Les 2326 kWh de civilisation

Mon éditorial sur You Tube

Je reviens à ma recherche sur le marché de l’énergie. Je pense que l’idée théorique a suffisamment mûri. Enfin j’espère.

Dans un marché donné d’énergie il y a N = {i1, i2, …, in} consommateurs finaux, M = {j1, j2, …, jm} distributeurs et Z = {k1, k2, …, kz} fournisseurs primaires (producteurs). Les consommateurs finaux se caractérisent par un coefficient de consommation individuelle directe EC(i). Par analogie, chaque distributeur se caractérise par un coefficient de quantité d’énergie négociée EN(j) et chaque fournisseur primaire se caractérise par un coefficient individuel de production EP(k).

Le marché est à priori ouvert à l’échange avec d’autres marchés, aussi bien au niveau de la fourniture primaire d’énergie qu’à celui du négoce. En d’autres mots, les fournisseurs primaires peuvent exporter l’énergie et les distributeurs peuvent aussi bien exporter leurs surplus qu’importer de l’énergie des fournisseurs étranger pour balancer leur négoce. Logiquement, chaque fournisseur primaire se caractérise par une équation EP(k) = EPd(k) + EPx(k), où EPd signifie fourniture primaire sur le marché local et EPx symbolise l’exportation de l’énergie.

De même, chaque distributeur conduit son négoce d’énergie suivant l’équation EN(j) = ENd(j) + EI(j) + ENx(j)ENx symbolise l’énergie exportée à l’étranger au niveau des relations entre distributeurs, EI est l’énergie importée et ENd est l’énergie distribuée dans le marché local.

L’offre totale OE d’énergie dans le marché en question suit l’équation OE = Z*[EPd(k) – EPx(k)] = M*[ENd(j) + EI(j) – ENx(j)]. Remarquons qu’une telle équation assume un équilibre local du type marshallien, donc le bilan de l’offre d’énergie et de la demande pour énergie se fait au niveau microéconomique des fournisseurs primaires et des distributeurs.

La consommation totale ET(i) d’énergie au niveau des consommateurs finaux est composée de la consommation individuelle directe EC(i) ainsi que de l’énergie ECT(i) consommée pour le transport et de l’énergie incorporée, comme bien intermédiaire ECB(i), dans les biens et services finaux consommés dans le marché en question. Ainsi donc ET(i) = EC(i) + ECT(i) + ECB(i).

La demande totale et finale DE d’énergie s’exprime donc comme

N*ET(i) = N*[EC(i) + ECT(i) + ECB(i)]

et suivant les assomptions précédentes elle est en équilibre local avec l’offre, donc

Z*[EPd(k) – EPx(k)] = N*[EC(i) + ECT(i) + ECB(i)]

aussi bien que

M*[ENd(j) + EI(j) – ENx(j)] = N*[EC(i) + ECT(i) + ECB(i)].

Avant que j’aille plus loin, une explication. Pour le moment j’assume que les coefficients individuels mentionnés plus haut sont des moyennes arithmétiques donc des valeurs espérées dans des ensembles structurées suivant des distributions normales (Gaussiennes). C’est une simplification qui me permet de formaliser théoriquement des « grosses » idées. Je pense que par la suite, j’aurai à faire des assomptions plus détaillées en ce qui concerne la distribution probabiliste de ces coefficients, mais ça, c’est pour plus tard.

Ça, c’était simple. Maintenant, le premier défi théorique que je perçois consiste à exprimer cette observation que j’avais faite il y a des mois de ça : les pays les plus pauvres sont aussi le moins pourvus en énergie. Au niveau du bilan énergétique la pauvreté se caractérise soit, carrément, par la quasi-absence de la consommation d’énergie niveau transport et niveau énergie incorporée dans les biens et services, soit par une quantité relativement petite dans ces deux catégories. C’est à mesure qu’on grimpe les échelons de richesse relative par tête d’habitant que les coefficients ECT(i) et ECB(i) prennent de la substance.

