États transcendants par rapport à cette réalité

Je continue de réfléchir sur les fondements théoriques de ma méthode de simulation d’intelligence collective dans les sociétés humaines. Je sens le besoin de résumer les points les plus importants, d’une part, ainsi que d’explorer le lien théorique entre la structure logique d’un réseau neuronal et la façon dont l’intelligence collective se joue dans des sociétés en chair et en os.

L’essence de ma méthode de recherche consiste à utiliser les réseaux neuronaux artificiels pour simuler le fonctionnement d’intelligence collective des sociétés humaines. Je me concentre le plus sur le phénomène de changement technologique et dans ce cadre, je me concentre même plus sur le marché de l’énergie. Je veux utiliser ma méthode à deux fins pratiques : simuler l’absorption d’une nouvelle technologie dans l’environnement socio-économique et l’émergence des phénomènes soudains et transformatifs du type Cygne Noir.

J’assume que les variables socio-économiques que je peux utiliser de façon quantitative sont des représentations imparfaites – car simplifiées – des phénomènes sociaux autrement plus complexes. Ces variables sont des phénomènes sociaux en elles-mêmes, car elles représentent un enchevêtrement cognitif entre l’action collective et les résultats obtenus de celle-ci. Nous mesurons collectivement les trucs qui sont importants parce qu’ils représentent des récompenses existentielles pour notre société. Si je vois donc une base de données comme celle de la Banque Mondiale ou bien celle d’EUROSTAT, je vois une multitude des variables quantitatives qui, à leur tour, représentent autant d’orientations d’action collective des sociétés humaines.

Ma méthode consiste à déconstruire partiellement l’enchevêtrement de ces variables, à travers une simulation mathématique où je construis autant de réalités alternatives artificielles qu’il y a de variables à prendre en compte. Ensuite, j’étudie la similarité mathématique entre ces réalités alternatives d’une part et la réalité empirique telle que représentée par les données empiriques. La construction de ces réalités artificielles suit la logique essentielle d’un réseau neuronal artificiel qui optimise une variable de parmi toutes celles étudiées – comme variable de sortie – tout en utilisant les autres variables comme matériel d’entrée à optimiser. Chacune de ces réalités artificielles est donc une représentation mathématique d’une orientation spécifique de la (des) société(s) étudiées : l’orientation sur le type donné de récompense.

Ma méthode assume donc que la société telle quelle est observable de façon empirique est une superposition d’orientations différentes. Plus de variables j’utilise dans ma recherche, plus d’orientations alternatives je peux découvrir ainsi. D’un autre point de vue, plus diverse est le panier des variables, donc plus je mélange les données en provenance des sources différentes, y compris mes propres coefficients ou me propres observations, plus d’orientations différentes je peux déconstruire à partir de la réalité empirique.

Ça, c’est la théorie de base. Pour l’appliquer en pratique, donc pour étudier l’émergence ou bien l’absorption possible des nouvelles technologies dans l’environnement socio-économique, il me faut introduire dans mon observation empirique des variables pertinentes à ces technologies. Pertinence peut être directe aussi bien qu’indirecte. Si j’inclue dans ma soupe primaire des nombres une variable telle que le pourcentage d’électricité en provenance des sources renouvelables, je décris la probabilité qu’une kilowatt heure prise au hasard, comme ça, dans la rue, provienne de ces technologies de génération. Si je prends une variable telle que l’efficience énergétique de l’économie nationale, donc la quantité de produit par unité d’énergie consommée, c’est plus indirect : je mesure l’incidence des technologies relativement plus efficientes en énergie par comparaison à celles relativement moins efficientes.

En pratique, l’observation directe de l’émergence et l’absorption des technologies a des limites qui se sentent très vite. Je peux mesurer, par exemple, le pourcentage de génération éolienne dans le panier d’énergie consommée. En revanche, lorsqu’il s’agit de mesurer la prévalence relative des solutions spécifiques dans les turbines, la transmission d’énergie, l’équilibrage du réseau etc., alors là, il n’y a pas vraiment foule comme données empiriques. Alors, je fais ce que les scientifiques font tout le temps en l’absence des données empiriques pertinentes : je triche. J’introduis dans mon ensemble des données des probabilités théoriques. J’ai donc une base de données bien catholique, avec des trucs comme PIB ou inflation dedans et j’ajoute un pourcentage théorique qui correspond à la probabilité qu’une technologie spécifique soit adoptée par un utilisateur pris au hasard. Enfin, j’hésite entre « adoptée » et « appliquée ». Lorsque j’adopte, je prends responsabilité. Lorsque j’applique, ‘y a moins de poids éthique.

Cette probabilité théorique, je peux la piloter à mon gré. Elle peut être complétement discrète – donc je lui donne des valeurs déterminées à priori – ou bien je peux la faire danser à un rythme plus ou moins aléatoire. Dans ce dernier cas, je simule une situation ou la société comme structure collectivement intelligente n’est jamais sûre de quel trou cette nouvelle technologie va surgir. Je peux simuler des réalités alternatives orientées sur des variables bien respectables, comme sur le nombre de demandes de brevet par 1 million d’habitants, et alors ces probabilités théoriques attachées aux technologies nouvelles sont un facteur de distorsion comme variable d’entrée. Je peux aussi construire des réalités alternatives qui sont bel et bien orientées sur ces variables probabilistes théoriques, l’histoire de voir la similarité mathématique entre elles et la réalité empirique telle que je l’ai devant mes yeux dans ma base des données.

Dans mon expérience jusqu’alors, les réalités alternatives orientées sur les variables « technologiques », empiriques ou théoriques, tombent mathématiquement plus loin de la réalité empirique que celles orientées sur des variables typiquement économiques, comme le nombre d’heures travaillées par personne par an. Ça arrive tout le temps, en fait, avec des configurations de données différentes. C’est comme si le changement technologique – soit l’orientation collective sur des variables « technologiques » – était une orientation instrumentale aux celles axées sur des effets purement sociétaux, comme le marché de travail. 

Mes réalités alternatives, je les construis à travers un processus d’apprentissage numérique, donc avec un réseau neuronal. Voilà donc que vient le moment vraiment délicat dans mon autoréflexion, celui de démontrer le lien entre la structure du réseau neuronal – et de même la structure d’apprentissage numérique – et le phénomène d’adaptation intelligente dans les sociétés humaines réelles. Je prends mes variables d’entrée et je les transforme en un seul nombre qui représente le signal d’apprentissage pour la fonction d’activation neuronale. Cette transformation par agrégation a deux composantes. Le truc général que je prends de la structure typique d’un perceptron consiste à multiplier chaque variable d’entrée par un facteur aléatoire compris entre 0 et 1, donc par le bon vieux RANDOM. Le truc spécifique que j’ai développé par moi-même est d’ajouter un facteur non-aléatoire de distance Euclidienne moyenne entre la variable en question et toutes les autres variables de l’ensemble, dans le pas expérimental précèdent. Évidemment, ce facteur non-aléatoire est absent du premier pas expérimental, puisqu’il n’a pas de pas précèdent. Selon mon intuition, cette distance Euclidienne représente le fait d’apprendre tout en prenant en compte la cohérence interne de la réalité représentée par des nombres. Selon mes observations empiriques, un réseau neuronal équipé de cette fonction de cohérence apprend de façon différente, par rapport au réseau qui s’en fiche. Avec facteur de cohérence, la courbe de l’erreur résiduelle est plus saccadée mais en fin de compte elle converge plus vite vers erreur minimale.

Je fais donc ce signal d’apprentissage « h », à partir de « n » variables d’entrée, comme h = R*E(tj-1)*x1(tj) + R*E(tj-1)*x2(tj) + … + R*E(tj-1)*xn(tj), où R est le facteur purement aléatoire et E est le facteur non-aléatoire de cohérence. Une fois le « h » calculé, je le mets dans ma fonction d’activation neuronale et là, il faut que je réfléchisse. Les fonctions d’activation que j’utilise le plus c’est soit le sigmoïde soit la tangente hyperbolique, avec un penchant pour la seconde. Je commence par déconstruire la tangente hyperbolique. Sa formule générale est tanh = (e2h – 1) / (e2h + 1), où « h » est bien le « h » comme spécifié plus haut, pendant que « e » est la constante d’Euler.              

