Des merveilles pour distinguer l’important du futile

Je commence cette mise à jour par le compte rendu d’une situation à la frontière de ma vie privée et professionnelle. Je veux la soumettre à une analyse aussi rigoureuse que possible, puisque c’est du bon matériel éducatif, surtout pour mon cours de gestion. Voilà la description des faits. Il y a six semaines, j’avais rencontré un vieil ami d’école à une réception d’anniversaire d’un autre ami d’école. Il m’avait demandé si je pourrais préparer un business plan pour son entreprise de recyclage. Plus précisément, il s’agissais d’un business plan pour accompagner une demande d’emprunt plutôt substantiel, quelques 4 millions d’euros. J’avais dit « Oui, bien sûr » tout en étant bien sûr que la conversation n’aura pas de suivi sérieux dans l’univers extra-réceptionnel, bien sûr.

La semaine dernière, néanmoins, ce vieil ami d’école m’a appelé pour donner ce suivi hautement improbable. On a eu un rendez-vous d’affaires, avec lui et son associé, vendredi dernier, le 27 Juillet. Depuis cette réception d’anniversaire, le projet avait gonflé. Il ne s’agissait plus du business plan pour accompagner une demande d’emprunt : maintenant (enfin, vendredi dernier) il s’agissait de toute une stratégie à préparer, dont la relocation des installations industrielles de l’entreprise des deux emplacements courants vers un troisième emplacement en train d’aménagement. J’avais été demandé aussi d’agir comme conseiller dans un dialogue difficile avec les autorités locales en ce qui concerne l’aménagement du terrain industriel qu’ils viennent d’acquérir. Le business plan instrumental et modeste avait évolué en une forme de vie économique presque autonome. Un phénomène tout à fait normal après des réceptions réussies.

Mes interlocuteurs m’avaient demandé quel serait mon honoraire. J’avais répondu qu’il me faut un peu de temps pour arranger tous ces faits nouveaux dans ma tête – ce qui était 100% vrai –  et que j’annoncerai mon honoraire par email ou bien, au plus tard, à l’entretien suivant prévu pour le 31 Juillet. Ce second entretien était supposé être une session de travail, où mes clients m’auraient montré leurs installations industrielles présentes et m’auraient présenté au directeur de la banque locale coopérative avec laquelle ils avaient déjà commencé de négocier le crédit en question.

On avait le rendez-vous prochain prévu pour le 31 Juillet. Pendant le weekend 28-29 Juillet j’ai fait un peu de recherche sur le secteur de recyclage du plastique ainsi que du recyclage en général. Je me suis fait une idée de l’accessibilité d’informations et sur les prix de rapports sectoriels offerts par les sociétés de conseil. J’ai préparé un contrat pour ce boulot et le 30 Juillet, dans la matinée, je l’ai envoyé par email à mon ami ainsi qu’à son associé. J’avais fixé mon honoraire à 0,18% de la valeur d’emprunt que ces gars-là envisageaient, dont 0,06% comme rémunération fixe et 0,12% comme « success fee » payable après la signature du contrat avec la banque. Trois heures après l’email, l’ami m’appelle : « Tu sais, on a vu ce contrat et on renonce. Tu es trop cher pour nous. On annule ». Bon, pas de problème. J’ai terminé la conversation d’une façon amicale.

Voici les faits. Maintenant, l’analyse scientifique rigoureuse. Question no. 1 : Quelle est la catégorie générale pour laquelle cette situation est représentative ? Ici, je fais une démarche des plus fondamentale. Ça s’appelle : abstraction et généralisation. Pour étudier quel phénomène que ce soit de manière scientifique, j’ai besoin de le comparer avec d’autres phénomènes qui au moins semblent similaires. C’est une grosse différence entre l’approche scientifique et l’approche dramatique, la distinction au sujet de laquelle vous pouvez lire plus en étudiant la philosophie herméneutique ou bien la phénoménologie.

Pour établir le lien entre un phénomène particulier et une catégorie générale, le truc utile qui marche vraiment bien consiste à séquencer la situation, donc à la représenter comme une séquence plutôt qu’un évènement singulier. La séquence d’évènements, dans ce cas, comme je viens de les raconter, semble significative à partir de cet entretien vendredi 27 Juillet et je pense que je peux la représenter comme ceci :

Séquence de base (ce qui s’est réellement passé) :

Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : contact téléphonique, annonce du retrait  

Maintenant, question technique : est-ce qu’il y a dans cette séquence des fragments qui pourraient se dérouler d’une façon différente ? Je considère l’entretien initial comme donné. Rien à modifier à l’évènement A et B. J’aurais pu fixer mon honoraire intuitivement dès le premier entretien, comme mon pote et son associé m’ont initialement demandé. J’aurais donc pu modifier l’évènement C. Comment ceci aurait modifié le reste de la séquence, donc quelles séquences alternatives auraient pu avoir lieu ? Je peux formuler cinq alternatives, spécifiées ci-dessous :

Séquence alternative « 1 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est accepté et le projet commence => Évènement E (moi) : recherche préliminaire => Évènement F (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet  

Séquence alternative « 2 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : je propose un honoraire sur le champ => Évènement D (l’autre partie, mon pote) : l’honoraire est rejeté et on arrête tout

Séquence alternative « 3 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (moi) : envoi du contrat par email => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet 

Séquence alternative « 4 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire rejeté, on arrête tout  

Séquence alternative « 5 »

{Évènement A (commun) : Entretien => Évènement B (l’autre partie, mon pote) : demande de fixer mon honoraire} => Évènement C (moi) : déclin de fixer l’honoraire, demande de temps pour réfléchir => Évènement D (moi) : recherche préliminaire, préparation du contrat => Évènement E (commun) : l’entretien de travail le 31 Juillet, présentation du contrat => Évènement F (l’autre partie, mon pote) : honoraire accepté, on commence le projet, l’entretien de travail le 31 Juillet

 

L’analyse séquentielle indique une direction à suivre en ce qui concerne ce truc d’abstraction et de généralisation. En premier lieu, c’est une situation de négociation complexe entre un prestataire des services et un client potentiel. Je peux placer cette catégorie générale en des contextes différents. Le contexte le plus immédiat sont des situations où un chercheur académique comme moi reçoit une proposition préliminaire de travailler avec une entreprise, comme conseiller. Le contexte un peu plus large est fait de toutes les situations où un individu négocie avec une organisation sa coopération ponctuelle, à temps fixe et limité, sur un projet. Un contexte encore plus large est composé de tous les cas de négociation préalable à la prestation d’un service ou la fourniture d’un produit.

