pousser ces gouvernements à prendre des positions claires sur des points où ils préfèreraient rester flous, normalement ?

Prof : Possible, bonne hypothèse. Quelque chose d’autre ?

Étudiant : Il y a un enjeu caché, plus important que l’acier. Toute cette tactique d’escaler la tension est relative à cet enjeu-là ?

Prof : Très spéculatif, mais cohérent. Par « très spéculatif » je veux dire qu’il faudrait pas mal de gymnastique en termes de recherche empirique pour formuler une preuve acceptablement robuste de la véracité de cette hypothèse.

Ce petit dialogue entre le Prof et l’Étudiant montre le chemin de raisonnement scientifique à partir d’une bulle médiatique du genre « mais qu’est qu’il est en train de foutre, ce Trump ! » vers une compréhension à la fois plus pratique et plus rationnelle.

J’ai une remarque importante à faire, à ce point de mon discours. Je ne suis ni un partisan de Donald Trump ni son opposant. Le gars est intéressant, il m’intrigue et il énerve le monde. J’ai horreur de partager des hystéries collectives car lorsque je le fais, je me sens comme un con. Ce que fait Donald Trump en termes de politique est un sujet acceptablement sujet à la recherche – je veux dire qu’il y a une quantité acceptable de matériel empirique – donc je la fais, cette recherche.

Je viens de parler de la compréhension à la fois pratique et rationnelle vers laquelle j’aime conduire mes étudiants. Qu’est-ce qu’il y a de pratique dans les sciences sociales, comme dans les sciences politiques ? Eh bien, toute science est une théorie fondée sur de la recherche empirique. Cette théorie est une généralisation disciplinée de l’expérience pratique et nous pouvons l’utiliser pour prédire notre expérience future. Une science sociale, appréhendée comme une méthode scientifique, est quelque chose qui peut servir.

Imaginez que vous êtes dans l’un de ces shows à la télé, où l’hélicoptère vous dépose au milieu de nulle part et vous avez à trouver votre chemin vers un point de sauvetage. Vous devez impérativement trouver votre chemin, donc trouver des repères, tracer un parcours et se faire une idée réaliste d’effort que vous avez à fournir pour arriver à votre point B.

Une jeune personne au seuil de la vie adulte, donc un étudiant typique, est très largement dans la même situation. L’hélicoptère de l’existence dépose cette personne en un endroit juste un peu familier et ensuite il faut trouver son chemin à travers cette jungle que nous appelons « la vie ». Il est utile de trouver ses repères, donc de comprendre comment fonctionne la structure sociale autour de nous. Il est utile de se fixer consciemment des buts à poursuivre. Ces buts feraient bien d’être à la fois éthiques et réalistes, donc il est utile de comprendre la distinction pratique entre le bien et le mal dans le contexte social précis, et il est tout aussi pratique de savoir quel type d’action marche et le distinguer de ce qui ne marche pas ou bien marche juste un peu.

C’est bien mon approche dans la profession des sciences sociales : montrer comment ça marche en général, montrer les parcours typiques que les gens suivent, et finalement faire comprendre la valeur éthique et le réalisme d’actions prises sur ces parcours. Vous pouvez remarquer que je viens d’utiliser l’expression « la profession des sciences sociales ». Oui, c’est bien une profession pour moi, tout comme si j’étais un charpentier, un plombier (Polonais, sic !) ou un médecin légiste. Je suis profondément convaincu que les sciences sociales, ça doit servir à quelque chose. La physique, la chimie, la géographie – toutes ces autres disciplines scientifiques ont leur jumeaux (ou presque) sous forme d’arts d’ingénierie correspondants. En revanche, les sciences sociales, c’est un peu flou de ce point de vue. Bien sûr, elles sont appliquées – dans le monde de la politique ou celui de la finance – mais je trouve que le parcours qui mène du premier apprentissage théorique à l’application pratique est particulièrement long dans le cas de ce domaine scientifique.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher

Mon éditorial

Dans ma mise à jour du 31 Janvier (consultez « Smart cities, or rummaging in the waste heap of culture ») j’ai avancé un peu avec ce business plan pour investir dans les villes intelligentes. Voilà que je construis mon business plan autour de quatre hypothèses de travail. Un, une ville intelligente va avoir besoin de plus de masse monétaire pour financer son fonctionnement qu’une ville « ordinaire », afin de pourvoir à l’incertitude découlant d’une dépréciation accélérée des technologies installées sur place. Deux, la construction et la mise à jour de l’infrastructure d’une ville intelligente va s’associer, au moins périodiquement, à une consommation plus élevée d’énergie par tête d’habitant et ceci, encore une fois, dû à la nécessité de remplacement fréquent des technologies à cycle de vie très court. Trois, le développement des villes intelligentes va entraîner une accumulation des populations locales autour de sources d’énergie. Quatre, dû à la présence de plus de masse monétaire par unité de produit réel, les villes intelligentes vont engendrer des structures sociales plus hiérarchisées que les villes « ordinaires », avec une distance croissante entre la base et le sommet de la pyramide sociale.