Je commence par étudier les propriétés mathématiques de la tangente hyperbolique pour comprendre ce qu’elle fait à mes variables d’entrée. Les fonctions hyperboliques sont analogiques aux fonctions trigonométriques de base, seulement elles sont décrites sur une hyperbole et non pas sur un cercle. Une hyperbole est discontinue. Chaque portion d’une hyperbole représente un gradient différent. La tangente hyperbolique est donc une fonction périodique qui superpose plusieurs rythmes d’oscillation. La valeur de tangente hyperbolique n’est donc jamais en corrélation avec la variable d’entrée. La tangente hyperbolique est plus autonome par rapport à ces variables d’entrée que la tangente régulière (circulaire). Cette autonomie est exprimée par l’inclusion de la tangente hyperbolique dans la catégorie des nombres transcendants.   

La tangente hyperbolique transforme donc mes variables d’entrée en quelque chose qui n’a pas de corrélation fonctionnelle avec elles. C’est comme si les variables d’entrée créaient un plan différent de réalité. Pas si bête que ça, en fait. La perception (des variables d’entrée) forme un plan cognitif qui est différent de la réalité elle-même. Lorsque la société s’adapte à un signal d’apprentissage complexe, l’adaptation prend une forme spéciale. Le premier exemple qui me vient à l’esprit est notre adaptation collective au changement climatique. Le climat change et nous transformons ce changement en des symboles complexes : « il faut défendre la Terre », « il faut inventer quelque chose de nouveau », « il faut abandonner ces carburants fossiles ignobles » etc. Ce n’est qu’après s’être pompé culturellement avec ces symboles qu’on fait quoi que ce soit d’utile.

La tangente hyperbolique a une autre propriété intéressante. Dans tanh = (e2h – 1) / (e2h + 1), il y a le « h » qui change, accompagné de la constante : (e2 – 1) / (e2 + 1) = 6,389056099 / 8,389056099 = 0,761594156. J’ai remarqué qu’avec le calcul h = R*E(tj-1)*x1(tj) + R*E(tj-1)*x2(tj) + … + R*E(tj-1)*xn(tj), plus j’ai de variables différentes dans mon ensemble, donc dans ma réalité empirique de base, plus grande est l’amplitude d’oscillation dans « ». Plus complexe est donc ma représentation de réalité, plus d’états différents d’activation neuronale, transcendants par rapport à cette réalité, sont créés avec la tangente hyperbolique.  

Ma petite turbine éolienne à l’axe vertical

Voilà qu’arrive ce qui a dû arriver. Lorsque je me plonge dans les faits, je ne le fais jamais impunément. Une fois que je prends du goût dans l’observation de réalité telle qu’elle est, ça devient presque une obsession. Ainsi donc, dans mes deux mises à jour précédentes, j’avais tourné autour de cette hypothèse que « Les technologies d’exploitation des sources renouvelables d’énergie sont dans leur phase de banalisation, avec une adaptation de plus en plus poussée et réciproque entre lesdites technologies et les structures sociales qui les absorbent » (consultez Ça me démange, carrémentainsi que Good hypotheses are simple) Eh ben, ça m’a accroché. J’ai voulu voir d’un peu plus près ce que ça pourrait bien vouloir dire dans la vie réelle. J’ai donc pioché un peu dans les demandes de brevet, déposées à l’Office Européen des Brevets, et j’ai déniché cette invention intéressante – une turbine éolienne en forme d’une chaîne d’ADN, soumise par un groupe d’inventeurs Slovaques : Marcela Morvová, Vladimír Chudoba, Lubomír Stano, Andera Zilková et Michal Amena. Si vous cliquez sur ce long lien hypertexte, vous verrez par vous-mêmes : une petite merveille.

Ladite petite merveille appartient à la famille des turbines à l’axe vertical. C’est une technologie relativement jeunotte. Le gros de l’énergétique éolienne est basé sur les turbines à l’axe horizontal, qui, à leur tour, sont des versions plus ou moins Tech du bon vieux moulin à vent Hollandais : une p***in de grosse hélice, à grand rendement, positionnée à la verticale. Remarquez : dans les axes horizontaux, il y a du changement aussi. Il y a une famille des turbines qui marchent comme l’hélice d’un bateau, à une échelle beaucoup plus petite. Les turbines commercialisées par Semtiveen sont un bon exemple.

La turbine dont je parle maintenant, en revanche, demande de brevet no. EP 3 214 303 A1, c’est du relativement petit. La surface opérationnelle dont elle a besoin est d’à peine 5 m; on peut la monter dans un rectangle de 2,24 mètres de côté. Le truc qui intrigue, au sujet de ces turbines éoliennes à l’axe vertical est qu’il est très difficile de déterminer à coup sur leur capacité énergétique. Vous pouvez trouver une bonne revue de littérature à ce sujet chez Bhutta et al.(2012[1]) et une description tout aussi intéressante d’une expérience empirique dans le tunnel aérodynamique chez Howell et al.(2010[2]) et moi, je vais faire de mon mieux pour vous expliquer les trucs de base.

Alors la base, elle est faite de la formule suivante : PW = ½ * Cp* p * A * v3. « PW » c’est la capacité énergétique en question (juste l’histoire de montrer la parenté avec l’anglais ‘power’), « v » c’est la vitesse du vent, « A » représente la superficie totale du rotor (hélice), « p » symbolise la densité de l’air (p = 1.225kg/m3), et enfin « Cp » est le coefficient de capacité, ou, si vous voulez, d’efficacité énergétique. Cette équation est par ailleurs un bon prétexte pour faire un peu prof, de ma part, et de montrer la distinction entre les facteurs exogènes et endogènes d’une technologie. Ici, les facteurs exogènes, c’est la vitesse du vent et la densité de l’air. Cette dernière est constante, donc en terme des forces externes on a « ½ * p * v3 = 0,6125* v3».

Dans ma belle ville de Krakow (Pologne) la vitesse du vent aujourd’hui est d’à peu près 20 km/h = 20 * 0,277777778 m/s = 5,55555556 m/set c’est une brise agréable. Élevée à la puissance trois et multipliée par 0,6125, cette brise donne une capacité exogène de 105,0240057 kW. Ça, c’est ce que la mère Nature nous donne. Ma petite turbine peut faire un usage plus ou moins efficace de ce don, suivant la surface totale Ade l’hélice et l’efficacité énergétique Cp. Cette dernière peut varier, selon Bhutta et al.(2012[3]) entre 59% et 72%, quoi que ça change énormément suivant la technologie exacte. Même des trucs bêtes, comme la rugosité du matériel dont est faite l’hélice, jouent un rôle différent suivant la vitesse du vent. D’autre part, vu la vague montante d’innovation dans le domaine (consultez Ça me démange, carrément) j’assume que ça progresse, ces derniers temps. Je vais être conservatif et prendre une efficacité moyenne entre 59% et 72%, soit Cp= 65,5%. Le prototype de cette turbine no. EP 3 214 303 A1offre une superficie active de l’hélice égale à A = 1,334 m2et ça me donne, de tout en tout, PW = 1,334 *65,5% * 105,0240057 = 91,76682549 kW.

Ça a l’air prometteur. Suivant les données sur la consommation d’énergie, moi, comme Polonais moyen statistique, j’ai besoin de 0,56 kW, en moyenne, à mon usage personnel, pour mener la vie que je mène. Si je ne me suis pas gouré dans les calculs, avec une brise agréable de 20 kilomètres – heure, ce machin génère une capacité suffisante pour plus de 180 Polonais moyens statistiques comme moi. Je vérifie la probabilité d’avoir une brise comme ça sur toute l’année et là, je vois le premier problème. La vitesse du vent à laquelle cette turbine commence à produire de l’énergie utile est de v = 1,9 m/set c’est la vitesse moyenne du vent à Krakow sur les 12 derniers mois. Les jours de vent au-delà de v = 1,9 m/sc’est surtout le printemps et l’été ou, en d’autres termes, ma turbine aurait une chance quelconque de produire de l’énergie durant à peu de choses près la moitié de l’année. Sur le mois dernier, la vitesse moyenne était de v = 2,36 m/s et ça donne PW = 1,334 *65,5% * 0,6125 * 2,363= 7,034597146 kW, soit entre 13 et 14 Polonais statistiques moyens.

C’est moins optimiste mais plus réaliste, en même temps. Lorsque je traduis ces nombres en des faits de la vie quotidienne, j’ai la vision d’une petite communauté locale qui durant la saison venteuse de l’année peut satisfaire sa demande ménagère d’énergie avec un système des turbines éoliennes de taille tout aussi ménagère.