En termes éducatifs, je peux appliquer cette situation, ainsi que la façon de l’étudier, à la gestion des projets, au marketing et à la gestion des relations clients et enfin à la gestion des relations sociales en général. Le plat à emporter, jusqu’à maintenant, dans cette étude de cas, est le séquencement comme outil analytique de base. Comme mon grand compatriote, Alfred Comte Korzybski, aimait le dire, tout ce qui se passe se passe en séquence.

Maintenant, je pose la seconde grande question : quelles sont les conséquences possibles de cette situation ? Change-t-elle ma vie de façon significative ? Vous avez le terrain partiellement dégagé sur celle-là : séquencez. Lorsque nous parlons des conséquences d’un évènement, il y a deux séquences alternatives de base : celle qui inclue cet évènement, contre celle où cet évènement est absent. Ces deux sentiers essentiels se décomposent en des sous-sentiers détaillés, comme cette situation précise pourrait être présenté dans ma vie de plusieurs façons différentes ainsi que son absence pourrait prendre plusieurs formes distinctes.

Voilà qu’une autre méthode analytique trotte sur ce terrain partiellement nettoyé par l’application d’analyse séquentielle : l’analyse praxéologique. Cette fois, je me concentre sur l’expression « de façon significative » dans la formulation de la question. Je définis mes objectifs et le sentier le plus rationnel de les atteindre et sur ce fond, je dessine cette situation précise. La question technique est : « Dans quelle mesure cette situation influence mes objectifs à long terme ou bien mon sentier vers leur achèvement ? ». Le schéma analytique que j’aime appliquer dans des cas comme celui-ci est la liste des questions classique de la Programmation Neurolinguistique :

  • Qu’est-ce que je veux achever ou atteindre dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Comment saurais-je que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puis-je mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • Comment les autres sauront-ils que j’ai achevé ou atteint ce que je veux ? Puissent les autres mesurer l’achèvement de ce que je veux ? Si oui, comment ?
  • En résumé de (1) – (3), comment puis-je décrire, avec détail, la situation que je veux avoir dans 10 ans à partir d’aujourd’hui ?
  • Quels obstacles peuvent apparaître sur mon chemin ? Si tous ces obstacles surviennent de façon concurrente, quel scénario alternatif et négatif peut se produire ? Maintenant, si j’enlève ces obstacles un par un de mon chemin futur, quels seraient les scénarios intermédiaires ?
  • Que puis-je faire systématiquement, tous les jours, pour achever ce que je veux ? Quelles protections dois-je prendre contre les risques énumérés dans (5) ? Quels points de contrôle (objectifs intermédiaires) je ferais bien de me fixer ?

Vous avez pu remarquer que cette liste est applicable à plusieurs cas différents. Vous pouvez l’utiliser pour une stratégie personnelle, mais vous pouvez aussi bien en faire une mutation pour la stratégie d’une organisation. En ce qui concerne mes propres plans, j’en donne un résumé concis et simple. Je vois deux moments importants dans ma vie : ce qui se passe ici et maintenant ainsi que ce qui restera de mes actions après ma mort et que je laisserai comme mon héritage. Ça, ce sont des trucs importants. Tout le reste, c’est du paysage. Les trucs importants, j’y engage mon cœur et mon intellect, tous les jours. Le paysage, je le contemple, je l’admire, mais je ne m’en fais que de façon instrumentale. Je sais que ce que je fais bien c’est la recherche, l’éducation et le support quotidien que je donne à certains de mes proches. Certains, pas tous, car j’ai appris que ce support est de l’énergie, cette énergie est limitée et elle vaut la peine d’être dépensée uniquement dans certaines relations humaines.

Je peux prédire avec une dose raisonnable de probabilité ce que j’achèverai si je fais ces choses tous les jours. Maintenant, je passe à la question suivante : dans toute cette situation avec mon ami, sa proposition de coopération et mon approche personnelle, ai-je fait une erreur ? C’est une question presque automatique lorsqu’on perd une occasion. Si oui, en quoi mon erreur consistait-elle ?

Pour aborder cet aspect, j’introduis encore une autre méthode d’analyse des évènements : l’approche éthique. Dans son essence, l’éthique consiste à attribuer une valeur à chacune de nos actions ainsi qu’à hiérarchiser ces actions selon ladite valeur. L’analyse éthique telle que je la pratique est fortement teintée de praxéologie. J’assume que j’ai une énergie personnelle limitée à dépenser et que je me dois de la concentrer sur les actions les plus valeureuses.

Mon analyse éthique commence avec la question toute simple : « Est-ce que toute cette situation a produit un résultat de valeur quelconque ? ». De mon point de vue, la structure du contrat que j’ai préparé est une valeur. J’ai dû réfléchir vraiment à fond sur mon rôle, en tant que consultant, dans une situation comme celle-ci, lorsqu’un entrepreneur me demande de préparer un business plan qui, à son tour, est supposé de servir pour mettre une sorte d’ordre général dans une entreprise en pleine ébullition. Ce contrat, il implique une certaine démarche et une philosophie d’action, où la mesure-clé dudit l’ordre est la capacité de l’entreprise de maintenir un flux non-négatif de trésorerie, donc de maintenir une liquidité financière essentielle.

Cette liquidité veut dire que si elle est bien solide, le taux d’intérêt sur un gros emprunt comme c’était le cas ici, dans les 4 millions d’euros, peut osciller dans les 3,5% par an. En revanche, si pour des raisons variées ce flux de trésorerie vacille et devient négatif, l’emprunt passe dans une catégorie de risque plus élevé. Le taux d’intérêt grimpe alors aux environs de 5% ÷ 6%. La différence entre les deux est donc de 1,5% – 2,5% du capital emprunté par an. Avec un emprunt sur 10 ans, ça monte à quelques 15% ÷ 25% du capital emprunté. Voilà ce que je voudrais épargner à mon client si je prépare un business plan pour un projet d’investissement industriel important.

Maintenant, une chose importante : est-ce un échec de ma part de ne pas avoir eu ce contrat ? Honnêtement, je n’arrête pas de me le demander. D’une part, oui, bien sûr. Il vaudrait mieux d’avoir ce contrat que ne pas l’avoir, c’est évident. D’autre part, lorsque je calcule la proportion arithmétique entre l’honoraire que je voulais et les conséquences financières possibles de quel facteur de risque que ce soit, dans cette entreprise particulière, mon pognon il a l’ai ridiculement insignifiant. Je pense donc que lorsque mon pote m’a dit que j’étais trop cher pour eux, cela voulait dire, en fait, que la lecture calme du contrat leur a fait prendre conscience, à mon ami et à son associé, que soit ce n’est pas du tout un consultant dont ils ont besoin soit que ma philosophie dans ce projet n’était pas du tout la leur. Dans les deux cas, ils ont bien fait de l’annoncer dès le début, cartes sur table. C’était honnête et raisonnable.