Deux remarques s’imposent. Premièrement, pourquoi diable formuler des hypothèses pour construire un business plan ? Après tout, c’est du business, pas de la science, et je pourrais bien être en train de confondre les genres. Ma philosophie est simple sur ce point-là : tout business plan digne de ce nom devrait contenir une analyse poussée de l’environnement et l’analyse en question ne peut que gagner en valeur si on formule des hypothèses bien ciblées. En plus, tout investissement qui implique une course technologique rapide implique aussi beaucoup d’incertitude, que je peux réduire en formulant des scénarios alternatifs d’évènements. Les hypothèses, ça tombe bien lorsque je veux des scénarios : le scenario A implique la véracité desdites hypothèses pendant que le scenario B assume qu’elles sont fausses.

Deuxièmement, je me casse la tête comment appeler des structures urbaines qui ne sont pas des villes intelligentes. Par pure opposition, je pourrais me référer à des villes « bêtes », encore que ça pourrait sonner bête en soi-même. Pour le moment j’utilise donc le terme de ville « ordinaire » mais je serais reconnaissant pour toute suggestion linguistique à ce sujet.

Bon, j’en viens à l’essentiel de cette mise à jour : comment pouvons-nous expérimenter avec les technologies qui font l’ossature d’une ville intelligente ? C’est une question pratique. Si je veux convaincre une entreprise d’investir dans un projet de ville intelligente, c’est un investissement en technologie, qui, à son tour, se caractérise par un certain cycle de vie. C’est une composante tout à fait élémentaire de stratégie pour quiconque s’engage dans un projet à haute cadence d’innovation : si aujourd’hui j’investis 5 millions d’euros dans une technologie de transport urbain intelligent, quand est-ce que viendra le moment de la remplacer et comment dois-je diriger ma recherche pour être prêt à temps avec la nouvelle version ? Si je veux convaincre quelqu’un d’investir dans un tel projet, un sentier d’expérimentation pour développer ces technologies serait certainement attractif.

Une expérience scientifique est un modèle réduit de réalité où je teste des hypothèses que je ne peux pas tester autrement. D’habitude ce sont des hypothèses quant au déroulement exact d’une séquence d’évènements. Ces hypothèses-là sont comme des zooms sur des fragments d’hypothèses générales d’un projet de recherche. Ce que j’essaie de faire, en ce moment précis, consiste à traduire mes hypothèses générales en des lignes d’expérimentation et, en parallèle – à trouver une application pratique de ces expériences pour le développement des technologies de ville intelligente. Ma première hypothèse générale dit que le développement d’une ville intelligente va créer une demande accrue de masse monétaire. J’ai deux associations d’idées, immédiates et pratiques. D’abord, le FinTech : cette hypothèse générale se traduit, au niveau business, comme l’assertion que les projets FinTech vont se développer plus rapidement dans le cadre des villes intelligentes qu’ailleurs. Ensuite, le bilan : la seconde traduction pratique suppose que les entreprises engagées dans les projets de ville intelligente auront des actifs significativement plus liquides que les entreprises qui restent en dehors de tels projets, autres facteurs tenus constants.

Si je m’engage dans cette ligne d’expérimentation, il serait bon d’avoir un modèle réduit de transactions financières qui ont lieu dans un environnement de ville intelligente. J’imagine des environnements sociaux différents : un environnement urbain avec beaucoup de technologies digitales connectées au fonctionnement d’infrastructure urbaine, puis un environnement toujours grand-urbain mais nettement mois infus des solutions type « smart city », et à côté de ces deux un environnement typiquement provincial, par exemple celui d’une petite ville. Dans chacun de ces environnements j’observe le développement des micromarchés locaux de Fintech ainsi que les bilans des entreprises actives dans les mêmes marchés locaux. Question : quelle serait la différence entre l’environnement expérimental d’une part et une simple observation de marché d’autre part ? Je veux dire qu’à la rigueur je peux observer la demande pour des services FinTech à travers cet outil appelé « moteur comportemental » – ou « behavioural engine » en anglais – qui observe le comportement d’utilisateurs d’Internet. De même, simple audit comptable périodique peut me donner des informations requises au sujet des bilans. Dans les deux cas, il n’y a pas de besoin impératif de mettre au point une ligne d’expérimentation.

