Ça me démange, carrément

Ces derniers jours, je me suis rendu compte qu’à part ce blog et ces business plans dont la préparation je documente ici, il faut que j’écrive quelque chose de scientifique. Il faut que je pose une hypothèse de nature générale et une méthode de recherche pour la vérifier. Je passe donc en revue les différentes idées qui sont venues dans ma tête durant les 6 – 8 derniers mois. J’ai beaucoup travaillé sur des business plans, donc logiquement le développement scientifique correspondant devrait s’en tenir plutôt à la microéconomie et/ou à la gestion. Vu la direction courante de ces business plans que je prépare, le marché de l’énergie – en combinaison avec les solutions FinTech – semble être le champ empirique privilégié pour cette science que je suis censé présenter.

J’avais découvert, il y a déjà quelque temps, que je suis plutôt empiriste que rationaliste dans ma méthode scientifique. Je regarde autour de moi, je renifle, je tâtonne s’il le faut, et je me fais une idée de ce que j’observe. Petit à petit, je peaufine cette idée jusqu’à ce qu’elle devienne une hypothèse. Une fois ma petite hypothèse en place, je retourne vers la réalité empirique, seulement cette fois de manière plus respectable : je catégorise et je mesure. J’essaie de voir des régularités quantifiables et je reformule mon hypothèse par référence à ces régularités. J’essaie de voir si je peux avancer une hypothèse intelligible que je puisse ensuite accompagner d’une preuve empirique.

Je réassume les observations empiriques que j’ai faites durant ces derniers mois, surtout en ce qui concerne les énergies renouvelables et le FinTech. Tout d’abord, je peux observer comme une vague technologique de miniaturisation dans le secteur des énergies renouvelables. Les moulins à vent, les turbines hydrauliques, même les centrales électriques solaires à chaleur solaire concentrée : tout ce bazar se rétrécit en termes de la taille des formes utilitaires. L’énergétique renouvelable est en train de se démocratiser en termes de taille et de s’adapter à une géographie dispersée. En parallèle à la miniaturisation, une maximisation a lieu, aussi paradoxal que ça puisse paraître. Je suis régulièrement les nouveautés technologiques dans le domaine des énergies renouvelables, par exemple avec https://www.techinsider.com, et je peux remarquer une vague des projets de taille gargantuesque. Dans l’éolien, par exemple, en parallèle au lancement des turbines de taille d’une machine à laver il y a ces turbines géantes que les Ecossais installent en mer.

Lorsqu’une technologie commence à prendre des formes utilitaires de plus en plus variées, cela veut dire son adaptation à la structure sociale, en d’autres mots sa banalisation. C’est une phase cruciale de changement technologique, car l’adaptation devient réciproque : à mesure que la technologie donnée prend des formes de mieux en mieux adaptées aux contextes locaux spécifiques, lesdits contextes changent de forme pour absorber cette technologie de plus en plus vite et avec de plus en plus d’aise. Alors voilà une jolie hypothèse : « Les technologies d’exploitation des sources renouvelables d’énergie sont dans leur phase de banalisation, avec une adaptation de plus en plus poussée et réciproque entre lesdites technologies et les structures sociales qui les absorbent ».

L’hypothèse, elle a beau être jolie, mais ce qu’il me faut c’est ce qu’elle soit empiriquement vérifiable. Sans cet attribut de preuve empirique possible, une hypothèse reste spéculative et selon Milton Friedman, les hypothèses spéculatives, y en a tout un tas et on ne sait pas vraiment quoi en faire. Il se fait que j’ai de l’expérience dans l’étude quantitative des brevets ainsi que des demandes de brevet. Une demande de brevet témoigne qu’un certain effort de recherche et développement avait été mis dans une invention qui, à son tour, est suffisamment originale pour être reconnue comme une nouveauté et pour avoir des chances de devenir une invention brevetée. Le nombre des demandes de brevet en un endroit et temps donné, ainsi que dans un champ spécifique de recherche et développement reflète l’effort relatif.

En revanche, un brevet assigné à une invention témoigne d’une originalité ainsi que d’une priorité temporelle suffisante pour que l’invention donnée reçoive la protection légale en des termes de propriété intellectuelle. Le nombre de brevets octroyés en un endroit et temps donné, dans un champ spécifique de recherche, est une mesure de la quantité des technologies nouvelles et originales à être mises en utilisation.