La seconde observation empirique à formaliser concerne la structure de la fourniture primaire d’énergie. Dans les pays les plus pauvres, l’énergie primaire est très largement fournie par ce que l’Agence Internationale d’Énergie définit élégamment comme « combustion des bio fuels » et qui veut tout simplement dire qu’une grande partie de la société n’a pas d’accès à l’électricité et ils se procurent leur énergie primaire en brûlant du bois et de la paille. Formellement, ça compte comme utilisation d’énergies renouvelables. Le bois et la paille, ça repousse, surtout cette dernière. Encore faut se souvenir que ce type d’énergétique est renouvelable au niveau de la source d’énergie mais pas au niveau du produit : le processus relâche du carbone dans l’atmosphère sans qu’on ait une idée vraiment claire comment faire retourner ce génie dans la lampe. La morale (partielle) du conte des fées est que lorsque vous voyez des nombres agrégés qui suggèrent la prévalence d’énergies renouvelables en Soudan du Sud, par exemple, alors ces renouvelables c’est du feu de paille très littéralement.

La différence empirique entre ces pays les plus pauvres et ceux légèrement plus opulents réside dans le fait que ces derniers ont un réseau de fourniture primaire d’électricité ainsi que de sa distribution et ce réseau dessert une large partie de la population. Ce phénomène se combine avec une percée originale d’énergies renouvelables dans les pays en voie de développement : des populations entières, surtout des populations rurales, gagnent l’accès à l’électricité vraiment 100% renouvelable, comme du photovoltaïque, directement à partir d’un monde sans électricité. Ils ne passent jamais par la phase d’électricité fournie à travers des grosses infrastructures industrielles que nous connaissons en Europe.

C’est justement la percée d’électricité dans une économie vraiment pauvre qui pousse cette dernière en avant sur la voie de développement. Comme j’étudie la base des données de la Banque Mondiale à propos de la consommation finale d’énergie par tête d’habitant, je pose une hypothèse de travail : lorsque ladite tête d’habitant dépasse le niveau de quelques 2326 kilowatt heures de consommation finale d’énergie par an, soit 200 kg d’équivalent pétrole, une société quasiment dépourvue d’économie régulière d’échange se transforme en une société qui produit et fait circuler des biens et des services.

Une fois ce cap franchi, le prochain semble se situer aux environs d’ET(i) égale à 600 ± 650 kg d’équivalent pétrole, soit 6 978,00 ± 7 559,50 kilowatt heures par an par tête d’habitant. Ça, c’est la différence entre des sociétés pauvres et en même temps instables socialement ainsi que politiquement d’une part, et celles dotées d’institutions bien assises et bien fonctionnelles. Rien qui ressemble à du paradis, au-dessus de ces 6 978,00 ± 7 559,50 kilowatt heures par an par tête d’habitant, néanmoins quelque chose qui au moins permet de construire un purgatoire bien organisé.

L’étape suivante est la transgression d’un autre seuil, que je devine intuitivement quelque part entre 16 240 kWh et 18 350 kWh par an par tête d’habitant. C’est plus ou moins le seuil officiel qui marque la limite inférieure de la catégorie « revenu moyen » dans la terminologie de la Banque Mondiale. C’est alors qu’on commence à observer des marchés bien développés est des structures institutionnelles tout à fait stables. Oui, les hommes politiques peuvent toujours faire des conneries, mais ces conneries sont immédiatement projetées contre un fonds d’ordre institutionnel et de ce fait sont possibles à contrecarrer de façon autre qu’une guerre civile. Une fois dans la catégorie « revenu moyen », une économie semble capable de transition secondaire vers les énergies renouvelables. C’est le passage des réseaux typiquement industriels, basés sur des grosses centrales électriques, coexistantes avec des réseaux de distribution fortement oligopolistes, vers des systèmes de fourniture d’énergie basés sur des installations locales puisant leur jus des sources renouvelables.