La différence entre une expérience scientifique et la simple observation peut être de double nature. Premièrement, une expérience peut être plus efficace que l’observation dans la mesure où elle fournit des informations plus rapidement et/ou à moindre coût. Une expérience peut donc être un raccourci précieux par rapport à la vie réelle. Deuxièmement, une expérience peut me permettre d’imposer à mon objet expérimental des conditions plus extrêmes que celles de la vie réelle. Côté efficacité, une expérience au sujet de demande pour des services FinTech pourrait se concentrer sur le mécanisme de choix de la part des consommateurs lorsqu’ils sont confrontés à un moment de décision. Une autre idée est le type d’expérience bien connue, par ailleurs, dans le monde des technologies digitales : confronter un groupe d’utilisateurs avec un groupe d’ingénieurs. Les utilisateurs imposent aux ingénieurs un effort constant d’innovation en effectuant des choix en séquence. Chaque choix fait par chacun des utilisateurs est une pièce d’information pour chacun des ingénieurs. Un ingénieur donné réagit au flux d’information par un flux de travail qui résulte en un choix nouveau présenté aux utilisateurs. Leurs choix individuels se somment en un flux nouveau d’information pour les ingénieurs etc.

Disons qu’un groupe de 100 personnes est confronté avec une situation où ils ont une somme de €1000 à allouer parmi des types d’épargne et/ou investissement plus, par exemple, une option d’acheter à l’avance, à un prix attractif, un voyage de vacances ou un paquet des billets de théâtre. Les consommateurs font leur choix – ils allouent leurs €1000 respectifs parmi les options accessibles – et maintenant les ingénieurs ont pour tâche de mettre au point et proposer à chacun des consommateurs une utilité digitale FinTech la mieux adaptée possible aux besoins déduits des choix antérieurs. Chaque ingénieur propose aux consommateurs sa solution originale et chaque consommateur choisit – entre toutes les solutions présentées – celle ou celles qui lui va (vont) le mieux. Ensuite, ou bien en parallèle, nous observons la façon dont les consommateurs utilisent les solutions proposées : le temps passé en face de l’écran, nombre des clicks, séquence d’actions, nombre des pas ratés suivis des pas en arrière etc. Les ingénieurs ont la possibilité d’observer le comportement des consommateurs ou bien reçoivent des rapports là-dessus. Leur tâche consiste alors à optimiser les solutions sélectionnées et de présenter aux consommateurs des prototypes optimisés de seconde génération et ainsi de suite. Bien sûr, au lieu de mettre en compétition des ingénieurs individuels on peut établir des groupes de travail rivaux.

Ce type d’expérience est, pour autant que je sache, pratiqué souvent dans l’industrie informatique. L’idée originale consiste, cette fois, à ajouter un méta niveau d’expérimentation : observer et documenter l’interaction entre les consommateurs et les ingénieurs pour tirer des conclusions sur le processus-même d’innovation. Une expérience comme celle-là serait une version accélérée d’un marché. L’interaction entre les utilisateurs et les ingénieurs, qui dans les conditions d’un marché réel des produits digitaux peut se dérouler sur des années est accélérée et prend, par exemple, des semaines. La différence pratique entre l’environnement expérimental et le monde réel consiste dans l’absence des barrières dans l’échange d’information, habituellement rencontrés dans la pratique du marché. Si je suis un expérimentateur vraiment tenace (vraiment vache ?), je peux simuler ce qui se passe si j’ajoute ces barrières dans le processus. Je peux, par exemple, ajouter un rapporteur intermédiaire entre les consommateurs et les ingénieurs et tester l’impact de sa présence sur le déroulement du processus d’innovation. Ce rapporteur ne doit même pas être un humain : ça peut être un logiciel qui filtre les informations d’une manière biaisée. Avec un peu d’astuce, je peux utiliser cette expérience pour optimiser des structures sociales pour innovation.

Quand j’y pense, cette philosophie d’expérimentation peut être appliquée partout dans l’informatique et pas seulement dans le FinTech. La question essentielle à laquelle répond ce type d’expérimentation est « Combien de temps avons-nous réellement besoin pour mettre au point des solutions nouvelles et comment ce temps peut être modifié par la présence ou l’absence des facteurs de distorsion ? » Zut, je commence à voir plus large. Ça peut faire presque mal, parfois. Je peux utiliser ce cadre d’expérimentation pour toute technologie où, premièrement, il est possible de mettre les utilisateurs et les ingénieurs en boucle de rétroaction, et deuxièmement, où ladite boucle reviendra relativement pas cher.

Ceux parmi vous qui ont bien voulu suivre mon activité de blogger sur l’année dernière ont probablement vu que mon objectif est de créer de la science de bonne qualité, neuve ou presque. Sur mon chemin vers la création d’un site éducatif payant je passe par le stade de financement participatif. Voici le lien hypertexte de mon compte sur Patreon . Si vous vous sentez prêt à cofinancer mon projet, vous pouvez vous enregistrer comme mon patron. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon projet de création de site éducatif ?