J’ai bénéficié des bienfaits de ce moteur de recherche de Google – https://patents.google.com– pour se faire une idée empirique de ce processus de banalisation des technologies. J’avais pioché aussi bien les demandes de brevets que les brevets eux-mêmes dans quatre domaines technologiques des énergies renouvelables : l’éolien, l’hydraulique, le photovoltaïque et enfin l’énergie solaire concentrée. Je rappelle que cette dernière c’est le truc des gros miroirs paraboliques qui absorbent la chaleur du soleil et la transforment en chaleur industrielle (vapeur), qui, à son tour, travaille ensuite normalement comme dans une centrale électrique thermique, en propulsant une turbine électrique.

Je me suis concentré sur trois offices des brevets importants dans le monde : l’Office Européen des Brevets (OEB), The US Patent and Trademark Office (USPTO) aux États-Unis, et l’office des brevets de la République Populaire Chinoise (OBC). Voilà le lien hypertexte au fichier Excel avec les résultats de cette excursion empirique. Je sais que certains systèmes, sur des ordinateurs personnels, ont des préjugés en ce qui concerne les fichiers Excel et peuvent bloquer leur affichage ou téléchargement. Pour ceux parmi vous, mes chers lecteurs, dont les systèmes personnels témoignent de cette aversion particulière, je reproduis les tableaux de ce fichier plus loin, en-dessous du texte.

Voilà donc que je peux confronter mon hypothèse avec des faits quantifiables. Je fais une assomption additionnelle : si une banalisation des technologies d’énergétique renouvelable est effectivement en train de survenir, elle est liée à un effort d’innovation. Si une nouvelle variété de turbine hydraulique, par exemple, est prête à être commercialisée, elle va se démarquer, par des détails significatifs, des technologies précédentes. Toutes les innovations dans le domaine ne seront pas forcément soumises aux procédures de brevet, néanmoins un changement substantiel dans le nombre d’inventions qui y sont soumises est une mesure dudit effort d’innovation. La banalisation d’un domaine donné de technologie devrait donc être associée à un nombre accru d’inventions brevetées.

Dans l’éolien, un tel changement est visible et – ce qui est intéressant – il est visible plus au niveau des brevets octroyés qu’au niveau des demandes nouvelles de brevet. On peut voir comme une vague technologique qui continue à monter. C’est tout comme si, ces dernières années, un certain nombre des procédures de brevet ait passé dans la phase de « secouer les rênes » et de mise en exploitation accélérée. Je profite déjà de cette première observation pour attirer votre attention à une différence intéressante entre l’Europe et les États-Unis d’une part et la Chine d’autre part. En Europe et aux États-Unis il y a normalement plus de demandes de brevet que des brevets octroyés : la procédure de brevetage fonctionne comme un tri. Les inventions soumises à la procédure sont sélectionnées et certaines de parmi elles sont éliminées ou bien s’enlisent dans des longs procès légaux en ce qui concerne leur priorité.

En Chine, vous pouvez observer l’inverse : normalement il y plus des brevets octroyés que des demandes déposées. Honnêtement, j’ai un savoir des plus superficiels sur le fonctionnement du système légal chinois et dans ce que je vais avancer je m’appuie sur des cas occasionnels que j’avais étudiés. Apparemment, en Chine, une demande de brevet conduit fréquemment au sciage de l’invention soumise à ladite demande en tout un ensemble des brevets différents. Fréquemment, c’est même une stratégie délibérée de la part d’entités qui sollicitent la protection légale de leurs inventions.

Dans le photovoltaïque, nous pouvons observer quelque chose de similaire à l’éolien : une vague montante des brevets, quoi que dans ce cas, cette vague semble avoir reculé un peu en 2017. Par contre, dans le solaire concentré, je vois une vague d’innovation qui continue à gagner en hauteur. C’est par ailleurs bien ce que je pressentais dans mes os depuis un certain temps : le photovoltaïque s’est un peu essoufflé en termes de changement technologique, pendant que le solaire concentré ne fait que commencer à valser.

Comme je jette un coup d’œil sur l’hydroélectricitéje vois quelque chose de similaire, donc une vague montante de brevets octroyés, mais je vois aussi une autre disparité géographique. L’Europe est systématiquement en recul derrière les États-Unis et la Chine en termes d’intensité de changement technologique dans tous les quatre domaines étudiés ici, mais en termes d’hydroélectricité, ce n’est plus du recul : c’est carrément une capitulation. Ça me révolte quoi que ça ne m’étonne que moyennement. Ça me révolte parce que l’énergie hydraulique, côte à côte avec l’éolien, c’est pratiquement ce qui eût bâti la civilisation européenne entre le 11èmeet le 19èmesiècle. Nous avons, sur ce petit continent montagneux, un réseau fluvial des plus favorables et ça avait été aussi un facteur puissant de succès développemental de la civilisation européenne. Voir tout ce potentiel tellement inexploité en termes d’énergie, ça me démange, carrément.