Finalement, à partir de quelques 3000 kg d’équivalent pétrole = 34 890 kWh par an par tête d’habitant c’est la catégorie des pays vraiment riches. En ce qui concerne les énergies renouvelables, des investissements vraiment systémiques commencent au-dessus de ce seuil. C’est une transition secondaire à forte vapeur.

Bon, je formalise. Une variable parmi celles que j’ai nommées quelques paragraphes plus tôt vient au premier plan :  la consommation totale d’énergie par tête d’habitant ou ET(i) = EC(i) + ECT(i) + ECB(i). Les observations empiriques que je viens de décrire indiquent que dans le processus de développement économique des sociétés, le côté droit de l’équation ET(i) = EC(i) + ECT(i) + ECB(i) se déploie de gauche à droite. D’abord, il y a du EC(i). Les gens consomment de l’énergie pour leurs besoins le plus individuels et le plus directement possible. On brûle du bois ou de la paille et on a de l’énergie thermique pour faire de la cuisine, pour décontaminer l’eau et pour se chauffer. Si ça marche, des habitats humains permanents s’établissent.

Je sais que ça sonne comme le compte rendu d’évènements qui se passèrent à l’aube de la civilisation, mais après que j’ai étudié la situation des nations les plus pauvres du monde je sais aussi que c’est bien ce qui se passe dans des pays comme Niger ou Soudan. Le premier défi de ces populations consiste à faire marcher la structure sociale de base, donc à arriver au point quand les communautés locales sont capables de se développer et pour se développer lesdites communautés locales ont tout simplement besoin de s’établir sur une base relativement stable de nourriture et d’énergie.

Une fois que ce cap est franchi, donc une fois qu’ET(i) passe un seuil critique ET1(i), il y a un surplus d’énergie qui peut se traduire comme le développement du transport, ainsi que celui des marchés des biens et des services. En d’autres mots :

ET1(i) = 2 326 kWh

[EC(i) ≤ EC1(i)] => [ET(i) = EC(i) et ECT(i) ≈ 0 et ECB(i) ≈ 0]

[EC(i) > EC1(i)] => [ET(i) = EC(i) + ECT(i) + ECB(i) ; ECT(i) > 0 et ECB(i) > 0]

[EC(i) > EC1(i)] <=> [ECT(i) + ECB(i) = ET(i) – 2 326 kWh]

La seconde valeur critique, que je nomme ET2(i), donne lieu à l’émergence d’une structure institutionnelle suffisamment stable pour être appelée « ordre institutionnel ». Je sais que :

6 978,00 kWh ≤ ET2(i) ≤ 7 559,50 kWh

et que

4652 kWh < [ET2(i) – ET1(i)] ≤ 5233,5 kWh

et de même

{4652 kWh < [ECT(i) + ECB(i)] ≤ 5233,5 kWh}

ainsi que

[6 978,00 kWh ≤ ET2(i) ≤ 7 559,50 kWh] => ordre institutionnel

Alors vient ce troisième seuil, 16 240 kWh ≤ ET3(i) ≤ 18 350 kWh où la transition secondaire vers les énergies renouvelables devient possible. Cette transition prend donc lieu lorsque

13 914 kWh ≤ [ECT(i) + ECB(i)] ≤ 16 024 kWh

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Sans une once d’utopisme

 

Je suis en train de diriger ma recherche sur le projet EneFin vers l’application dans les pays en voie de développement. J’ai fait un pas dans cette direction dans ma dernière mise à jour en anglais : « Which salesman am I ? ». Cette fois, je plonge un peu dans l’étude quantitative. C’est à la fois une exploration scientifique et une révision en ce qui concerne la méthode de recherche caractéristique pour l’économie.