Quatorze mâles avec le gène Fintech

Mon éditorial

Je continue à préciser mon champ de recherche pour 2018. Je sais déjà que je me concentre sur quatre domaines, partiellement liées l’une à l’autre : les villes intelligentes, le Fintech, les énergies renouvelables et le phénomène d’intelligence collectives. Je sais qu’à part la recherche proprement dite, je veux développer un produit pédagogique où j’enseignerai les sciences sociales par le moyen d’engager mes clients-étudiants dans ma propre recherche. Je sais aussi que cet enseignement aura pour base l’observation et l’analyse empirique des variables suivantes : densité de population, croissance démographique, prix de l’immobilier, la taille des soldes et des flux du Fintech comme pourcentage du PIB, la consommation finale de l’énergie, la part d’énergies renouvelables dans ladite consommation finale, l’amortissement agrégé d’actifs fixes comme pourcentage du PIB et finalement le développement des institutions que je juge significatives pour étudier le phénomène d’intelligence collective.

Je suis d’humeur exploratrice et je combine des différentes sortes de données empiriques. Je prends donc le rapport sur l’industrie Fintech par PWC , intitulé « Global FinTech Report 2017. Redrawing the lines: FinTech’s growing influence on Financial Services ». En général, le rapport présente les résultats d’une enquête conduite par Pricewaterhouse Coopers parmi les entreprises liées directement ou indirectement à la finance. Voilà que je trouve un graphique à la page 7. C’est le graphique no. 6, qui montre la distribution de deux variables :

  1. Le pourcentage des compagnies enquêtées, couramment engagées dans des partenariats avec les compagnies Fintech
  2. Le pourcentage des compagnies enquêtées qui espèrent d’accroître leur participation dans des partenariats avec les compagnies Fintech dans les 3 – 5 années à venir

Je reproduis le contenu de ce graphique 6 dans Tableau 1, ci-dessous. Comme je suis en train de me lancer dans la carrière d’un pédagogue en ligne (pédagogue aligné ?), j’ai envie de faire un peu de travail pédagogique avec ces données. Je suis mes envies et je suis dans ma foulée et je vous revois à l’autre bout du Tableau 1, un peu plus loin ci-dessous.

Tableau 1

Pays Pourcentage des compagnies enquêtées couramment engagées dans des partenariats avec les compagnies Fintech Pourcentage des compagnies enquêtées qui espèrent d’accroître leur participation dans des partenariats avec les compagnies Fintech dans les 3 – 5 années à venir
Allemagne 70% 78%
Belgique 69% 81%
Pays-Bas 65% 85%
Australie et Nouvelle Zelande 64% 83%
Afrique du Sud 63% 96%
Canada 62% 88%
Finlande 62% 100%
Singapore 62% 89%
Suisse 59% 82%
Indonésie 55% 94%
Fédération Russe 54% 74%
Etats Unis 53% 88%
Taiwan 52% 68%
Argentine 50% 83%
France 45% 90%
Monde – moyenne 45% 82%
Pologne 44% 64%
Royaume Uni 44% 81%
Hongrie 43% 74%
Inde 42% 95%
Luxembourg 42% 83%
Italie 41% 84%
Chine continentale 40% 68%
Irlande 40% 71%
Hong Kong SAR 37% 82%
Danemark 36% 81%
Mexique 31% 81%
Brésil 30% 72%
Japon 30% 91%
Colombie 25% 93%
Turquie 22% 76%
Corée du Sud 14% 76%

Source : https://www.pwc.com/gx/en/industries/financial-services/assets/pwc-global-fintech-report-2017.pdf dernier accès 26 Janvier 2018

Bon, allons-y avec l’analyse. Tout d’abord, essayons de comprendre ce que le poète a bien voulu dire. En l’occurrence, le poète c’est la société de conseil Pricewaterhouse Coopers et le poème c’est la signification de ces deux pourcentages. Un pourcentage est la fréquence avec laquelle quelque chose survient. Prenons l’échantillon complet des compagnies enquêtées par PwC. Dans cet échantillon, certaines compagnies sont couramment engagées dans des partenariats avec les compagnies Fintech, pendant que d’autres ne le sont pas. C’est comme un gène dans l’ADN d’une entité vivante. Ça peut être branché ou débranché, ce que nous pouvons noter mathématiquement comme, respectivement, 1 ou 0. La même chose pour ce second pourcentage : celui des compagnies enquêtées qui espèrent d’accroître leur participation dans des partenariats avec les compagnies Fintech dans les 3 – 5 années à venir. Encore une fois, c’est un gène qui peut être en position active (1) ou passive (2). Nous avons donc deux gènes distribués dans la population générale d’entités interviewées par PwC et deux variables digitales, notées sur une échelle discrète binomiale {0, 1}. Du point de vue mathématique, le truc le plus immédiat que je peux faire avec une variable binomiale consiste à dresser une distribution binomiale classique de Bernoulli ou bien une distribution Bayésienne. Du point de vie cognitif, si j’ai quelque chose qui ressemble à un code génétique, je me pose deux questions : est-ce que ce que j’ai devant mes yeux est un code complet ou juste le fragment d’un tel code et, d’autre part, comment ce code (fragment de code) peut bien se transmettre de génération en génération ?