Voilà donc que je viens d’utiliser une situation de ma propre vie pour tester l’approche pédagogique que je voudrais développer dans mes cours. Pas no. 1, comprendre ce qui se passe. La compréhension vient plus facilement lorsqu’on décompose les évènements comme des séquences. Pas no. 2, placer ce qui se passe dans un contexte plus large et ce contexte plus large, il est principalement fait de nos objectifs et des structures de notre action. L’analyse praxéologique fait des merveilles pour distinguer l’important du futile, ici. Pas no. 3, donner une dimension éthique à la situation et comprendre les valeurs en jeu. Pas mal comme méthode d’enseignement. Ça a de l’élan et de la profondeur.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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Sans une once d’utopisme

 

Je suis en train de diriger ma recherche sur le projet EneFin vers l’application dans les pays en voie de développement. J’ai fait un pas dans cette direction dans ma dernière mise à jour en anglais : « Which salesman am I ? ». Cette fois, je plonge un peu dans l’étude quantitative. C’est à la fois une exploration scientifique et une révision en ce qui concerne la méthode de recherche caractéristique pour l’économie.

Alors voilà, dans « Which salesman am I ? » j’avais introduit une première équation quantitative, qui formalise une hypothèse de base : plus d’énergie veut dire plus de produit intérieur brut dans un pays. Dans des endroits vraiment pauvres, où l’utilisation occasionnelle des générateurs diesel est la seule source d’électricité, l’introduction de quelle source d’énergie que ce soit ouvre des possibilités nouvelles pour les gens du coin. A mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Je prends l’équation que j’avais déjà testée dans « Which salesman am I ? », soit : ln(PIB par habitant) =a* ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant. Les « Ln » sont des logarithmes naturels des variables observées. Façon de les calmer un peu, ces variables. Le logarithme naturel, ça soigne merveilleusement bien des cas de non-stationnarité, par exemple. Par ailleurs, je pense qu’il serait utile à mes lecteurs de disposer de la même source des données quantitatives que moi j’utilise. Alors voilà le lien hypertexte pour télécharger le fichier Excel avec ces données-là. Je prends donc cette équation de base et je commence à la tester avec l’addition d’une seconde hypothèse : à mesure que la base énergétique d’une communauté devient de plus en plus riche, l’addition d’une source d’énergie nouvelle devrait, en théorie, apporter un gain décroissant, mais du gain quand même.

Ce que je fais avec mon équation consiste à modifier soit l’équation elle-même soit les données empiriques dans le test pour refléter cette hypothèse additionnelle. Il y a une mesure de pauvreté relative que j’utilise souvent dans ma recherche : c’est le déficit alimentaire par personne par jour, mesuré en kilocalories, publié par la Banque Mondiale. Je commence à l’explorer en l’introduisant par la porte de cuisine en quelque sorte : je laisse l’équation comme elle est, mais je divise ma base des données en des sous-ensembles d’observations où chaque sous-ensemble correspond à une intervalle (un sextile, pour être exact) de déficit alimentaire. Si vous voulez, c’est un peu comme si quelqu’un (enfin, moi) me présentait un concept d’entreprise et moi, je commence à poser des questions embarrassantes du genre « Alors, qu’est-ce qui se passe si au lieu du marché X tu essaies de développer le même concept dans le marché Y ? ».

Dans Tableau 1, ci-dessous, je présente les résultats des tests conduits dans ces sous-ensembles. Je reviens juste après (je veux dire après Tableau 1) pour jouer un peu le prof.

Tableau 1 L’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant testée dans des contextes différents de déficit alimentaire

Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : pas de déficit alimentaire observé, N = 3 709, R2 = 0,749
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,931 (0,009) p < 0,001
Facteur constant 2,276 (0,066) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 251 et 740 kilocalories par jour par personne (pays les plus pauvres), N = 265, R2 = 0.265
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,797 (0,082) p < 0,001
Facteur constant 2,634 (0,502) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne, N = 298, R2 = 0,522
Ln(Consommation d’énergie par personne) 1,152 (0,064) p < 0,001
Facteur constant 0,822 (0,398) p = 0,04
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 168 et 110 kilocalories par jour par personne, N =293, R2 = 0,483
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,711 (0,043) p < 0,001
Facteur constant 3,618 (0,275) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 109 et 61 kilocalories par jour par personne, N = 270, R2 = 0,519
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,852 (0,05) p < 0,001
Facteur constant 2,778 (0,333) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 60 et 28 kilocalories par jour par personne, N = 312, R2 = 0,375
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,555 (0,041) p < 0,001
Facteur constant 5,11 (0,292) p < 0,001
       
Variable expliquée : ln(PIB par personne), sous-ensemble : déficit alimentaire entre 27 et 0 kilocalories par jour par personne, N = 311, R2 = 0,753
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,833 (0,027) p < 0,001
Facteur constant 3,238 (0,211) p < 0,001

Bon, je joue le prof. Je commence par expliquer la signification des nombres. Ce sont des équations linéaires du type y = a*x + b. Le « b » c’est le facteur constant, donc, si vous voulez, la partie de y qui s’en fiche essentiellement du x et reste la même quoi que fasse x. La proportion entre le coefficient « a » et la constante « b » donne une idée de la sensitivité relative d’y vis à vis une variance dans le x. De ce point de vue, le PIB par tête d’habitant garde généralement une inertie substantielle vis à vis la consommation d’énergie par personne et ceci à travers la plupart des sextiles de déficit alimentaire. L’intervalle entre 250 et 169 kilocalories par jour par personne fait exception à cette règle : les proportions entre le coefficient de régression et la constante y sont inversées. Tout comme si dans cette catégorie particulière l’économie était particulièrement apte à absorber chaque joule additionnel.

Cette inertie prise en compte, le coefficient de détermination R2 montre quelle partie de la variance du PIB par habitant est expliquée par la variance de la consommation d’énergie par habitant. Ces valeurs du R2 que vous pouvez voir dans Tableau 1 sont tout à fait respectables. Lorsqu’on met ensemble les proportions « coefficient – constante » et le R2, une corrélation plutôt robuste apparaît. Robuste comme elle est, il y a comme l’ombre d’une dépendance vis à vis la classe de déficit alimentaire. Je fais donc un pas de plus sur ce sentier d’exploration et j’inclue le déficit alimentaire explicitement dans l’équation, qui de ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant se transforme en  ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant.