Alors voilà, dans « Which salesman am I ? » j’avais introduit une première équation quantitative, qui formalise une hypothèse de base : plus d’énergie veut dire plus de produit intérieur brut dans un pays. Dans des endroits vraiment pauvres, où l’utilisation occasionnelle des générateurs diesel est la seule source d’électricité, l’introduction de quelle source d’énergie que ce soit ouvre des possibilités nouvelles pour les gens du coin. A mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Je prends l’équation que j’avais déjà testée dans « Which salesman am I ? », soit : ln(PIB par habitant) =a* ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant. Les « Ln » sont des logarithmes naturels des variables observées. Façon de les calmer un peu, ces variables. Le logarithme naturel, ça soigne merveilleusement bien des cas de non-stationnarité, par exemple. Par ailleurs, je pense qu’il serait utile à mes lecteurs de disposer de la même source des données quantitatives que moi j’utilise. Alors voilà le lien hypertexte pour télécharger le fichier Excel avec ces données-là. Je prends donc cette équation de base et je commence à la tester avec l’addition d’une seconde hypothèse : à mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Ce que je fais avec mon équation consiste à modifier soit l’équation elle-même soit les données empiriques dans le test pour refléter cette hypothèse additionnelle. Il y a une mesure de pauvreté relative que j’utilise souvent dans ma recherche : c’est le déficit alimentaire par personne par jour, mesuré en kilocalories, publié par la Banque Mondiale. Je commence à l’explorer en l’introduisant par la porte de cuisine en quelque sorte : je laisse l’équation comme elle est, mais je divise ma base des données en des sous-ensembles d’observations où chaque sous-ensemble correspond à une intervalle (un sextile, pour être exact) de déficit alimentaire. Si vous voulez, c’est un peu comme si quelqu’un (enfin, moi) me présentait un concept d’entreprise et moi, je commence à poser des questions embarrassantes du genre « Alors, qu’est-ce qui se passe si au lieu du marché X tu essaies de développer le même concept dans le marché Y ? ».

Dans Tableau 1, ci-dessous, je présente les résultats des tests conduits dans ces sous-ensembles. Je reviens juste après (je veux dire après Tableau 1) pour jouer un peu le prof.

Tableau 1 L’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant testée dans des contextes différents de déficit alimentaire

Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : pas de déficit alimentaire observé, N = 3 709, R2 = 0,749
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,931 (0,009) p < 0,001
Facteur constant 2,276 (0,066) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 251 et 740 kilocalories par jour par personne (pays les plus pauvres), N = 265, R2 = 0.265
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,797 (0,082) p < 0,001
Facteur constant 2,634 (0,502) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne, N = 298, R2 = 0,522
Ln(Consommation d’énergie par personne) 1,152 (0,064) p < 0,001
Facteur constant 0,822 (0,398) p = 0,04
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 168 et 110 kilocalories par jour par personne, N =293, R2 = 0,483
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,711 (0,043) p < 0,001
Facteur constant 3,618 (0,275) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 109 et 61 kilocalories par jour par personne, N = 270, R2 = 0,519
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,852 (0,05) p < 0,001
Facteur constant 2,778 (0,333) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 60 et 28 kilocalories par jour par personne, N = 312, R2 = 0,375
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,555 (0,041) p < 0,001
Facteur constant 5,11 (0,292) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 27 et 0 kilocalories par jour par personne, N = 311, R2 = 0,753
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,833 (0,027) p < 0,001
Facteur constant 3,238 (0,211) p < 0,001

Bon, je joue le prof. Je commence par expliquer la signification des nombres. Ce sont des équations linéaires du type y = a*x + b. Le « b » c’est le facteur constant, donc, si vous voulez, la partie de y qui s’en fiche essentiellement du x et reste la même quoi que fasse x. La proportion entre le coefficient « a » et la constante « b » donne une idée de la sensitivité relative d’y vis à vis une variance dans le x. De ce point de vue, le PIB par tête d’habitant garde généralement une inertie substantielle vis à vis la consommation d’énergie par personne et ceci à travers la plupart des sextiles de déficit alimentaire. L’intervalle entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne fait exception à cette règle : les proportions entre le coefficient de régression et la constante y sont inversées. Tout comme si dans cette catégorie particulière l’économie était particulièrement apte à absorber chaque joule additionnel.