Ma ville, Krakow, ce n’est pas vraiment la capitale du vent. L’endroit est un réseau des vallées post-glaciales tortueuses, avec juste quelques plaines un peu plus spacieuses et l’ironie du sort veut que ces plaines soient placées surtout dans des endroits à risque élevé d’inondation. En revanche, toute la Pologne centrale et septentrionale, ça change énormément. La côte de la Baltique, par exemple, c’est une vitesse moyenne du vent égale à v = 12,9 m/set ça donne PW = 1,334 *65,5% * 0,6125 * 12,93= 1148,873874 kW.Plus d’un mégawatt, suffisant pour plus de deux milles Polonais statistiques moyens. Eh ben, dites donc, placée au bon endroit, cette petite turbine éolienne est un vrai ouragan !

Bon, je crois que je la vois venir, cette absorption de technologie. Avec la vague montante d’innovation, cela veut dire une impulsion puissante de développement pour les régions les plus favorisées en termes de conditions naturelles. Les régions côtières et les grandes plaines sont naturellement favorisées en ce qui concerne l’éolien. La banalisation des technologies d’énergétique renouvelable peut provoquer un changement profond de la géographie d’habitat humain. Des endroits typiquement ruraux en Europe peuvent soudainement devenir attrayants pour créer des villes.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund(aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

[1]Muhammad Mahmood Aslam Bhutta, Nasir Hayat, Ahmed Uzair Farooq, Zain Ali, Sh. Rehan Jamil, Zahid Hussain (2012) Vertical axis wind turbine – A review of various configurations and design techniques, Renewable and Sustainable Energy Reviews 16 (2012) 1926–1939

[2]Howell, R., Qin, N., Edwards, J., Durrani, N. (2010) Wind tunnel and numerical study of a small vertical axis wind turbine, Renewable Energy, 35 (2), pp. 412- 422

[3]Muhammad Mahmood Aslam Bhutta, Nasir Hayat, Ahmed Uzair Farooq, Zain Ali, Sh. Rehan Jamil, Zahid Hussain (2012) Vertical axis wind turbine – A review of various configurations and design techniques, Renewable and Sustainable Energy Reviews 16 (2012) 1926–1939

Ça me démange, carrément

Ces derniers jours, je me suis rendu compte qu’à part ce blog et ces business plans dont la préparation je documente ici, il faut que j’écrive quelque chose de scientifique. Il faut que je pose une hypothèse de nature générale et une méthode de recherche pour la vérifier. Je passe donc en revue les différentes idées qui sont venues dans ma tête durant les 6 – 8 derniers mois. J’ai beaucoup travaillé sur des business plans, donc logiquement le développement scientifique correspondant devrait s’en tenir plutôt à la microéconomie et/ou à la gestion. Vu la direction courante de ces business plans que je prépare, le marché de l’énergie – en combinaison avec les solutions FinTech – semble être le champ empirique privilégié pour cette science que je suis censé présenter.

J’avais découvert, il y a déjà quelque temps, que je suis plutôt empiriste que rationaliste dans ma méthode scientifique. Je regarde autour de moi, je renifle, je tâtonne s’il le faut, et je me fais une idée de ce que j’observe. Petit à petit, je peaufine cette idée jusqu’à ce qu’elle devienne une hypothèse. Une fois ma petite hypothèse en place, je retourne vers la réalité empirique, seulement cette fois de manière plus respectable : je catégorise et je mesure. J’essaie de voir des régularités quantifiables et je reformule mon hypothèse par référence à ces régularités. J’essaie de voir si je peux avancer une hypothèse intelligible que je puisse ensuite accompagner d’une preuve empirique.

Je réassume les observations empiriques que j’ai faites durant ces derniers mois, surtout en ce qui concerne les énergies renouvelables et le FinTech. Tout d’abord, je peux observer comme une vague technologique de miniaturisation dans le secteur des énergies renouvelables. Les moulins à vent, les turbines hydrauliques, même les centrales électriques solaires à chaleur solaire concentrée : tout ce bazar se rétrécit en termes de la taille des formes utilitaires. L’énergétique renouvelable est en train de se démocratiser en termes de taille et de s’adapter à une géographie dispersée. En parallèle à la miniaturisation, une maximisation a lieu, aussi paradoxal que ça puisse paraître. Je suis régulièrement les nouveautés technologiques dans le domaine des énergies renouvelables, par exemple avec https://www.techinsider.com, et je peux remarquer une vague des projets de taille gargantuesque. Dans l’éolien, par exemple, en parallèle au lancement des turbines de taille d’une machine à laver il y a ces turbines géantes que les Ecossais installent en mer.

Lorsqu’une technologie commence à prendre des formes utilitaires de plus en plus variées, cela veut dire son adaptation à la structure sociale, en d’autres mots sa banalisation. C’est une phase cruciale de changement technologique, car l’adaptation devient réciproque : à mesure que la technologie donnée prend des formes de mieux en mieux adaptées aux contextes locaux spécifiques, lesdits contextes changent de forme pour absorber cette technologie de plus en plus vite et avec de plus en plus d’aise. Alors voilà une jolie hypothèse : « Les technologies d’exploitation des sources renouvelables d’énergie sont dans leur phase de banalisation, avec une adaptation de plus en plus poussée et réciproque entre lesdites technologies et les structures sociales qui les absorbent ».

L’hypothèse, elle a beau être jolie, mais ce qu’il me faut c’est ce qu’elle soit empiriquement vérifiable. Sans cet attribut de preuve empirique possible, une hypothèse reste spéculative et selon Milton Friedman, les hypothèses spéculatives, y en a tout un tas et on ne sait pas vraiment quoi en faire. Il se fait que j’ai de l’expérience dans l’étude quantitative des brevets ainsi que des demandes de brevet. Une demande de brevet témoigne qu’un certain effort de recherche et développement avait été mis dans une invention qui, à son tour, est suffisamment originale pour être reconnue comme une nouveauté et pour avoir des chances de devenir une invention brevetée. Le nombre des demandes de brevet en un endroit et temps donné, ainsi que dans un champ spécifique de recherche et développement reflète l’effort relatif.

En revanche, un brevet assigné à une invention témoigne d’une originalité ainsi que d’une priorité temporelle suffisante pour que l’invention donnée reçoive la protection légale en des termes de propriété intellectuelle. Le nombre de brevets octroyés en un endroit et temps donné, dans un champ spécifique de recherche, est une mesure de la quantité des technologies nouvelles et originales à être mises en utilisation.

J’ai bénéficié des bienfaits de ce moteur de recherche de Google – https://patents.google.com– pour se faire une idée empirique de ce processus de banalisation des technologies. J’avais pioché aussi bien les demandes de brevets que les brevets eux-mêmes dans quatre domaines technologiques des énergies renouvelables : l’éolien, l’hydraulique, le photovoltaïque et enfin l’énergie solaire concentrée. Je rappelle que cette dernière c’est le truc des gros miroirs paraboliques qui absorbent la chaleur du soleil et la transforment en chaleur industrielle (vapeur), qui, à son tour, travaille ensuite normalement comme dans une centrale électrique thermique, en propulsant une turbine électrique.

Je me suis concentré sur trois offices des brevets importants dans le monde : l’Office Européen des Brevets (OEB), The US Patent and Trademark Office (USPTO) aux États-Unis, et l’office des brevets de la République Populaire Chinoise (OBC). Voilà le lien hypertexte au fichier Excel avec les résultats de cette excursion empirique. Je sais que certains systèmes, sur des ordinateurs personnels, ont des préjugés en ce qui concerne les fichiers Excel et peuvent bloquer leur affichage ou téléchargement. Pour ceux parmi vous, mes chers lecteurs, dont les systèmes personnels témoignent de cette aversion particulière, je reproduis les tableaux de ce fichier plus loin, en-dessous du texte.

Voilà donc que je peux confronter mon hypothèse avec des faits quantifiables. Je fais une assomption additionnelle : si une banalisation des technologies d’énergétique renouvelable est effectivement en train de survenir, elle est liée à un effort d’innovation. Si une nouvelle variété de turbine hydraulique, par exemple, est prête à être commercialisée, elle va se démarquer, par des détails significatifs, des technologies précédentes. Toutes les innovations dans le domaine ne seront pas forcément soumises aux procédures de brevet, néanmoins un changement substantiel dans le nombre d’inventions qui y sont soumises est une mesure dudit effort d’innovation. La banalisation d’un domaine donné de technologie devrait donc être associée à un nombre accru d’inventions brevetées.