Je teste. Bien sûr, je teste sur ces observations « pays – année » où déficit alimentaire apparaît. Le sous-ensemble « pas de déficit alimentaire observé » reste donc en dehors du modèle. Dans Tableau 2, ci-dessous, vous pouvez voir les résultats du test. Un petit commentaire est de rigueur. Le déficit alimentaire, tel qu’il est publié par la Banque Mondiale, est une valeur arithmétiquement positive mais essentiellement négative : plus élevée est cette valeur comme nombre, plus profondément négatif est son impact sur la population locale. Dans Tableau 2 vous pouvez voir que le logarithme naturel du déficit alimentaire porte un coefficient négatif de régression. Cela veut dire que plus élevé est ledit déficit, moins élevé est le PIB par tête d’habitant. C’est logique, la tête d’habitant à besoin de manger pour bosser et gagner du pognon.

Tableau 2 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergie par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 749, R2 = 0,738
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergie par personne) 0,779 (0,019) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,258 (0,015) p < 0,001
Facteur constant 4,399 (0,175) p < 0,001

Je vais un peu plus à fond dans l’interprétation du Tableau 2. Lorsque j’inclus le déficit alimentaire dans mon équation, c’est comme si j’émoussais l’influence de la consommation d’énergie par personne sur le PIB par personne. Vous pouvez voir le facteur constant gonfler considérablement et le coefficient de régression attribué à la consommation d’énergie par personne perdre de son ampleur. Somme toute, c’est cohérent avec ce que j’ai déjà découvert à propos de la balance entre la consommation de l’énergie et celle de nourriture : toutes les deux, elles font comme une base de durabilité pour tout système social.

Lorsqu’il m’est arrivé d’étudier de plus près des cas particuliers des pays dans des différentes classes de déficit alimentaire, j’en suis venu à la conclusion que, bien qu’étant principalement une mesure d’abondance ou pénurie relative de nourriture, cette variable est aussi une mesure d’inégalités dans la société. Ceci est lié à la méthodologie du calcul. On commence par vérifier si dans un pays donné il y a des personnes en situation de malnutrition systématique. Si tel n’est pas le cas, le pays est catégorisé avec déficit alimentaire zéro. Si, en revanche, il y a malnutrition systématique, on continue par répertorier toutes les personnes en une telle situation et calculer leur déficit alimentaire total agrégé, je veux dire sur toute cette sous-ensemble de la population nationale donnée. Ensuite, on divise ce déficit calorique agrégé par la population totale du pays et voilà comment nous obtenons la valeur que vous pouvez voir dans les données de la Banque Mondiale.

Le petit truc caché dans cette méthodologie est le suivant : si on a un pays qui possède des ressources alimentaires à la limite de la suffisance mais les distribue d’une façon inefficace, il y aura de la malnutrition. Un autre pays, avec une base alimentaire similaire, mais plus efficace dans la distribution des produits alimentaires peut bien être dans une classe supérieure en termes de déficit alimentaire par personne.

Maintenant, je change mon angle d’approche et je remplace la consommation d’énergie par personne avec juste la consommation d’énergies renouvelables par personne. Pour rester cohérent avec ce qui précède, je teste donc deux équations :  ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant ainsi que sa sœur mal nourrie ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant. Vous trouverez les résultats de ces deux tests dans Tableaux 3 et 4 ci-dessous.

Tableau 3 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 3 064 , R2 = 0,011
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,062 (0,01) p < 0,001
Facteur constant 9,48 (0,083) p < 0,001

Tableau 4 Test de l’équation : ln(PIB par habitant) = a1*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + a2*ln(Déficit alimentaire) + facteur constant

Variable expliquée : ln(PIB par personne), N = 1 680, R2 = 0,492
Variable explicative Coefficient de régression Erreur standard (robuste) Signification de la corrélation selon le test t de Student
Ln(Consommation d’énergies renouvelables par personne) –        0,082 (0,008) p < 0,001
Ln(Déficit alimentaire par jour par personne) –        0,572 (0,016) p < 0,001
Facteur constant 11,614 (0,088) p < 0,001

Pour une surprise, c’en est définitivement une. Prise comme variable quantitative à l’échelle macroéconomique, la consommation d’énergies renouvelables se comporte d’une façon tout à fait différente de sa grande sœur, la consommation totale d’énergie. En dépit d’une signification élevée, selon le test t de Student, la corrélation entre la consommation des renouvelables et le PIB par personne reste faiblarde.

Tout phénomène a une explication rationnelle. Enfin, la plupart. Non, pas les matchs de foot. Alors ici, l’explication rationnelle, elle commence avec la compréhension de ce qu’est la consommation moyenne d’énergie par tête d’habitant. Ladite tête, donc vous, moi, mon voisin – on consomme tous l’énergie non-alimentaire de trois façons principales. Premièrement et le plus évidemment, nous utilisons l’énergie dans les technologies qui nous entourent : notre électroménager, notre électronique, le chauffage de la maison etc. Deuxièmement, quand on y pense, c’est le transport sous toutes ses formes. Finalement et le moins évidemment pour nous, chaque produit et chaque service que nous achetons contient, dans son coût de fabrication et livraison une partie correspondante à l’énergie. Une usine qui fait des lavabos, ça consomme de l’énergie et ça paie ses factures en conséquence. Lorsque j’achète un de ces lavabos, c’est comme si j’achetais la parcelle correspondante d’énergie consommée dans l’usine. Toute notre civilisation matérielle, dans chacune de ses manifestations, contient de l’énergie, solidifiée en quelque sorte.

Le coefficient de consommation d’énergie par personne est comme un panier qui contient toutes ces trois formes. En revanche, la consommation d’énergies renouvelables, c’est un coefficient calculé à la source, soit au niveau de la génération d’énergie électrique des sources renouvelables non-combustibles (hydro, éolien, géothermal, solaire) soit au celui de la combustion de la biomasse. Ce dernier cas de figure est particulièrement saillant dans le cas des pays africains, où le nominalement élevé coefficient des renouvelables vient précisément de l’usage des combustibles biologiques directement pour la chaleur ménagère, sans générer électricité.