Cette inertie prise en compte, le coefficient de détermination R2 montre quelle partie de la variance du PIB par habitant est expliquée par la variance de la consommation d’énergie par habitant. Ces valeurs du R2 que vous pouvez voir dans Tableau 1 sont tout à fait respectables. Lorsqu’on met ensemble les proportions « coefficient – constante » et le R2, une corrélation plutôt robuste apparaît. Robuste comme elle est, il y a comme l’ombre d’une dépendance vis à vis la classe de déficit alimentaire. Je fais donc un pas de plus sur ce sentier d’exploration et j’inclue le déficit alimentaire explicitement dans l’équation, qui de ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant se transforme en  ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant.

Je teste. Bien sûr, je teste sur ces observations « pays – année » où déficit alimentaire apparaît. Le sous-ensemble « pas de déficit alimentaire observé » reste donc en dehors du modèle. Dans Tableau 2, ci-dessous, vous pouvez voir les résultats du test. Un petit commentaire est de rigueur. Le déficit alimentaire, tel qu’il est publié par la Banque Mondiale, est une valeur arithmétiquement positive mais essentiellement négative : plus élevée est cette valeur comme nombre, plus profondément négatif est son impact sur la population locale. Dans Tableau 2 vous pouvez voir que le logarithme naturel du déficit alimentaire porte un coefficient négatif de régression. Cela veut dire que plus élevé est ledit déficit, moins élevé est le PIB par tête d’habitant. C’est logique, la tête d’habitant à besoin de manger pour bosser et gagner du pognon.

Tableau 2 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 749, R2 = 0,738
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,779 (0,019) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,258 (0,015) p < 0,001
Facteur constant 4,399 (0,175) p < 0,001

Je vais un peu plus à fond dans l’interprétation du Tableau 2. Lorsque j’inclus le déficit alimentaire dans mon équation, c’est comme si j’émoussais l’influence de la consommation d’énergie par personne sur le PIB par personne. Vous pouvez voir le facteur constant gonfler considérablement et le coefficient de régression attribué à la consommation d’énergie par personne perdre de son ampleur. Somme toute, c’est cohérent avec ce que j’ai déjà découvert à propos de la balance entre la consommation de l’énergie et celle de nourriture : toutes les deux, elles font comme une base de durabilité pour tout système social.

Lorsqu’il m’est arrivé d’étudier de plus près des cas particuliers des pays dans des différentes classes de déficit alimentaire, j’en suis venu à la conclusion que, bien qu’étant principalement une mesure d’abondance ou pénurie relative de nourriture, cette variable est aussi une mesure d’inégalités dans la société. Ceci est lié à la méthodologie du calcul. On commence par vérifier si dans un pays donné il y a des personnes en situation de malnutrition systématique. Si tel n’est pas le cas, le pays est catégorisé avec déficit alimentaire zéro. Si, en revanche, il y a malnutrition systématique, on continue par répertorier toutes les personnes en une telle situation et calculer leur déficit alimentaire total agrégé, je veux dire sur toute cette sous-ensemble de la population nationale donnée. Ensuite, on divise ce déficit calorique agrégé par la population totale du pays et voilà comment nous obtenons la valeur que vous pouvez voir dans les données de la Banque Mondiale.

Le petit truc caché dans cette méthodologie est le suivant : si on a un pays qui possède des ressources alimentaires à la limite de la suffisance mais les distribue d’une façon inefficace, il y aura de la malnutrition. Un autre pays, avec une base alimentaire similaire, mais plus efficace dans la distribution des produits alimentaires peut bien être dans une classe supérieure en termes de déficit alimentaire par personne.

Maintenant, je change mon angle d’approche et je remplace la consommation d’énergie par personne avec juste la consommation d’énergies renouvelables par personne. Pour rester cohérent avec ce qui précède, je teste donc deux équations :  ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant ainsi que sa sœur mal nourrie ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant. Vous trouverez les résultats de ces deux tests dans Tableaux 3 et 4 ci-dessous.