Dans l’éolien, un tel changement est visible et – ce qui est intéressant – il est visible plus au niveau des brevets octroyés qu’au niveau des demandes nouvelles de brevet. On peut voir comme une vague technologique qui continue à monter. C’est tout comme si, ces dernières années, un certain nombre des procédures de brevet ait passé dans la phase de « secouer les rênes » et de mise en exploitation accélérée. Je profite déjà de cette première observation pour attirer votre attention à une différence intéressante entre l’Europe et les États-Unis d’une part et la Chine d’autre part. En Europe et aux États-Unis il y a normalement plus de demandes de brevet que des brevets octroyés : la procédure de brevetage fonctionne comme un tri. Les inventions soumises à la procédure sont sélectionnées et certaines de parmi elles sont éliminées ou bien s’enlisent dans des longs procès légaux en ce qui concerne leur priorité.

En Chine, vous pouvez observer l’inverse : normalement il y plus des brevets octroyés que des demandes déposées. Honnêtement, j’ai un savoir des plus superficiels sur le fonctionnement du système légal chinois et dans ce que je vais avancer je m’appuie sur des cas occasionnels que j’avais étudiés. Apparemment, en Chine, une demande de brevet conduit fréquemment au sciage de l’invention soumise à ladite demande en tout un ensemble des brevets différents. Fréquemment, c’est même une stratégie délibérée de la part d’entités qui sollicitent la protection légale de leurs inventions.

Dans le photovoltaïque, nous pouvons observer quelque chose de similaire à l’éolien : une vague montante des brevets, quoi que dans ce cas, cette vague semble avoir reculé un peu en 2017. Par contre, dans le solaire concentré, je vois une vague d’innovation qui continue à gagner en hauteur. C’est par ailleurs bien ce que je pressentais dans mes os depuis un certain temps : le photovoltaïque s’est un peu essoufflé en termes de changement technologique, pendant que le solaire concentré ne fait que commencer à valser.

Comme je jette un coup d’œil sur l’hydroélectricitéje vois quelque chose de similaire, donc une vague montante de brevets octroyés, mais je vois aussi une autre disparité géographique. L’Europe est systématiquement en recul derrière les États-Unis et la Chine en termes d’intensité de changement technologique dans tous les quatre domaines étudiés ici, mais en termes d’hydroélectricité, ce n’est plus du recul : c’est carrément une capitulation. Ça me révolte quoi que ça ne m’étonne que moyennement. Ça me révolte parce que l’énergie hydraulique, côte à côte avec l’éolien, c’est pratiquement ce qui eût bâti la civilisation européenne entre le 11èmeet le 19èmesiècle. Nous avons, sur ce petit continent montagneux, un réseau fluvial des plus favorables et ça avait été aussi un facteur puissant de succès développemental de la civilisation européenne. Voir tout ce potentiel tellement inexploité en termes d’énergie, ça me démange, carrément.

Tout en étant révolté, je ne suis que moyennement étonné. J’ai déjà rencontré plusieurs opinions critiques quant au développement de l’hydroélectrique en Europe. D’une part, l’exploitation des rivières, au moins pour l’exploitation des turbines hydrauliques, semble être définitivement sur-régulée. Où que nous posions le pied, au bord d’une rivière, il y a des terrains exclus d’exploitation pour des raisons environnementales. J’adore les canards sauvages, mais je déteste cette espèce d’êtres humains sauvages qui excluent d’avance tout compromis entre un gîte des canards et une turbine hydraulique locale.

En plus, le secteur d’énergie en Europe est extrêmement concentré. En dépit de toute la libéralisation de ces trois dernières décennies, nous vivons toujours dans un oligopole poussé et les oligopoles, ça ne favorise pas la banalisation des technologies.

Bon, fini de penser science, pour aujourd’hui. Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund(aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

Tableau 1 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies éoliennes

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 374 1486 2191 3285 2235 1267
2002 550 1585 2323 3381 2386 1768
2003 758 1716 2324 3731 2720 2392
2004 763 1980 2342 4189 3300 3218
2005 722 1969 2138 4499 3673 4076
2006 901 2126 2497 5071 4824 5623
2007 804 2399 2509 5606 6696 6744
2008 857 2749 2481 6229 8640 8787
2009 764 3182 2660 6992 11478 10937
2010 1008 3749 3648 8220 15652 13295
2011 1192 4464 4398 9225 20661 17906
2012 1391 4479 5389 9488 27254 22090
2013 1666 4260 6051 9774 33328 26225
2014 1659 4643 7194 10078 35338 31693
2015 2099 4395 7375 9993 48821 40055
2016 3048 2734 7813 8355 56485 45724
2017 3273 814 8988 4957 62516 41857

 

Tableau 2 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies hydroélectriques

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 21 73 91 161 249 172
2002 19 72 81 159 259 191
2003 38 81 102 221 331 295
2004 35 122 111 224 344 363
2005 21 110 107 254 411 446
2006 40 125 108 333 462 614
2007 20 150 106 451 735 751
2008 41 221 146 569 966 1041
2009 29 241 127 707 1269 1314
2010 55 331 243 652 1836 1437
2011 48 377 327 774 2396 1948
2012 69 394 348 618 2977 2589
2013 86 365 421 643 3541 3001
2014 85 343 521 592 3727 3246
2015 144 349 498 465 5656 4057
2016 197 186 482 304 5890 4870
2017 207 69 603 2 6229 4280

 

Tableau 3 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans les technologies photovoltaïques

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 541 2214 3000 4704 1099 1280
2002 752 2263 3062 4972 1413 1770
2003 1010 2469 3219 5489 1831 2540
2004 1015 2834 3256 6421 2149 3177
2005 892 3427 2973 7086 2519 4099
2006 1137 3936 3554 8314 3139 5499
2007 988 4359 3496 9144 4661 7424
2008 1111 5063 3620 10342 6347 9235
2009 1043 6022 4089 12082 9001 12890
2010 1365 6856 5882 14541 13550 17161
2011 1587 7135 6804 16800 20681 21771
2012 1836 6872 8637 16624 28039 26413
2013 2073 6889 10158 17512 34288 29462
2014 2159 6679 12287 17278 30017 30250
2015 2440 6853 12824 16809 43855 35899
2016 3884 3775 13444 14005 53246 40760
2017 4242 859 14973 8815 55365 35507

 

Tableau 4 – Brevets octroyés et demandes de brevets dans la technologie solaire concentrée

Année OEB brevets octroyés OEB demandes de brevet déposées USPTO brevets octroyés USPTO demandes de brevet déposées Chine OBC brevets octroyés Chine OBC demandes de brevet déposées
2001 116 559 702 1154 69 293
2002 168 622 767 1191 115 389
2003 223 639 761 1409 183 544
2004 240 722 679 1613 298 694
2005 191 876 672 1893 324 1003
2006 254 1084 756 2209 396 1308
2007 224 1222 761 2548 621 1629
2008 252 1576 728 3055 791 2262
2009 269 1849 881 3670 1149 3316
2010 344 2153 1412 4367 1762 4460
2011 409 2143 1758 5103 2651 5540
2012 476 2092 2241 5017 3640 6177
2013 533 1925 2726 5142 4155 6323
2014 638 1843 3375 5055 4208 6348
2015 693 1815 3610 4896 6102 7741
2016 1080 958 3682 3699 7557 7771
2017 1218 152 3929 2400 7723 5862

« Oui » et je le dis en toute honnêteté

Mon éditorial video

Je prends du recul dans mon projet BeFund. Je prends du recul pour prendre de l’élan, pour ainsi dire. Je suis déjà entré dans les détails de mon business plan et je sens un besoin de remettre mes idées essentielles bien en place. C’est un peu comme si je peignais un tableau à structure compliquée, censé représenter une bataille : de temps en temps j’ai besoin de reculer un peu pour voir si j’avais peint les soldats du côté de bon général.