La consommation d’énergies renouvelables par personne ne couvre donc pas l’usage indirect d’énergie à travers les biens et services consommées. Si je reviens donc à ces équations que vous avez pu voir testées, plus tôt dans cette mise à jour, le fait de truquer le coefficient d’énergie totale consommée par personne pour le coefficient d’énergie renouvelable par personne nous fait s’orienter vers une hypothèse différente. Dans l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergie par habitant) + facteur constant je teste l’hypothèse que plus d’énergie accessible dans une économie nationale est positivement corrélé avec plus de produit national brut. Vu l’interprétation méthodologique du coefficient de consommation d’énergie par personne, c’est tout à fait logique : plus d’énergie par tête d’habitant veut dire que ladite tête consomme plus de biens et services ainsi qu’elle bouge plus (transport). Les deux sont étroitement corrélés avec le Produit Intérieur Brut.

En revanche, lorsque je teste l’équation ln(PIB par habitant) = a*ln(Consommation d’énergies renouvelables par habitant) + facteur constant, je soumets à la vérification une hypothèse différente, selon laquelle plus d’énergies renouvelables générées à la source (électricité plus chaleur) est positivement corrélé avec le produit national brut. Oui, ça peut marcher, si cela veut dire création des nouveaux rôles sociaux et nouveaux marchés. Sinon, la corrélation devient vaseuse, tout comme ces coefficients ridiculement bas et négatifs dans la régression linéaire des logarithmes naturels.

Voilà donc que j’ai fait un large tour à travers l’analyse économétrique et maintenant je peux tirer des conclusions pertinentes à l’application de mon concept EneFin dans les pays en voie de développement, comme outil institutionnel dudit développement. Pour que la chose marche vraiment comme de cette façon, il faut que les installations locales, construites avec le financement façon EneFin, génèrent non seulement de l’électricité mais aussi des petits business et des emplois et ceci de façon réaliste, sans une once d’utopisme.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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Which salesman am I?

 

I am working on a specific aspect of the scientific presentation regarding my EneFin concept, namely on transposing the initial idea – a quasi-cooperative scheme between a local supplier of renewable energies and his local customers, in an essentially urban environment (I was thinking about smart cities) – into the context of poor, rural communities in developing countries. Basically, it was worth approaching the topic from the scientific angle, instead of the purely business-planning one. When I do science, I need to show that I have read what other scientists have written and published on a given topic. So I did, and a few articles have given me this precise idea of expanding the initial concept: Muller et al. 2018[1], Du et al. 2016[2], Wang et al. 2017[3], and Moallemi, Malekpour 2018[4].

I like feeling that the things I do are useful to somebody. I mean, not just interesting, but like really useful. When I write on this blog, I like the thought that some students in social sciences could use the methods presented in their own learning, or that some teachers in social sciences could get inspired. I’m OK with inspiring negatively. If some academic in social sciences, after reading some of my writing, says ‘This Wasniewski guy is one of the dumbest and most annoying people I have ever read anything written by, and I want to prove it by my own research!’, I’m fine with that. This is inspiration, too.

Science is like a screwdriver: the more different contexts you can use your screwdriver in, the more useful it is. This is, by the way, a very scientific approach to economic utility. The more functions a thing can perform, the greater its aggregate utility. So I want those things I write to be useful, and making them functional in more contexts increases their utility. That’s why applying the initial, essentially urban idea of EneFin to the context of alleviating poverty in developing countries is an interesting challenge.

Here is my general method. I imagine a rural community in some remote location, without regular access to electricity at all. All they have are diesel generators. According to Breyer et al. 2010[5], even in the most favourable conditions, the LCOE (Levelized Cost Of Electricity) for energy generated out of diesel is like 0,16 – 0,34 €/kWh. Those most favourable conditions are made of a relatively low price of crude oil, and, last but not least, the virtual absence of transportation costs as regards the diesel oil itself. In other words, that 0,16 – 0,34 €/kWh is essentially relevant for a diesel generator located right by the commercial port where diesel oil is being unloaded from a tanker ship. Still, we are talking about a remote rural location, and that means far from commercial ports. Diesel has to come there by road, mostly. According to a blog post which I found (OK, Google found) at the blog of the Golden Valley Electric Association, that cost per 1 kWh of electricity could even go up to US$ 0,64 = €0,54.

Technological change brings alternatives to that, in the form of renewable energies. Photovoltaic installations come at really a low cost: their LCOE is already gravitating towards €0,05. Onshore wind and small hydro are quite close to that level. Switching from diesel generators to renewables equals the same type of transition that I already mentioned in « Couldn’t they have predicted that? », i.e. from a bracket of relatively high prices of energy, to that of much lower a price (IRENA 2018[6]).

Here comes the big difference between an urban environment in Europe, and a rural community in a developing country. In the former, shifting from higher prices of energy to lower ones means, in the first place, an aggregate saving on energy bills, which can be subsequently spent on other economic utilities. In the latter, lower price of energy means the possibility of doing things those people simply couldn’t afford before: reading at night, powering a computer 24/24, keeping food in a fridge, using electric tools in some small business etc. More social roles define themselves, more businesses start up; more jobs, crafts and professions develop. It is a quantum leap.

Analytically, the initially lonely price of energy from diesel generators, or PD(t), gets company in the form of energy from renewable sources, PRE(t). As I have already pointed out, PD(t) > PRE(t). The (t) symbol means a moment in time. It is a scientific habit to add moments to categories, like price. Things just need time in order to happen, man. A good price needs to have a (t), if it is to prove its value.

Now, I try to imagine the socio-economic context of PD(t) > PRE(t). If just the diesel generators are available, thus if PD(t) is on its own, a certain consumption of energy occurs. Some people are like 100% on the D (i.e. diesel) energy, and they consume QD(t) = QE(t) kilowatt hours. The aggregate QE(t) is their total use of energy. Some people are to some extent on diesel power, and yet, for various reasons (i.e. lack of money, lack of permanent physical access to a generator etc.), that QD(t) does not cover their QE(t) entirely. I write it as QD(t) = a*QE(t) and 0 < a < 1. Finally, there are people for whom the diesel power is completely out of reach, and, temporarily, their QE(t) = 0.

In a population of N people, I have, thus, three subsets, made, respectively, of ‘m’ people who QD(t) = QE(t), ‘p’ people who QD(t) = a*QE(t) and 0 < a < 1, and ‘q’ people on the strict QE(t) = 0 diet. When renewable energies are being introduced, at a PRE(t+1) < PD(t+1) price, what happens is a new market, balanced or monopolized at the price PRE(t+1), and at the QRE(t+1) aggregate quantity, and people start choosing. As they choose, they actually make that QRE(t+1) happen. Among those who were QE(t) = 0, an aggregate b*QE(t+1) flocks towards QRE(t+1), with 0 < b ≤ 1. In the subset of the QD(t) = a*QE(t), at least (1-a)*QE(t+1) go PRE(t+1) and QRE(t+1), just as some c*QD(t) out of the QD(t) = QE(t) users, with 0 ≤ c ≤ 1.