Tableau 3 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 3 064 , R2 = 0,011
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,062 (0,01) p < 0,001
Facteur constant 9,48 (0,083) p < 0,001

Tableau 4 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 680, R2 = 0,492
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,082 (0,008) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,572 (0,016) p < 0,001
Facteur constant 11,614 (0,088) p < 0,001

Pour une surprise, c’en est définitivement une. Prise comme variable quantitative à l’échelle macroéconomique, la consommation d’énergies renouvelables se comporte d’une façon tout à fait différente de sa grande sœur, la consommation totale d’énergie. En dépit d’une signification élevée, selon le test t de Student, la corrélation entre la consommation des renouvelables et le PIB par personne reste faiblarde.

Tout phénomène a une explication rationnelle. Enfin, la plupart. Non, pas les matchs de foot. Alors ici, l’explication rationnelle, elle commence avec la compréhension de ce qu’est la consommation moyenne d’énergie par tête d’habitant. Ladite tête, donc vous, moi, mon voisin – on consomme tous l’énergie non-alimentaire de trois façons principales. Premièrement et le plus évidemment, nous utilisons l’énergie dans les technologies qui nous entourent : notre électroménager, notre électronique, le chauffage de la maison etc. Deuxièmement, quand on y pense, c’est le transport sous toutes ses formes. Finalement et le moins évidemment pour nous, chaque produit et chaque service que nous achetons contient, dans son coût de fabrication et livraison une partie correspondante à l’énergie. Une usine qui fait des lavabos, ça consomme de l’énergie et ça paie ses factures en conséquence. Lorsque j’achète un de ces lavabos, c’est comme si j’achetais la parcelle correspondante d’énergie consommée dans l’usine. Toute notre civilisation matérielle, dans chacune de ses manifestations, contient de l’énergie, solidifiée en quelque sorte.

Le coefficient de consommation d’énergie par personne est comme un panier qui contient toutes ces trois formes. En revanche, la consommation d’énergies renouvelables, c’est un coefficient calculé à la source, soit au niveau de la génération d’énergie électrique des sources renouvelables non-combustibles (hydro, éolien, géothermal, solaire) soit au celui de la combustion de la biomasse. Ce dernier cas de figure est particulièrement saillant dans le cas des pays africains, où le nominalement élevé coefficient des renouvelables vient précisément de l’usage des combustibles biologiques directement pour la chaleur ménagère, sans générer électricité.

La consommation d’énergies renouvelables par personne ne couvre donc pas l’usage indirect d’énergie à travers les biens et services consommées. Si je reviens donc à ces équations que vous avez pu voir testées, plus tôt dans cette mise à jour, le fait de truquer le coefficient d’énergie totale consommée par personne pour le coefficient d’énergie renouvelable par personne nous fait s’orienter vers une hypothèse différente. Dans l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant je teste l’hypothèse que plus d’énergie accessible dans une économie nationale est positivement corrélé avec plus de produit national brut. Vu l’interprétation méthodologique du coefficient de consommation d’énergie par personne, c’est tout à fait logique : plus d’énergie par tête d’habitant veut dire que ladite tête consomme plus de biens et services ainsi qu’elle bouge plus (transport). Les deux sont étroitement corrélés avec le Produit Intérieur Brut.

En revanche, lorsque je teste l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant, je soumets à la vérification une hypothèse différente, selon laquelle plus d’énergies renouvelables générées à la source (électricité plus chaleur) est positivement corrélé avec le produit national brut. Oui, ça peut marcher, si cela veut dire création des nouveaux rôles sociaux et nouveaux marchés. Sinon, la corrélation devient vaseuse, tout comme ces coefficients ridiculement bas et négatifs dans la régression linéaire des logarithmes naturels.

Voilà donc que j’ai fait un large tour à travers l’analyse économétrique et maintenant je peux tirer des conclusions pertinentes à l’application de mon concept EneFin dans les pays en voie de développement, comme outil institutionnel dudit développement. Pour que la chose marche vraiment comme de cette façon, il faut que les installations locales, construites avec le financement façon EneFin, génèrent non seulement de l’électricité mais aussi des petits business et des emplois et ceci de façon réaliste, sans une once d’utopisme.

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