Tout en étant révolté, je ne suis que moyennement étonné. J’ai déjà rencontré plusieurs opinions critiques quant au développement de l’hydroélectrique en Europe. D’une part, l’exploitation des rivières, au moins pour l’exploitation des turbines hydrauliques, semble être définitivement sur-régulée. Où que nous posions le pied, au bord d’une rivière, il y a des terrains exclus d’exploitation pour des raisons environnementales. J’adore les canards sauvages, mais je déteste cette espèce d’êtres humains sauvages qui excluent d’avance tout compromis entre un gîte des canards et une turbine hydraulique locale.

En plus, le secteur d’énergie en Europe est extrêmement concentré. En dépit de toute la libéralisation de ces trois dernières décennies, nous vivons toujours dans un oligopole poussé et les oligopoles, ça ne favorise pas la banalisation des technologies.

Bon, fini de penser science, pour aujourd’hui. Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund(aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

Tableau 1 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies éoliennes

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 374 1486 2191 3285 2235 1267
2002 550 1585 2323 3381 2386 1768
2003 758 1716 2324 3731 2720 2392
2004 763 1980 2342 4189 3300 3218
2005 722 1969 2138 4499 3673 4076
2006 901 2126 2497 5071 4824 5623
2007 804 2399 2509 5606 6696 6744
2008 857 2749 2481 6229 8640 8787
2009 764 3182 2660 6992 11478 10937
2010 1008 3749 3648 8220 15652 13295
2011 1192 4464 4398 9225 20661 17906
2012 1391 4479 5389 9488 27254 22090
2013 1666 4260 6051 9774 33328 26225
2014 1659 4643 7194 10078 35338 31693
2015 2099 4395 7375 9993 48821 40055
2016 3048 2734 7813 8355 56485 45724
2017 3273 814 8988 4957 62516 41857

 

Tableau 2 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies hydroélectriques

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 21 73 91 161 249 172
2002 19 72 81 159 259 191
2003 38 81 102 221 331 295
2004 35 122 111 224 344 363
2005 21 110 107 254 411 446
2006 40 125 108 333 462 614
2007 20 150 106 451 735 751
2008 41 221 146 569 966 1041
2009 29 241 127 707 1269 1314
2010 55 331 243 652 1836 1437
2011 48 377 327 774 2396 1948
2012 69 394 348 618 2977 2589
2013 86 365 421 643 3541 3001
2014 85 343 521 592 3727 3246
2015 144 349 498 465 5656 4057
2016 197 186 482 304 5890 4870
2017 207 69 603 2 6229 4280

 

Tableau 3 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies photovoltaïques

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 541 2214 3000 4704 1099 1280
2002 752 2263 3062 4972 1413 1770
2003 1010 2469 3219 5489 1831 2540
2004 1015 2834 3256 6421 2149 3177
2005 892 3427 2973 7086 2519 4099
2006 1137 3936 3554 8314 3139 5499
2007 988 4359 3496 9144 4661 7424
2008 1111 5063 3620 10342 6347 9235
2009 1043 6022 4089 12082 9001 12890
2010 1365 6856 5882 14541 13550 17161
2011 1587 7135 6804 16800 20681 21771
2012 1836 6872 8637 16624 28039 26413
2013 2073 6889 10158 17512 34288 29462
2014 2159 6679 12287 17278 30017 30250
2015 2440 6853 12824 16809 43855 35899
2016 3884 3775 13444 14005 53246 40760
2017 4242 859 14973 8815 55365 35507

 

Tableau 4 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans la technologie solaire concentrée

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 116 559 702 1154 69 293
2002 168 622 767 1191 115 389
2003 223 639 761 1409 183 544
2004 240 722 679 1613 298 694
2005 191 876 672 1893 324 1003
2006 254 1084 756 2209 396 1308
2007 224 1222 761 2548 621 1629
2008 252 1576 728 3055 791 2262
2009 269 1849 881 3670 1149 3316
2010 344 2153 1412 4367 1762 4460
2011 409 2143 1758 5103 2651 5540
2012 476 2092 2241 5017 3640 6177
2013 533 1925 2726 5142 4155 6323
2014 638 1843 3375 5055 4208 6348
2015 693 1815 3610 4896 6102 7741
2016 1080 958 3682 3699 7557 7771
2017 1218 152 3929 2400 7723 5862