Alors, ça avait tout commencé à la fin 2017, lorsque je me suis familiarisé (un peu) avec le projet Confluence, localisé à Lyon, France. Il se fait que j’avais passé quelques années à Lyon lorsque j’étais adolescent (oui, c’était avant l’invention de Facebook, non, ce n’était pas avant l’invention de la roue). J’aime y revenir de temps en temps et c’était en y revenant en Septembre 2017 que j’avais pris connaissance, pour la première fois, du projet Confluence. Je suis un scientifique par structure, pour ainsi dire. J’ai dans ma tête ces trois êtres coexistant : le singe curieux, le moine austère et le bouledogue heureux. Tous les trois, ensemble, ils me donnent ce désir insatiable de savoir plus. Si vous placez à portée de ma main un bouton avec écriteau « Touchez pas. Provoque la fin du monde en 30 minutes » je vous jure je le presserais juste pour voir ce qui se passe durant ces 30 minutes.

Alors, lorsque j’avais eu vent, pour la première fois, de ce que des grands projets des villes intelligentes peuvent bien avoir l’air, ça m’avait vraiment accroché. Je me rappelle qu’à l’époque j’avais cette idée en tête, de développer un business dans le cadre d’un grand projet de ville intelligente. Côté sentimental, je formais des visions de cette entreprise aussi bien à Krakow (Pologne), ma ville natale, où je vis toujours, qu’à Lyon (France), où je me sens émotionnellement ancré en quelque sorte. C’est alors que j’avais commencé à faire de la recherche sur les villes intelligentes en général. Je voulais comprendre comment ça marche. J’avais trouvé des données empiriques pour former une hypothèse forte que les grands projets des villes intelligentes corrélaient avec trois phénomènes socio-économiques : a) forte croissance démographique locale, à long terme b) densité de population élevée, même pour la moyenne des grandes villes c) forte croissance locale dans les prix de l’immobilier (consultez My individual square of land, 9 meters on 9 ). J’avais compris, aussi, que puisque les villes intelligentes ça va avec des gros investissements en des technologies ultra-modernes, le développement de ces projets va être lié à un amortissement (vieillissement moral) très rapide des technologies installées et donc à un cycle local super-rapide de changement technologique. Cet amortissement accéléré des technologies locales va sûrement entrainer un besoin accru en capital à haute liquidité (voir Le cousin du beau-frère de mon ami d’école et peut-être aussi Smart cities, or rummaging in the waste heap of culture  ).

Je me demande, à présent, comment avais-je fait la connexion entre toute cette recherche sur les villes intelligentes, d’une part, et ce concept BeFund ou le centre expérimental de recherche comportementale couplé avec un fonds d’investissement. Alors, mon moine austère interne, quel était mon chemin de raisonnement ? Ah, voilà, ça revient : il m’était venu à l’esprit, à l’époque, qu’il y a très peu de science vraiment solide quant à l’interaction entre les êtres humains et des technologies intelligentes fortement concentrées dans un environnement urbain. L’idée qui s’accrochait alors fortement à mes synapses (et qui s’accroche encore, par ailleurs) est que nous sommes habitués à vivre dans un environnement à propos duquel nous inventons des trucs, pendant que les technologies d’une ville intelligentes sont faites pour inventer des trucs à propos de nous. C’est comme ça que j’avais commencé à naviguer vers les méthodes de recherche expérimentale sur le comportement humain. J’avais fait une première approche intellectuelle dans Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher et après, j’avais consacré la plus belle partie du mois de Février à piocher dans les méthodes de recherche behavioriste. Vous pouvez voir mon cheminement à travers : There are many ways of having fun with that experiment ; Couper le cheveu en quatre, puis en tirer une racine cube ; Any given piece of my behaviour (yours too, by the way) ; La tâche d’invention en cas d’urgence ; That thing about experiments: you don’t really know et enfin Parfois j’ai du pot et parfois pas tout à fait.

Je me rappelle que c’est en travaillant sur une mise à jour consécutive, publiée comme « And so I ventured myself into the realm of what people think they can do » que l’idée concrète de mon projet avait commencé à prendre une forme intelligible. Je m’étais rendu compte que ce que je veux organiser c’est un centre expérimental orienté sur la recherche comportementale au sujet des interactions entre les humains et les technologies intelligentes. J’avais alors commencé à étudier les applications purement commerciales d’un tel projet et ce cheminement intellectuel particulier est à trouver dans « Ça semble tenir le coup. Ça promet. » ainsi que dans « When is it the right moment to expose ourselves? ». C’était lorsque je préparais une mise à jour consécutive, intitulée « Loin dans le domaine d’idées originales » que je m’étais rendu compte que ce serait intéressant de coupler un labo de recherche expérimentale avec un fonds d’investissement pour les startups développées sur la base des technologies testées dans ce centre. Depuis, donc durant les deux semaines passées, dans une série des mises à jours plutôt techniques, j’ai commencé à développer les détails du projet auquel j’ai donné le nom « BeFund ».

L’une des idées centrales de BeFund est de démarrer avec un projet de recherche expérimentale propre (c’est-à-dire initié et animé par BeFund). Ce projet aurait une double fonction. D’une part, il servirait à attirer des fonds publics de recherche pour financer l’établissement et la première lancée du labo expérimental. D’autre part, il serait un véhicule de marketing financier pour attirer des startups à financer dans le volet « fonds d’investissement » du BeFund. J’avais longtemps ruminé des idées différentes pour ce projet initial et finalement j’ai décidé de développer mes propres lignes de recherche. Dans mon livre intitulé « Capitalism and political power » j’avais attaché beaucoup d’importance à la densité de population comme facteur fondamental de tout changement socio-économique et c’est la première ligne de recherche – que j’ai déjà signalé dans « Sort of a classical move » –  à initier dans le cadre de BeFund. Comment nos habitudes technologiques changent-elles en fonction de ce que nous expérimentons comme des différents niveaux de densité de population ? La grande inconnue dans cette ligne de recherche et en même temps le défi scientifique le plus important est de découvrir comment diable nous formons notre expérience personnelle de densité de population ?

J’avais aussi beaucoup travaillé sur le sujet d’interaction entre la base énergétique et alimentaire d’une part et le changement socio-économique d’autre part. Ici vous avez deux articles à ce propos : « Technological change as intelligent, energy maximizing adaptation » et « Settlement by energy: can renewable energies sustain our civilisation? ». Dans cette ligne de recherche particulière il y a deux idées différentes : l’une gentille et politiquement correcte, l’autre beaucoup plus primaire et sauvage. La gentille est que les êtres humains adaptent toute leur activité à la base énergétique dont ils disposent dans un lieu et un temps donnés. La recherche expérimentale que je vois à ce propos peut consister à placer une population dans un environnement expérimental contrôlé où les participants devraient adapter leurs habitudes technologiques aux ressources énergétiques accessibles.

La sauvage est liée à une observation que j’avais faite dans ma recherche : il semble que les populations humaines légèrement affamées, avec un déficit alimentaire autour de 70 – 90 kilocalories par personne par jour, sont les plus innovantes. Lorsque le déficit alimentaire disparait, l’innovation reste substantielle mais comme moins vivace. En revanche, l’approfondissement de ce déficit conduit à une baisse profonde dans la capacité d’innover. Maintenant le truc vraiment sauvage dans cette observation est que les populations réelles qui entrent dans la catégorie de déficit 70 – 90 kilocalories par jour par personne sont celles où le déficit en question résulte plutôt d’inégalité dans la distribution des produits alimentaires et pas tellement de la pénurie alimentaire généralisée. L’occurrence de ce déficit alimentaire léger semble donc correspondre à la présence des hiérarchies sociales très pointues et plutôt brutales.

Alors voilà l’idée primaire et brutale pour la recherche behavioriste : créer un environnement expérimental où les participants seraient observés dans leur habitudes technologiques et en même temps ils seraient placés dans une structure sociale et une base alimentaire qui, combinées, peuvent facilement conduire à des inégalités dans la capacité de manger à sa faim. Je vous avais prévenus : c’est vraiment du primaire et du sauvage. J’ai comme une intuition qu’une telle recherche expérimentale, en dépit de tous les points d’interrogation côté éthique, peut apporter des découvertes fondamentales sur le fonctionnement de nos structures sociales et sur le rôle des technologies.

Par comparaison, ma dernière ligne de recherche c’est du vraiment gentil. Je donne à mes cobayes expérimentaux des outils FinTech, comme des logiciels de paiement par téléphone ou similaires, je les irrite côté densité de population, côté énergie et bouffe, je les appâte avec des technologies prototypées à tester et j’observe quelle masse monétaire est mise en circulation dans ces logiciels et en quelle forme exacte. C’est la ligne de recherche que vous pouvez consulter en une forme plus rigoureuse côté science dans mon article « Financial equilibrium in the presence of technological change » ou bien dans « Technological change as a monetary phenomenon ».