Je développe, d’abord, sur la méthode génétique, pour aller ensuite vers les maths des distributions binomiales. Est-ce que le contenu du Tableau 1 reflète un code génétique complet ou est-ce juste le fragment d’un code ? Intuitivement je peux dire, et ceci avec beaucoup de certitude, que c’est juste un fragment. Les entreprises et les institutions financières ont beaucoup plus des caractéristiques importantes à part ces deux traits exprimés dans l’enquête. Si j’ai juste le fragment du code génétique d’un dinosaure, le truc vraiment chouette est de découvrir les gènes manquants et de reconstruire l’ADN en entier. Est-ce un carnassier féroce, partant pour une carrière hollywoodienne, ou bien est-ce un herbivore paisible, fait tout au plus pour des rôles de second plan ? Tableau 1 m’inspire à chercher les gènes manquants qui font : a) une organisation engagée en partenariat avec un fournisseur de technologie Fintech b) une organisation qui envisage un accroissement de participation dans un tel partenariat.

Dans la recherche de ces gènes frappants par leur absence, un peu de logique peut servir. Si je compare les valeurs numériques dans les deux colonnes de tableau 1, le pourcentage dans la colonne de droite est toujours plus grand que celui dans la colonne de gauche. Le gène de droite est enclenché plus fréquemment que le gène de gauche et j’écris ceci sans l’ombre d’une allusion politique. Logiquement, il peut y avoir quatre cas de figure. Premièrement, une compagnie peut être déjà engagée dans un partenariat avec un fournisseur Fintech et « accroître la participation » a un sens littéral. C’est le cas de deux gènes enclenchés en même temps. Notons-le comme FH(t) = 1 et FHe(t) = 1. Le symbole FH(t) veut la présence ou l’absence de partenariat Fintech au moment donné t; par analogie, FHe(t) symbolise la présence ou l’absence des plans d’accroître la participation. Le « e » en registre de bas est une référence sentimentale au terme « espéré » dans les sciences économiques. Deuxièmement, une organisation n’a pas de tel partenariat dans son portefeuille d’affaires et « accroître » veut dire « démarrer de zéro ». Là, le gène FH(t) est dans la position FH(t) = 0 et le gène FHe(t) est enclenché en FHe(t) = 1.  Troisièmement, une compagnie est déjà engagée dans un tel partenariat et elle se sent repue avec, sans stratégie d’accroissement de participation, donc j’ai FH(t) = 1 et FHe(t) = 0. Finalement, il peut y avoir des cas de FH(t) = 0 et FHe(t) = 0 donc pas de partenariat et pas de plans.

Je passe au mécanisme de transmission génétique. Le Fintech est un phénomène d’origine récente. En termes d’ADN du business, c’est une mutation. Elle a pu avoir lieu de deux façons distinctes : soit comme le réveil d’un gène récessif, longtemps assoupi, soit comme une mutation spontanée complètement nouvelle. Quoi qu’il en soit, ces pourcentages dans le tableau 1 ont tous une histoire : leurs valeurs respectives reflètent l’état courant des processus qui les ont créés. Si dans mon pays, la Pologne, 44% d’institutions enquêtées déclarent avoir un partenariat avec un fournisseur Fintech, je peux être presque certain qu’avant ça il y avait un moment avec 34%, encore plus tôt il y en avait un marqué par 24% et ainsi de suite. Toute histoire est une concurrence des séquences différentes qui produisent des évènements différents. Je veux dire qu’il y a quelques 4 155 000 entreprises en Pologne, dont à peu près 33 000 (8%) sont suffisamment grandes pour penser de créer des partenariats Fintech. Quarante-quatre pourcent de 33 000 fait 14 520 entités. Je peux appliquer la même logique à la France. Selon INSEE en mars 2017 il y avait 4 226 488 entreprises en France et en gardant les mêmes proportions j’assume que dans cette population générale quelques 0,8% – soit 33 600 – sont de taille suffisante pour s’engager dans des partenariats Fintech. Tableau 1 me dit que 45% de parmi eux sont effectivement engagés dans de tels partenariats, ce qui fait 15 100 entités. Un autre pays, la Belgique, en tête de liste en termes de fréquence des partenariats Fintech. La Belgique, c’est une population d’à peu près 210 000 entreprises et j’applique le même calcul à cette population. Le noyau dur des grands costauds, capables de s’engager dans des partenariats Fintech : 0,8% de la population générale fait 1682 entités et les 69% indiqués dans tableau 1 fait 1 160.