It makes a lot of different Qs. Time to put them sort of coherently together. What sticks its head through that multitude of Qs is the underlying assumption, which I have just figured out I had made before, that in developing countries there is a significant gap between that sort of full-swing-full-supply consumption of energy, which I can call ‘potential consumption’, or QE(t), on the one hand, and the real, actual consumption, or QA(t). Intuitively, QE(t) > QA(t), I mean way ‘>’.

I like checking my theory with facts. I know, might look not very scientific, but I can’t help it: I just like reality. I go to the website of the World Bank and I check their data on the average consumption of energy per capita. I try to find out a reference level for QE(t) > QA(t), i.e. I want to find a scale of magnitude in QA(t), and from that to infer something about QE(t). The last (t) that yields a more or less comprehensive review of QA(t) is 2014, and so I settle for QA(2014). In t = 2014, the country with the lowest consumption of energy per capita, in kilograms of oil equivalent, was technically South Sudan: QA(2014) = 60,73 kg of oil equivalent = 60,73*11,63 kWh = 706,25 kWh. Still, South Sudan started being present in this particular statistic only in 2012. Thus, if I decide to move my (t) back in ‘t’, there is not much moving to do in this case.

Long story short, I take the next least energy-consuming country on the list: Niger. Niger displays a QA(2014) = 150,73 kg of oil equivalent per person per year = 1753,04 kWh per person per year. I check the energy profile of Niger with the International Energy Agency. Niger is really a good case here. Their total QA(2014) = 2 649 ktoe (kilotons of oil equivalent), where 2 063 ktoe = 77,9% consists in waste and biofuel burnt directly for residential purposes, without even being transformed into electricity. Speaking of the wolf, electricity strictly spoken makes just 55 ktoe in the final consumption, thus 55/2649 = 2% of the total. The remaining part of the cocktail are oil products – 506 ktoe = 19,1% –  mostly made domestically from the prevalently domestic crude oil, and burnt principally in transport (388 ktoe), and then in industry (90 ktoe). Households burn just 20 ktoe of oil products per year.

That strange cocktail of energies reflects in the percentages that Niger displays in the World Bank data regarding the share of renewable energies in the overall consumption of energy, as well as in the generation of electricity. As for the former, Niger is, involuntarily, in the world’s vanguard of renewables, with 78,14% coming from renewables. Strange? Well, life is strange. Biofuels are technically renewable source of energy. When you burn the wood and straw that grows around, there will be some new growing around, whence renewability. Still, that biomass in Niger is being just burnt, without transformation of the resulting thermal energy into electric power. As we pass to data on the share of renewables in the output of electricity, Niger is at 0,58%. Not much.

From there, I have many possible paths to follow so as to answer the basic question: ‘What can Niger get out of enriching their energy base with renewables, possibly using an institutional scheme in the lines of the EneFin concept?’. My practical side tells me to look for a benchmark, i.e. for another country in Africa, where the share of renewable energy in the output of electricity is slightly higher than in Niger, without being lightyears away. Here, surprise awaits: there are not really a lot of African countries close to Niger’s rank, regarding this particular metric. There is South Africa, with 1,39% of their electricity coming from renewable sources. Then, after a long gap, comes Senegal, with 10,43% of electricity from renewables.

I quickly check those two countries with the International Energy Agency. South Africa, in terms of energy, is generally coal and oil-oriented, and looks like not the best benchmark in the world for what I what to study. They are thick in energy, by the way: QA(2014) = 2 695,73 kg of oil equivalent, more than 100 times the level of Niger. Very much the same with Senegal: it is like Niger topped with a large oil-based economy, and with a QA(2014) = 272,08 kg of oil equivalent. Sorry, I have to move further up the ranking of African countries in terms of renewables’ share in the output of electricity. Here comes Nigeria, 17,6% of electricity from renewables, and it is like a bigger brother of Niger: 86% of energy comes from the direct burning of biofuels and waste, only those biofuels are like 50 times more than in Niger. Their QA(2014) = 763,4 kg of oil equivalent per person per year.

I check Cote d’Ivoire, 23,93% of electricity from renewable sources, and I get the same, biofuels-dominated landscape. Gabon, Tanzania, Angola, Zimbabwe: all of them, however is their exact metric as for the share or renewables in the output of electricity, have mostly biofuels as renewable sources. Ghana, QA(2014) = 335.05, Mozambique, QA(2014) = 427.6, and Zambia, QA(2014) = 635.5, present slightly different a profile, with a noticeable share of hydro, but still heavily relying on biofuels.

In general, Africa seems to love biofuel, and to be largely ignoring the solar, the wind, and the hydro. This is a surprise. They have a lot of sunlight and sun heat, over there, for one. I started all my research on renewable energies, back in winter 2016, on the inspiration I had from the Ouarzazate-Noor Project in Morocco (see official updates: 2018, 2014, 2011). I imagined that Africa should be developing a huge capacity in renewable sources other than biofuels.

There is that anecdote, to find in textbooks of marketing. Two salesmen of a footwear company are sent to a remote province in a developing country, to research the local market. Everybody around walks barefoot. Salesman A calls his boss and says there are absolutely no market prospects whatsoever, as all the locals walk barefoot. Salesman B makes his call and, using the same premise – no shoes spotted locally at all – concludes there is a huge market to exploit.

Which salesman am I? Being A, I should conclude that schemes like EneFin, in African countries, should serve mostly to develop the usage of biofuels. Still, I am tempted to go B. As the solar, the hydro and the wind power tend to strike by their absence in Africa, this could be precisely the avenue to exploit.

What is there exactly to exploit, in terms of economic gains? The cursory study of African countries with respect to their energy use per capita show huge disparities. The most notable one is to notice between countries relying mostly on biofuels, on the one hand, and those with more complex energy bases. The difference in terms of the QA(2014) consumption of energy per capita is a multiple, not a percentage margin. Introducing a new source of energy into those economies looks like a huge game-changer.

There is that database I built, last year, out of Penn Tables 9.0, and from stuff published by the World Bank, and that database serves me to do like those big econometric tests. Cool stuff. Works well. Everybody should have one. You can see some examples of how I used it last year, if you care to read « Conversations between the dead and the living (no candles) » or « Core and periphery ». I decided to test my claim, namely that introducing more energy per capita into an economy will contribute to the capita in question having more of average Gross Domestic Product, per capita of course.