Alors, je connecte les points sur mon dessin et je commence à tabasser, gentiment mais fermement, mon concept de BeFund. Est-ce qu’un labo behavioriste couplé avec un fonds d’investissement pour les startups à une raison d’être dans le cadre d’un projet de ville intelligente ? Je pense que oui et je le dis en toute honnêteté. Un centre de recherche de ce type pourrait même devenir le cœur et le moteur de développement dans une ville intelligente. Est-ce que les lignes de recherche que je viens de tracer ont une application pratique dans un tel projet ? Là, je suis plus prudent dans ma réponse, néanmoins je vois de la méthode dans ma folie : ces idées de recherche que j’ai décrites correspondent aux variables fondamentales de tout environnement urbain. La densité de population, l’accès à l’énergie et à la (bonne) nourriture, la formation d’une hiérarchie locale et les systèmes monétaires locaux – tout ça c’est de la vie quotidienne à l’état cru et brut.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

La tâche d’invention en cas d’urgence

Mon éditorial

Je suis en train de faire une connexion entre l’analyse comportementale (béhavioriste) et les grands axes de mon travail de recherche cette année, c’est-à-dire le business plan pour investir dans les villes intelligentes, d’une part, et le site éducatif en sciences sociales, centré sur l’apprentissage à travers la participation dans de la recherche réelle, d’autre part. Je commence par expliquer le terme d’analyse béhavioriste, qui semble avoir ses racines dans les travaux de Burrhus Frederic Skinner, formalisés, entre autres, dans son livre « La science et le comportement humain » (1953[1]). L’idée de B.F. Skinner était simple : le comportement et son observation sont les sources d’information les plus sûres dans l’étude psychologique. Ce que les gens disent qu’ils pensent ou qu’ils ressentent est un contenu linguistique, filtré plusieurs fois à travers les schémas culturels. En plus, l’étude objective du comportement humain révèle plusieurs cas de dissonance entre ce que les gens disent qu’ils font et ce qu’ils font réellement. Si je veux comparer un être humain avec un animal, en termes de mécanismes psychologiques, ce dernier ne me dira rien car il ne parle pas.

L’idée d’observer le comportement plutôt qu’écouter à ce que les gens ont à dire semble être plus ancienne que les travaux de Skinner. Un philosophe Britannique, Bernard Bosanquet , avait même fondé toute une théorie sociale moderniste sur ce concept (consultez « The Philosophical Theory of The State » ). Quoi qu’il en soit, depuis Skinner, le progrès dans l’analyse neurologique à rendue possible l’étude de ce qui se passe à l’intérieur de ce que, faute de mieux, nous appelons l’esprit. L’analyse strictement béhavioriste est en train de se transformer, d’une position théorique en un outil de plus en plus pratique de recherche appliquée. Il y a beaucoup de situations où observer le comportement est la méthode la plus immédiate, la plus intuitive et en même temps la plus payante pour créer des stratégies du quotidien, à appliquer dans des business plans, des campagnes politiques etc. Lorsque, sur votre profil Twitter, une personne que vous n’avez jamais contactée auparavant commence à vous observer, tout en vous refilant occasionnellement des tuyaux sur des hôtels chouettes à visiter ou bien sûr des chaussures vraiment cool à acheter, il y a des fortes chances que cette personne n’existe pas et que ce soit un robot béhavioriste crée par une intelligence artificielle. Les entités d’intelligence artificielle appelées « moteurs béhavioristes » créent des entités d’observation – des robots qui se déguisent en des humains en ligne – qui observent notre comportement tout en nous fournissant des stimuli pour nous tester.

Dans un business plan, l’analyse béhavioriste est l’équivalent d’un costume Hugo Boss dans une réunion d’affaires. Un costume de marque ne garantit pas que la personne qui le porte soit extrêmement intelligente, mais il donne des fortes chances qu’elle soit suffisamment intelligente pour gagner suffisamment d’argent pour se payer le costume. L’analyse behavioriste d’un concept de business ne garantit pas que ça marchera à coup sûr, néanmoins ça garantit que l’auteur du business plan avait fait un effort efficace pour comprendre la mécanique du marché en question. Dans la recherche, l’approche béhavioriste peut servir comme une forme pratique du rasoir d’Ockham : avant de généraliser et de théoriser sur des systèmes et des paradigmes, on observe le comportement humain et on s’impose de rester près dudit comportement quel que soit le voyage intellectuel que l’on se paie.

J’avais donc formulé mes grandes lignes de recherche sur les villes intelligentes (consultez Smart cities, or rummaging in the waste heap of culture), pour m’aventurer un peu dans le domaine d’expérimentation (là, vous pouvez faire un saut vers Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher suivie par There are many ways of having fun with that experiment ) pour commencer enfin à généraliser sur l’analyse béhavioriste proprement dite (Any given piece of my behaviour (yours too, by the way) ). Maintenant, j’enchaîne sur tout ça avec cette assomption que les comportements routiniers, hautement ritualisés et abondamment régulés sont les premiers à être modifiés de façon profonde et par conséquent les premiers à conduire vers un changement socio-économique significatif. Plus accidentel et mois régulé est le schéma donné de comportement, plus il est difficile de dire à quel point il est modifiable.

Je sais que tout cela peut sembler bien abstrait et cette impression est largement justifiée. Tenez : dans Any given piece of my behaviour (yours too, by the way) j’avais tracé une courbe isoquante en ce qui concerne le comportement humain mais je ne sais pas encore quelle pourrait bien être la quantité constante sur cette courbe. Ouais, lorsque vous voulez de l’abstrait, tapez « Wasniewski » : je suis définitivement la bonne adresse pour vous servir des idées pas encore bien cuites. Je veux rendre ces idées un peu plus mûres, genre les laisser aller en ville sans se soucier qu’elles attaquent quelqu’un. Alors, je conçois une expérience pour tester. J’imagine un groupe des gens. A la rigueur, je peux leur effacer la mémoire et les placer dans une ville post-apocalyptique mais ce n’est pas absolument nécessaire. Je leur fais prendre des décisions qui suivent cette courbe béhavioriste que je viens tout juste d’inventer : en partant des décisions routinières et très ami-ami avec des règles de comportement (utiliser le transport urbain) ; en passant par des décisions en grand cycle (où dois-je organiser l’anniversaire de notre mariage ?) et en aboutissant à des trucs hardcore comme alerte à la bombe ou bien évacuation à l’improviste. Je donne à ces gens l’accès facultatif à un répertoire des technologies, par exemple celles typiques pour une ville intelligente. En pratique, cela voudrait dire, le plus vraisemblablement, que je place ces gens dans deux environnements distincts, genre Environnement A avec Toutes Ces Belles Technologies et Environnement B Sans Tous Ces Machins Modernes. Dans chaque décision que ces gens prennent, je peux observer la différence entre le comportement en la présence des technologies sous l’étude, d’une part, et celui entrepris sans ces technologies.

Une bonne expérience exige des bonnes mesures. Lorsque je me réfère au comportement humain, je peux mesurer le résultat ainsi que le processus de comportement lui-même. En ce qui concerne le résultat, je commence par penser en économiste que je suis et je peux me demander, par exemple, combien de temps vont avoir besoin mes deux groupes pour créer une structure de marché cohérente en ce qui concerne les ressources de la communauté. Il y a cette assomption que si le marché est possible en tant que tel (s’il n’est pas exclu par l’usage de la force, par exemple), le premier marché à apparaître sera celui de la ressource la plus vitale pour la communauté, le second marché à se former sera celui de la ressource qui vient en seconde position en termes d’importance et ainsi de suite. Comme je me tourne vers le processus de comportement, je peux par une observation qualitative : quelles sont exactement les actions prises par ces personnes pour arriver à un résultat donné ? Quelles séquences distinctes je peux identifier à cet égard ? Je peux mesurer le temps d’exécution, l’usage des ressources accessibles, le nombre de gens engagés dans le processus etc.

Maintenant je retourne à la logique que j’avais déjà exprimée dans Une boucle de rétroaction qui reviendra relativement pas cher suivie par There are many ways of having fun with that experiment : je donne aux ingénieurs la possibilité d’observer mes deux groupes des gens et je leur donne la tâche de concevoir des technologies qu’ils jugent le mieux adaptées à leur besoins, en se basant sur l’étude comportementale. J’ai donc des technologies conçues pour des gens qui n’ont pas de technologies de ville intelligente, d’une part, et des technologies faites pour des utilisateurs qui en ont déjà des versions différentes. Y aura-t-il des différences significatives entre ces deux groupes des technologies ? Que va-t-il se passer si, au lieu de donner la tâche d’invention à des ingénieurs humains, je la donne à de l’intelligence artificielle ? Quelle sera la différence entre la conception des technologies pour usage routinier et régulé et celle des technologies pour des cas d’urgence ?