Je viens d’estimer, très grossièrement, il est vrai, trois populations nationales d’entreprises engagées dans des partenariats Fintech : Pologne, France, Belgique. Si je veux reconstruire leur génome complet, je peux suivre les types d’histoires individuelles qui les ont amenés à former de tels partenariats. Ensuite, je pourrai me demander comment ces types de biographies d’affaires ont bien pu se reproduire dans 69% des cas enquêtés en Belgique et seulement dans 45% en France. Quel est le mécanisme qui a bâti ces pourcentages et ces populations d’entreprises ? Bien sûr, la question reste ouverte. Encore, j’ai une bonne occasion pour montrer les traits distinctifs de la méthode évolutionniste, que je viens de suggérer fortement à travers cette métaphore de gènes. J’ai déjà mentionné dans l’une de mes mises à jour précédentes, celle intitulée “Une courbe élégante en « S » aplati” , que le modèle classique pour simuler la propagation d’une nouvelle technologie est celui de la contagion, qui est la reproduction d’un organisme, pas la propagation d’un gène. Si je veux appliquer la logique évolutionniste, j’ai besoin d’une optique légèrement différente. L’histoire approchée en des termes évolutionnistes est une séquence de générations, dont la succession repose sur la reproduction sexuée. Il y a des entités mâles et des entités femelles. Le mâle ici c’est l’entité qui donne l’information sur le concept de finance à pratiquer et la femelle c’est le capitaliste – individuel ou institutionnel – qui finance l’application de l’idée. Supposons que le Fintech est une mutation. A l’aube de temps il n’y avait que des mâles sans gène Fintech et à un certain moment – faute d’une meilleure idée disons que c’était le 3 janvier 2009, la date départ de Bitcoin – quatorze mâles avec le gène Fintech étaient apparus, qui étaient les 14 premières adresses enregistrées dans le réseau. Le 17 août 2010, le Bitcoin a eu sa première cotation en dollars américains, donc c’est à ce moment-là que la reproduction capitaliste de l’idée a commencé. A l’époque il y avait quelque 300 – 500 adresses dans le réseau. Question (apparemment) bête : comment une mutation spontanée avait-elle pu se propager de 14 adresses jusqu’atteindre 300 ? En retournant à mes populations d’entreprises, et en passant (momentanément) sur l’exactitude de ces estimations, si je veux étudier ces populations en des termes génétiques et évolutionnistes, j’ai besoin d’une donnée importante : quelle génération consécutive avons-nous devant nos yeux ? Ces populations représentent-elles la première génération des porteurs du gène FH(t) = 1 ou bien sont-elles des descendants de ladite première génération ?

Maintenant, je change de sujet. Ceux parmi vous qui ont bien voulu suivre mon activité de blogger sur l’année dernière ont probablement vu que mon objectif est de créer de la science de bonne qualité, neuve ou presque. Sur mon chemin vers la création d’un site éducatif payant je passe par le stade de financement participatif. Voici le lien hypertexte de mon compte sur Patreon . Si vous vous sentez prêt à cofinancer mon projet, vous pouvez vous enregistrer comme mon patron. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon projet de création de site éducatif ?

Qu’est-ce que ça fait d’être mon propre étudiant, avec Python

Mon éditorial

Je pense à deux choses. Enfin, oui, évidemment, je pense à plus que juste deux choses, mais c’est un tour de phrase qui est censé indiquer une pluralité dans la ligne de mon discours. Je pense des nombres et je pense en termes de structure logique pour un article ou un livre. D’une part, je continue de me demander comment je pourrais formuler des hypothèses, pour ma propre recherche à propos d’énergies renouvelables, suivant la logique mathématique de Thomas Bayes. D’autre part, j’ai l’impression que le temps est venu de traduire la recherche que j’ai effectuée durant les 4 – 5 dernières semaines en une forme plus canonique qu’un blog : un article ou bien l’esquisse d’un livre. En fait, quand j’y pense, l’un se joint à l’autre et en plus, il y a un troisième fil de pensée qui lève sa tête : la traduction de ces régressions linéaires dont j’ai déjà fait autant en des hypothèses Bayésiennes. Ah bon, y’en a un quatrième, aussi ? C’était évident : mon quatrième fil de pensée est celui d’un prof. Quand je fais de la recherche et quand je travaille sur la présentation de cette recherche de façon à la rendre intelligible, je peux en profiter pour donner un cours. Un cours de quoi, vous demanderez ? Eh bien, c’est un cours de ce que je suis en train de faire. Quand je réussis à expliquer la méthode que j’applique à un problème particulier, et quand cette explication est suffisamment simple et claire pour être comprise par mes étudiants, c’est comme si j’avais écrit un chapitre de manuel de sciences sociales.