I made a simple linear equation with natural logarithms of, respectively, GDP per capita, expenditure side, and energy use per capita. It looks like ln(GDP per capita) = ln(Energy per capita) + constant. That’s all. No scale factors, no controlling variables. Just pure, sheer connection between energy and output. A beauty. I am having a first go at the whole sample in my database, with that most basic equation.

Table 1

Explained variable: ln(GDP per capita), N = 5498, R2 = 0,752
Explanatory variable Coefficient of regression

 

(Robust) Standard Error Significance level at t Student test
Ln(Energy per capita)

 

0,947 (0,007) p < 0,001
Constant

 

2,151 (0,053) p < 0,001

Looks promising. When driven down to natural logarithm, variance in consumption of energy per capita explains like 75% of variance in GDP per capita. In other words, generally speaking, if any institutional scheme allows enriching the energy base of a country – any country – it gives a high probability of going along with higher an aggregate output per capita.

A (partial) summing up is due. The idea of implementing a contractual scheme like EneFin in developing countries seems to make sense. The gains to expect are actually much higher than those I initially envisaged for this business concept in the urban environments of European countries. If I want to go after a scientific development of this idea, the avenue of developing countries and their rural regions seems definitely promising.

I am consistently delivering good, almost new science to my readers, and love doing it, and I am working on crowdfunding this activity of mine. As we talk business plans, I remind you that you can download, from the library of my blog, the business plan I prepared for my semi-scientific project Befund  (and you can access the French version as well). You can also get a free e-copy of my book ‘Capitalism and Political Power’ You can support my research by donating directly, any amount you consider appropriate, to my PayPal account. You can also consider going to my Patreon page and become my patron. If you decide so, I will be grateful for suggesting me two things that Patreon suggests me to suggest you. Firstly, what kind of reward would you expect in exchange of supporting me? Secondly, what kind of phases would you like to see in the development of my research, and of the corresponding educational tools?

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[1] Müller, M. F., Thompson, S. E., & Gadgil, A. J. (2018). Estimating the price (in) elasticity of off-grid electricity demand. Development Engineering, 3, 12-22.

[2] Du, F., Zhang, J., Li, H., Yan, J., Galloway, S., & Lo, K. L. (2016). Modelling the impact of social network on energy savings. Applied Energy, 178, 56-65.

[3] Wang, G., Zhang, Q., Li, H., Li, Y., & Chen, S. (2017). The impact of social network on the adoption of real-time electricity pricing mechanism. Energy Procedia, 142, 3154-3159.

[4] Moallemi, E. A., & Malekpour, S. (2018). A participatory exploratory modelling approach for long-term planning in energy transitions. Energy research & social science, 35, 205-216.

[5] Breyer, C., Gerlach, A., Schäfer, D., & Schmid, J. (2010, December). Fuel-parity: new very large and sustainable market segments for PV systems. In Energy Conference and Exhibition (EnergyCon), 2010 IEEE International (pp. 406-411). IEEE.

[6] IRENA (2018), Renewable Power Generation Costs in 2017, International Renewable Energy Agency, Abu Dhabi, ISBN 978-92-9260-040-2

Disparition des raisons pour migrer

 

Je me suis mis à rédiger un article sur mon projet EneFin. Je me sens un peu bloqué niveau business plan, là-dessus, et je ne comprends pas exactement les raisons de ce blocage. Je me suis dit qu’une approche scientifique, qui me donne la possibilité de vraiment couper le cheveu en quatre, peut éclaircir mes idées un peu. Dans cette approche intello, le truc de base c’est la disparité observable des prix d’énergie. Pour que le concept EneFin aie quelle assise que ce soit dans la réalité économique, il faut au moins deux prix différents d’énergie, comme PA(t) et PB(t), pratiqués niveau détail, donc dans les ventes aux utilisateurs finaux de ladite énergie. Le (t) c’est un moment donné dans le temps. Eh ben oui, qu’est-ce que vous voulez ? Si j’ai de l’énergie et de l’espace, il me faut aussi du temps, autrement c’est pas très physique tout ça et si ce n’est pas physique, c’est forcément métaphysique et là, c’est une terra incognita où je ne dirige mes pas qu’après une consommation substantielle des substances intéressantes pour des raisons extra-économiques.

Alors, j’ai cette situation PA(t) > PB(t) et ça implique l’existence de deux groupes d’utilisateurs finaux d’énergie. Le sous-ensemble A(UF) paie le prix PA(t), pendant que les chanceux du sous-ensemble B(UF) paient juste le PB(t) pour leur kilowatt heure moyenne. Les questions théoriques que j’ai ouvertes sur ce sujet commencent par demander sous quelles conditions une telle disparité des prix peut pousser les A(UF)s à migrer vers B(UF) et combien sont-ils enclins à payer pour une telle migration.

Ensuite, j’assume qu’une telle migration serait attachée à une utilité économique en forme d’économies sur la facture d’énergie. Pour une consommation moyenne de Qi(t) des kilowatt heures par an par i-tième consommateur, les économies en question peuvent être calculées comme Si(t) = Qi(t)*[PA(t)PB(t)]. Une fois que notre i-tième consommateur les a faites, ces économies, il peut les convertir en d’autres types d’utilité économique. Parmi ces autres types il y en a un qui m’intéresse particulièrement : l’acquisition des titres de participation dans le capital social du fournisseur d’énergie. Voilà la première des deux chambres du cœur pratique de mon concept EneFin : le développement des structures quasi-coopératives à l’échelle locale, où les consommateurs d’énergie sont aussi des actionnaires de leur fournisseur.

Je vois donc un processus de migration de « p » consommateurs d’A(UF) vers B(UF) ; cette migration engendre un flux de trésorerie FT = p*Si(t) et ledit flux est ensuite alloué entre des utilités économiques différentes, dont l’investissement IFE(FT) dans le capital social des fournisseurs d’énergie. Ce qui m’intéresse côté théorie, à ce point-ci, est le mécanisme de sélection. Dans l’approche théorique la plus simple(iste ?), je peux représenter ça comme une maximisation analytique : il faut que je convertisse le mécanisme de sélection en une fonction polynomiale quadratique ou plus et que je cherche pour un maximum à travers l’analyse de ses dérivées du premier et second degré.

Si je veux être un peu plus sophistiqué, j’imagine un des états alternatifs des choses et j’essaie d’évaluer la probabilité que les consommateurs d’énergie gravitent vers chacune de ces réalités alternatives. Encore un pas de plus et je verse dans l’analyse béhavioriste, donc je représente cette transition d’A(UF) vers B(UF), suivie par l’investissement IFE(FT) dans le capital social des fournisseurs comme une séquence ordonnée des schémas de comportement. Ceci ouvre sur deux perspectives : la théorie des jeux d’une part et l’intelligence artificielle d’autre part. Dans la théorie des jeux, je me concentre sur les choix individuels des consommateurs et des fournisseurs et je modèle ces choix comme une adaptation complexe basée sur des règles du jeu social.