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Voici le lien hypertexte de mon compte sur Patreon . Si vous vous sentez prêt à cofinancer mon projet, vous pouvez vous enregistrer comme mon patron. Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

[1] Skinner, B. F. (1953). Science and human behavior. Simon and Schuster

La guerre, l’espace, et l’évolution des sociétés

Mon éditorial

Ça fait un bout de temps que je n’ai rien écrit, en français, sur mon blog. Ce semestre d’hiver, il est chargé, chaque année : plus de 400 heures de classes, plus la nécessité de terminer le projet de recherche contracté avec le Ministère de la Science. En tout cas, en ce temps de Noël, j’ai enfin un peu de jeu dans mon emploi du temps et c’est avec un plaisir indéniable que je consacre un peu de ce temps à une mise à jour de mon blog de recherche.

L’une des choses qui se sont ancrées le plus dans mon esprit, durant ces deux ou trois dernières années de recherche, c’est la notion d’intelligence collective. Je l’ai abordée, d’une façon ou d’une autre, à maintes reprises : en étudiant les stratégies des grandes multinationales, les politiques fiscales des gouvernements, ou enfin le phénomène de changement technologique. Chaque fois, je m’étais engagé dans ce sentier intellectuel marqué par la question générale : « Comment est-ce que nous prenons nos décisions collectives et à quel point cette prise de décision peut être considérée comme une manifestation d’intelligence collective ? ».

Récemment, je suis tombé sur toute une série d’articles, écrits surtout par des historiens américains, qui documentent un créneau de recherche tout récent : la réinterprétation quantitative des processus historiques. En gros, vous faites un modèle mathématique des phénomènes historiques, surtout ceux de longue durée, où l’impact d’évènements accidentels est relativement le moindre, et vous testez le modèle sur les données empiriques réelles. A premier abord, ça a l’air un peu exotique, d’exprimer le développement et le déclin de l’Empire Romain, par exemple, comme un ensemble de nombres. Réflexion faite, c’est pratiquement la même chose que ce que nous faisons en sciences économiques, en démographie ou bien dans les sciences de l’environnement. Même dans le monde d’affaires, nous rencontrons la même chose sous l’étiquette d’analyse de risque systémique.

Le premier article qui m’est venu sous la main (sous le cerveau ?) a été publié en 2013 par un groupe de quatre chercheurs – Peter Turchin, Thomas E. Currie, Edward A. L. Turner, et Sergey Gavrilets (Turchin et al. 2013[1]) – sous un titre un peu provocatif : « La guerre, l’espace, et l’évolution des sociétés complexes de l’Ancien Monde ». Les auteurs présentent un concept intéressant : celui de l’ultrasocialisation. Apparemment, la formation des larges sociétés, capables de créer des systèmes politiques relativement stables, est soumise à un paradigme différent de celui qui dirige la formation des petites communautés locales, comme tribus ou villages. Dans une communauté locale, les institutions de la vie sociale se présentent à leurs participants comme un mécanisme d’échange direct. Chaque institution mise en place donne aux membres d’une telle société des bénéfices quasi-instantanés : plus de sécurité, plus de nourriture etc. Avec les institutions propres aux larges sociétés politisées, c’est différent. Le sacrifice d’autonomie personnelle, ainsi que celui des ressources privées (impôts !) ne trouve pas de contrepartie immédiate dans les bénéfices communs. Ces derniers sont plutôt diffus et aléatoires du point de vue d’un individu. Il faut un mécanisme spécial pour pousser des petits groupes locaux à créer ce que Turchin et al. appellent « structures ultrasociales ». L’hypothèse centrale de ces chercheurs est qu’une compétition intense entre les sociétés locales peut les pousser à ultrasocialiser, et que la manifestation la plus évidente d’une telle competition est le conflit armé, accompagné du développement des technologies militaires. Turchin et al. testent un modèle mathématique qui postule une corrélation significative entre l’apparition et la diffusion des technologies militaires – le charriot de combat, par exemple – d’une part, et l’émergence des institutions ultrasociales d’autre part. Le modèle est posé et testé comme un ensemble d’hypothèses en ce qui concerne la corrélation entre les variances respectives de distribution spatiale des technologies militaires et des institutions politiques. La variance de distribution spatiale des premières explique 65% de la variance de distribution spatiale des dernières, entre l’année 1500 avant Jésus Christ et 1500 de notre ère. Ces résultats ont l’air respectable et ils m’inspirent pour formuler ma propre hypothèse de travail : l’intelligence collective, comprise comme la capacité de développer des schémas récurrents de comportement comme réponse aux évènements passés, mémorisés d’une façon intersubjective, se manifeste à deux niveaux, celui de la socialisation des petites communautés locales d’une part et celui de l’ultrasocialisation dans le cadre des grandes structures politiques d’autre part.

Quant à la méthode employée par Turching et al., elle s’appuie sur une différentiation primaire de la population en des cellules territoriales de base (tribus, villages etc.) qui, en elles-mêmes, ne possèdent pas d’institutions ultrasociales. Ces cellules peuvent entrer en des relations de coopération ou bien de rivalité, avec la première étant proportionnelle à la dernière. Autrement dit, plus de rivalité incite à plus de coopération. Contre des adversaires sérieux, il faut sérieusement serrer les boucliers. A tout moment donné, chaque ensemble donné de ces cellules territoriales de base est soumis à une double pression dans les sens contraires : il y a une force d’intégration et d’ultrasocialisation, opposée à une force entropique de socialisation locale. Les deux forces sont représentées, mathématiquement, comme des probabilités d’occurrence des phénomènes inclus dans l’une catégorie ou dans l’autre. La méthodologie me donne de l’inspiration, quoi que j’ai deux sortes de doute à propos du modèle. Ce que les auteurs interprètent comme une causalité semble être une corrélation de mon point de vue. Point de vue empirique, Turchin et al. étudient les variances des distributions spatiales des phénomènes qu’ils catégorisent, respectivement, comme ultrasocialisation et la diffusion des technologies militaires. Somme toute, avec la présence des technologies militaires, raisonnablement confirmée par les sources historiques, il y a 65% de chances que des structures ultrasociales y soient présentes aussi. Il faut bien les souligner : qu’elles y soient présentes, non pas qu’elles émergent après. C’est bien le problème de recherche au sujet des phénomènes complexes : il est difficile de faire la différence entre la causalité et la corrélation, ou, en d’autres mots, entre l’approche déterministe et celle plus probabiliste. Avec les résultats empiriques présentés par Turchin et al., je peux faire une interprétation transversale, en quelque sorte, à la leur : une fois qu’une structure ultrasociale est présente quelque part, il y a une forte probabilité que les technologies militaires y soient présentes aussi, c’est-à-dire la présence des structures politiques fortes peut avoir un effet d’accélérateur sur le développement des technologies militaires.

Mon second doute concerne la façon de définir une technologie. Lorsque je dis « technologie militaire », je fais un raccourci logique. Une technologie, à proprement dit, est une certaine façon d’utiliser et de transformer l’énergie, ainsi que de produire une utilité. Le militaire est une application des technologies, pas un champ technologique à part. Ceci dit, le raisonnement utilisé par Turchin et al. est certainement pertinent dans la mesure où ces auteurs montrent l’importance du nexus « compétition entre groupes <> changement technologique <> changement institutionnel ». Moi, j’approche la compétition surtout comme un phénomène lié à la présence d’une hiérarchie, tout comme une manifestation d’expérimentation intense.