Là, il y a encore un petit détail : pour être un bon prof, il est utile de se placer dans la situation d’un étudiant, donc de quelqu’un qui essaie d’absorber des connaissances complètement nouvelles et, avec de la chance, de développer des compétences personnelles sur cette base. Comment puis-je être un étudiant et un prof en même temps ? C’est relativement simple. Premièrement, il faut d’être déjà d’un certain âge qui est une classe spécifique dans le cadre plus large de l’âge certain et l’âge certain, pour moi, ça se compte à partir du 9 mai 1968. Deuxièmement, il faut avoir une progéniture douée, qui, dans mon cas, est mon fils qui commence sa troisième année de licence en informatique. Pour moi, être étudiant, ça veut dire apprendre Python. Pour les complètement non-initiés, Python est une langue de programmation, réputée pour être particulièrement utile dans l’analyse des données et dans la programmation d’intelligence artificielle. Ma propre intelligence, elle commence à prendre un coup de vieux, donc il est logique que j’essaie de m’en faire une artificielle. J’ai une dent en composite céramique, je peux aussi bien avoir une prothèse d’intelligence en Python. Pour les initiés, premièrement, j’implore votre compréhension pour mes tourmentes de néophyte, et deuxièmement je spécifie que lesdites tourmentes surviennent en contact avec Python 3.6.1.

Bon, j’essaye d’être logique. L’hypothèse générale que j’avais déjà avancé dans mon dernier article et que j’ai bien l’intention de maintenir est que les changements technologiques possibles à observer dans l’économie mondiale surviennent comme un processus d’adaptation intelligente en vue de maximiser l’absorption d’énergie par l’espèce humaine. L’adaptation intelligente veut dire un processus où des générations consécutives d’organismes sont produites et chaque génération est conçue par une sélection entre des organismes mâles et des organismes femelles. Cette sélection a lieu suivant une fonction de préférence, qui, à son tour, crée des hiérarchies sociales parmi les mâles et les femelles. Quel contexte que je prenne pour cette hypothèse générale, énergies renouvelables ou Ferraris stylisés en vieilles Citroën, ça se résume à une séquence des choix. Mes choix, je peux les appréhender de trois façons différentes : déterministe, probabiliste façon De Moivre – Laplace, ou bien probabiliste façon Bayésienne.

Un choix déterministe est celui où le fait de choisir une option donnée résulte toujours et inévitablement en une conséquence donnée. Le choix est alors la cause et ses conséquences sont l’effet. Si je pythonne ça, façon néophyte, ça donne plus ou moins :

>>> choix_déterministe=[‘option A’, ‘option B’, ‘option C’]

>>> conséquences_déterministes=[‘effet 1’, ‘effet 2’, ‘effet 3’]

>>> if choix_déterministe [0]:

            conséquences_déterministes [0]

            if not choix_déterministe [0]:

                       conséquences_déterministes [1] or conséquences_déterministes [2]

Vous pouvez remarquer que j’ai été bien paresseux, là : j’ai réduit un choix multiple entre trois options A, B, C à une dichotomie aristotélicienne de forme « A ou bien non-A ». Un mot de clarification s’impose à propos de la notation. Dans cette version de Python que j’utilise, le premier argument d’un string (je sais, c’est rigolo, mais si vous avez l’intention de rire chaque fois que je mentionne un string, ce n’est pas bientôt que vous allez arrêter, avec Python) c’est l’argument [0], le second c’est [1] et ainsi de suite.

Si je veux développer mon choix déterministe bien comme il faut, sans esquives aristotéliciennes, ça aurait l’air comme ci-dessous :

>>> choix_déterministe=[‘option A’, ‘option B’, ‘option C’]

>>> conséquences_déterministes=[‘effet 1’, ‘effet 2’, ‘effet 3’]

>>> if choix_déterministe [0]:

            conséquences_déterministes [0]

            if not choix_déterministe [0]:

                       if choix_déterministe [1]:

                                   conséquences_déterministes [1]

                                   if not choix_déterministe [1]:

                                               conséquences_déterministes [2]

Il faut bien que vous sachiez que ces séquences de commandes en Python 3.6.1 que je place ici sont celles que le compilateur a accepté comme valides, c’est-à-dire après les avoir validées avec un « Enter » je n’ai pas eu un de ces messages irritants genre « Invalid syntax ». En revanche, je n’en sais que dalle comment ces séquences vont travailler dans un algorithme sérieux. J’y vois une métaphore intéressante, par ailleurs. Nos choix peuvent être évalués selon la façon dont ils se présentent aux autres – c’est-à-dire les gens se demandent si nos choix sont élégants – ou bien on peut se demander de quelle façon ces choix peuvent s’insérer dans la vie réelle.