[1] Turchin P., Currie, T.E.,  Turner, E. A. L., Gavrilets, S., 2013, War, space, and the evolution of Old World complex societies, Proceedings of The National Academy of Science, vol. 110, no. 41, pp. 16384 – 16389

 

 

Echange d’idées avec professeur Rwengabo

Mon éditorial, droit d’Amplepuis

Je suis en train de combiner ma propre toile intellectuelle avec celle de professeur Sebastiano Rwengabo, qui m’a demandé, il y a deux jours, de commenter son rapport technique intitulé ‘Efficiency, Sustainability, and Exit Strategy in the Oil and Gas Sector: Lessons from Ecuador for Uganda’(Rwengabo 2017[1]). Au début de juillet, j’avais déjà formulé mes commentaires à propos de l’article écrit par professeur Rwengabo au sujet des systèmes politiques de Sudan du Sud et celui de la Tanzanie (consultez ‘Nation building’ ). Cette fois, le sujet est différent, quoi qu’après une première lecture j’ai pu constater que ce rapport technique reste très près des questions de nature institutionnelle. Par ailleurs, vous pouvez voir et télécharger le texte complet soit à à son emplacement d’origine dans la communauté Research Gate soit de mon archive personnel sur mon site Discover Social Sciences. Hier, dans ma mise à jour en anglais, j’ai déjà commencé à défricher un peu le terrain pour une lecture approfondie de ce rapport (consultez “A few words about professor Rwengabo’s last report, or the Bayesian rectangle of reality” ) et aujourd’hui j’ai l’intention d’approfondir ma lecture.

Je suis mes habitudes de lecture et j’avance de la fin du document vers son début, plutôt que par ordre de présentation. Je lis donc la partie finale du rapport proprement dit : les « Recommandations », juste avant les annexes. En partie, ce sont des trucs habituels, comme « développer la capacité institutionnelle » etc. Avec tout le respect que j’ai pour professeur Rwengabo, c’est du vernis. C’est comme une couche de mots habituellement attendus dans des rapports comme ça et cette couche couvre ce qui est vraiment intéressant. Le premier truc intéressant est l’idée de légitimation forte dans le gouvernement, pour faire quoi que ce soit de positif au sujet du secteur pétrolier. Je vois cette idée pour la deuxième fois chez professeur Rwengabo (il l’a déjà présenté dans cette article au sujet des systèmes politiques) et il se fait que je partage très largement son point de vue, avec une logique sous-jacente qui diffère un peu. Professeur Rwengabo part d’une assomption très réaliste que dans les pays en voie de développement ainsi que dans les marchés émergents, soit un gouvernement a un mandat politique vraiment fort, soit ce n’est pas vraiment un gouvernement. Dans des sociétés troublées, en voie de bâtir une identité nationale, il n’y a pas de place pour des gouvernements faibles. Du point de vue de ces nations, un gouvernement faible est une perte de temps et d’argent.

Moi, j’approche la même idée générale sous un autre angle. Bien que mon pays natal, la Pologne, ait toujours un système politique un peu vacillant, je peux dire en toute honnêteté que je n’ai jamais eu l’expérience de troubles politiques aussi profonds que ceux dont parle professeur Rwengabo. Mon expérience personnelle est celle d’un état plutôt stable : même dans les années 1989 – 1992, quand le système politique de la Pologne se transformait radicalement, il y avait toujours des ambulances et des voitures de police dans les rues, l’infrastructure marchait etc. Néanmoins, mon intuition de base est que tout gouvernement a une base capitaliste, c’est-à-dire une capacité de contrôler des flux de capital suffisamment substantiels pour assurer un pouvoir économique réel. La légitimation politique, au moins dans un système ne serait-ce qu’imparfaitement démocratique, est comme une paire de rênes qui sert à contrôler les mouvements de ce cheval indocile qu’est la classe politique. Lorsque je parle d’un gouvernement fort, moi, j’ai dans la tête deux genres de pouvoir : le pouvoir économique confié par le contrôle du capital d’une part, et la légitimation populaire d’autre part. Sans cette dernière, le gouvernement peut très vite tourner en un parasite sur sa propre nation.

Bon, alors moi et professeur Rwengabo, nous sommes d’accord sur un point, au moins : une politique industrielle réaliste et ambitieuse (une politique pétrolière dans ce cas précis) requiert une légitimation forte dans le gouvernement. En même temps professeur Rwengabo propose que les deux gouvernements qu’il avait étudiés – Uganda et Ecuador – développent un pouvoir économique significatif pour être prêts à reprendre le contrôle capitaliste de leurs secteurs pétroliers. Moi, je suis sceptique sur ce point. Je suis profondément convaincu qu’il est irréaliste d’espérer qu’un gouvernement maintienne le contrôle des quantités de capital substantielles à titre d’un en-cas. Le capital, ça donne du pouvoir et le pouvoir ça n’aime pas rester sans occupation. Chez moi, en Pologne, nous avons une expérience exhaustive de fonds publics spéciaux, ces soi-disant fonds à mission. On en a eu un chargé de gérer notre dette publique, en en a couramment un chargé d’assister les personnes handicapées et je vais vous dire, selon ma propre opinion, Enron ou Lehmann Brothers c’est du légal et de l’honnête en comparaison à la gestion de ces fonds-là. Oui, je sais, il y a des pays où ça marche : la Finlande, par exemple. Seulement, en toute honnêteté, je ne sais pas exactement comment ils font, en Finlande, pour brider les appétits des cadres politiques et managériaux en charge de ce capital. Ils ont quelque chose, ces Finlandais, que la plupart des nations semble ne pas avoir. Les lacs, peut-être. Ils ont une quantité folle de lacs, là-bas. Les lacs, ça calme l’esprit.

Dans la même ligne de raisonnement, professeur Rwengabo propose le développement d’entreprises nationales fortes, aussi bien dans le secteur pétrolier en tant que tel, que dans son contexte large : l’industrie minière et le secteur de l’énergie. La sagesse de cette proposition est que le secteur pétrolier est au carrefour de ces deux grands domaines technologiques et que tous les deux offrent, de nos jours, la possibilité de créer plusieurs mélanges de projet et chacun de ces mélanges spécifiques se traduit en un autre bilan d’opportunités et de risques pour la nation concernée. Là, encore une fois, je prends mes distances un peu. Je sais qu’une politique technologique nationale, ça peut marcher, seulement je sais aussi qu’elle risque de freiner les changements technologiques à la base de la pyramide, là où il n’y a pas de possibilité de traduire les idées « de garage » en une pression politique suffisante pour convaincre les bonzes du gouvernement.

Quand professeur Rwengabo parle de créer des politiques industrielles au niveau du gouvernement, avec un pouvoir capitaliste à l’appui, je reste sur mes gardes. Je ne suis pas totalement contre, je suis juste un peu méfiant. En revanche, il y a un truc qui m’intéresse vraiment dans ce rapport de professeur Rwengabo : c’est cette technologie d’utiliser comme source d’énergie le gaz naturel associé, celui que vous pouvez voir flamboyer dans les champs pétroliers et qui reste, fréquemment, juste un problème improductif. L’idée générale de cette technologie est qu’on peut moderniser les exploitations pétrolières un peu vieillottes – où ce gaz associé est brûlé de façon improductive – de façon à les transformer en des entités radicalement différentes, qui combinent l’activité minière avec la génération d’énergie et peuvent contribuer beaucoup plus et mieux à leur environnement social et même à l’environnement naturel. Je sais que l’idée d’une exploitation pétrolière qui bénéficie à son environnement naturel peut sembler un peu étrange, mais la logique est simple. Toute industrie, industrie minière comprise, ça consomme des quantités folles d’énergie mécanique nécessaire pour faire marcher toutes ces machines. Cette énergie mécanique est fournie soit par la consommation de carburant in situ, soit par l’électricité puisée dans le réseau local. Si une exploitation minière utilise le gaz associé – qui se dégage naturellement d’en-dessous le sol au cours de l’extraction du pétrole – comme source d’énergie, le bilan énergétique d’une telle exploitation change radicalement, même au point de la transformer en un fournisseur net d’énergie. J’ai placé sur mon site https://discoversocialsciences.com un rapport de l’UNFCC à ce sujet , que vous pouvez consulter pour avoir un point de vue un peu indépendant de celui de professeur Rwengabo.

Bon, je termine pour aujourd’hui. Je vais me balader un peu dans la petite ville charmante d’Amplepuis (c’est dans le Massif Central, près de Roanne), où je réside jusqu’au dimanche. J’enregistre un petit éditorial, comme toujours, pour me faire cette gueule de célébrité, et je mets le tout sur mes deux blogs jumelés : https://discoversocialsciences.com et https://researchsocialsci.blogspot.fr

[1] Rwengabo, S., 2017, Efficiency, Sustainability, and Exit Strategy in the Oil and Gas Sector: Lessons from Ecuador for Uganda, ACODE Policy Research Series No.81, 2017, Kampala, ACODE, ISBN: 978-9970-567-01-0