Le choix déterministe est bien primitif comme concept scientifique, mais il est bon de se souvenir que c’est précisément comme ça que nous pensons. Dans la grande majorité des cas, nous décidons tout en étant convaincus que notre choix va apporter des conséquences bien déterminées. La probabilité c’est quelque chose dont nous prenons connaissance après fait. Si je retourne donc au vieux concept du déterminisme technologique façon Karl Marx, la façon la plus élémentaire de le représenter en Python serait :

>>> choix_technologique=[‘technologie A’, ‘technologie B’, ‘technologie C’]

>>> conséquences_sociales=[‘structure sociale X1’, ‘structure sociale X2’, ‘structure sociale X3’]

>>> if choix_technologique [0]:

            conséquences_sociales [0]

            if not choix_technologique [0]:

                       if choix_technologique [1]:

                                   conséquences_sociales [1]

                                   if not choix_technologique [1]:

                                               conséquences_sociales [2]

#Test

>>> choix_technologique [2]

#produit >>> ‘technologie C’

Encore une fois, ce schéma représente plutôt la façon dont nous pensons que la façon dont les choses marchent.  Si je veux représenter les évènements comme ils se passent, je peux, par exemple, imaginer deux ensembles : un ensemble d’occurrences et un ensemble des probabilités. Ensuite, je les associe avec une règle simple « Si l’évènement A survient, l’évènement B va suivre avec une probabilité de 10%, mais à part ça, on ne sait pas trop ». En Python, ça ferait :

>>> occurences=[‘technologie A amène la structure sociale X1’, ‘structure sociale X1 favorise technologie A’, ‘technologie A amène structure sociale X2’, ‘technologie A amène structure sociale X3’]

>>> probabilités=[‘0.1’, ‘0.2’, ‘0.3’, ‘0.4’, ‘0.5’]

>>> if occurences [1]:

        probabilités [0]

        if not occurences [1]:

                probabilités [1] or probabilités [2] or probabilités [3] or probabilités [4]

C’est bien marrant d’être mon propre étudiant. Je sais déjà que si un étudiant doit comprendre quoi que ce soit de mes classes, il doit avoir ses propres structures logiques pour représenter ce que je lui dis, un peu comme son propre Python. Ensuite, il est important que cette structure logique qui nous sert à comprendre la réalité soit fonctionnelle, c’est-à-dire qu’elle fasse quelque chose. Des associations insuffisamment ancrées ne marcheront pas. Je l’illustre avec Python. J’imagine l’association d’une paire de personnes, associée avec une paire des technologies. Chacune des deux personnes a des préférences, exprimées comme des nombres des points assignés à chaque technologie. En Python, ça se présente comme ceci :

>>> préfèrences={‘Personne A’: {‘technologie 1’: 4, ‘technologie 2’: 3}, ‘Personne B’: {‘technologie 1’: 10, ‘technologie 2’: 12}}

Mon compilateur Python a avalé cette expression sans protester. Côté définition, c’est correct. Maintenant, je fais un petit test : j’écris ‘Personne A’ dans une ligne de compilateur. Il me rend le même, c’est-à-dire l’expression ‘Personne A’. J’écris ‘Personne A’ ‘technologie 1’ et j’obtiens ‘Personne Atechnologie 1’ de la part de mon compilateur. Réaction nihiliste, mais compréhensible. Si je n’établis pas une fonction qui transforme les personnes ou bien les technologies en des scores numériques, l’association d’idées en elle-même n’a pas de valeur.

Toute cette tirade a pour but d’expliquer que l’approche déterministe d’un côté et la probabiliste de l’autre ne s’excluent pas mutuellement. La réalité en tant que telle est une fonction qui transforme un ensemble de phénomènes en un autre ensemble de phénomènes. Nous, les humains, on perçoit comme des fragments de cette fonction et de premier abord, nous faisons des associations du type déterministe. Chaque déterminisme est en fait une espérance, plus ou moins élaborée, à propos de la façon dont marche la réalité. Avec de la chance, on gagne la possibilité d’observer ladite réalité et de tracer des probabilités associées à nos espérances. Lorsque j’essaie de comprendre pourquoi, aux alentours de 2007 – 2008 le taux de croissance du marché mondial d’énergies renouvelables avait tout à coup dépassé le taux de croissance de consommation totale d’énergie, c’est comme si j’écrivais plusieurs expressions alternatives en Python et ensuite, je teste en deux pas. Le premier pas, c’est la logique. Si, après avoir validé mon expression avec un « Enter », mon compilateur Python attend patiemment mon prochain pas, sans s’écrier « Erreur ! », cela veut dire que j’ai réussi le premier test. Le deuxième pas, c’est de mettre cette expression acceptable dans un contexte, comme un algorithme, ou même une simple commande tapée dans le compilateur et regarder si, premièrement, il y a quelle réaction que ce soit et, deuxièmement, si cette réaction semble utile.