En ce qui concerne la théorie des jeux, je sens qu’une explication préalable ferait du bien, surtout à ceux de mes lecteurs qui se sentent comme moyennement initiés à la science. La théorie des jeux aime revêtir des habits ésotériques et prendre des allures comme celle présentée dans « The Ender’s Game », le roman célèbre de science-fiction par Philip Dick. En fait, la base théorique de la théorie des jeux est beaucoup plus simple. Nous agissons tous sous incertitude. Nous ne savons pas exactement ce que l’avenir nous apportera, surtout lorsqu’il s’agit d’actions complexes. Néanmoins, l’une des découvertes que nous faisons tous à mesure d’acquérir l’expérience de la vie est qu’en dépit de cette incertitude fondamentale nous agissons tous selon des schémas répétitifs et que ces schémas sont largement fondés dans l’observation de ce que font les autres. Le développement des stratégies d’action sous incertitude, basées sur l’observation d’actions d’autrui c’est bien ce en quoi consiste un jeu.

Voilà, c’est à peu près tout en ce qui concerne le charme ésotérique de la théorie des jeux. Les jeux formalisés que nous jouons – serait-ce le poker, les échecs ou le tennis – sont des rituels qui nous servent à nous entrainer à faire des stratégies dans la vie de tous les jours. Chaque jeu ritualisé, reconnu par notre culture, est une variation sur ce thème fondamental.

En ce qui concerne l’interprétation théorique de mon concept EneFin, je vois deux jeux différents. Le premier, c’est le jeu type cartes, où la stratégie essentielle consiste à prévoir correctement une distribution des cartes – un état futur incertain des choses – tout en formant des alliances temporaires et fluides avec les autres joueurs. Le second, c’est un jeu comme les échecs ou les dames. Ici, la stratégie de base se concentre sur l’action de développer le contrôle sur un territoire, en compétition avec un autre joueur. Le territoire en question est aussi bien un territoire au sens strict du mot qu’une structure sociale : un chemin de carrière dans une multinationale, un marché, un morceau de pouvoir politique etc. Je développe donc deux schémas comportementaux essentiels : le placement des paris sur un avenir incertain (cartes) et la rivalité ritualisée (échecs, dames).

C’est en principe là que mon approche jeu-théorique diffère du courant principal de telles approches dans les sciences sociales. Ledit courant principal se concentre sur la formation des relations horizontales entre les joueurs, ce qui implique que la structure sociale est essentiellement un réseau, possiblement un réseau complexe fait des réseaux locaux plus simples. Moi, je suis (un peu) plus brutalement terre-à-terre dans ma perspective propre et j’assume que toute structure sociale est une combinaison des réseaux et des hiérarchies. Logiquement, les stratégies comportementales que je veux représenter avec l’instrumentaire de la théorie des jeux sont celles orientées sur la coopération horizontale dans les réseaux que celles qui visent la création (maintien ?) d’une position hiérarchique.

Le jeu type cartes, appliqué à mon concept EneFin, assume que les consommateurs d’énergie font leur décision complexe – transition d’A(UF) vers B(UF) suivie par la transformation du flux de trésorerie Si(t) en des utilités économiques alternatives, dont l’investissement dans le capital social des fournisseurs d’énergie – sur la base d’un pari sur l’avenir, donc, en des termes plus canoniquement économiques, sur la base de l’utilité future espérée. Chaque stratégie alternative est donc associée, à travers une rationalité qu’il me faut modeler, à un gain futur espéré. Dans ce jeu, les agents économiques peuvent former des alliances pour optimiser leur gain futur. Le trait distinctif de cette approche, par rapport à celle centrée sur la rivalité, est que les joueurs espèrent un gain purement quantitatif, comme profit spéculatif en Bourse, sans se soucier des leviers hiérarchiques qui peuvent faciliter l’acquisition dudit gain.

Lorsque je change d’optique pour le jeu type échecs ou dames, donc si je fais mes agents économiques soucieux de bien garder leur carcasse de mammouth fraîchement tué contre toute intrusion extérieure, leurs stratégies seront différentes. Ils vont raisonner en termes de gain complexes : l’action directe apport le contrôle d’actifs qui, à leur tour, peuvent apporter de profits dans l’avenir. La transition d’A(UF) vers B(UF) devient un choix de position sociale avantageuse préalable, le flux de trésorerie Si(t) est le gain intermédiaire – comme une bonne ligne d’attaque en échecs – qui donne la possibilité d’acquérir un gain plus durable sous la forme de contrôle d’actifs liés à la génération d’énergie.

Pourquoi ne suis-je pas politiquement correct et je n’assume pas que la transition vers les énergies renouvelables est nécessairement liée à une révolution morale style harmonie universelle ? Eh bien, la recherche que j’avais faite l’année dernière m’a laissé former trois assomptions bien fondées. Un, le contrôle des sources d’énergie reste une position sociale très convoitée et objectivement avantageuse. Deux, nous, les humains, comme structures sociales ancrées dans leurs territoires respectifs, nous avons tendance à maximiser notre absorption totale d’énergie plutôt qu’à la réduire. Trois, le contrôle d’un changement technologique important est lié au contrôle sur des flux de trésorerie substantiels qui, à leur tour, permettent de contrôler même plus de changement technologique dans les tours prochains du jeu.

En partant de la théorie des jeux, je peux faire encore un pas en avant et assumer que toutes ces stratégies individuelles, toutes ces combinaisons d’altruisme, vision, égoïsme et rivalité ritualisée se joignent pour former une technologie sociale complexe. Cette technologie est une machine capable d’apprentissage, donc une intelligence complexe. Faute d’une meilleure étiquette, je peux designer cette intelligence comme artificielle. Dans cette approche théorique, je fais en quelque sorte le tour de l’horizon : je reviens vers l’optimisation mathématique que je prends en compte dans l’approche économique classique, seulement cette fois j’assume que c’est la machine sociale intelligente qui accomplit cette optimisation façon « machine learning ».

L’apprentissage collectif, comme perspective théorique, peut encore muter en deux axes distincts. Premièrement, je peux assumer que l’apprentissage est strictement dit mécanique, donc que la machine sociale peut apprendre tout ce qu’elle veut, pourvu qu’elle ait suffisamment de données. Deuxièmement, je peux adopter une approche évolutive et assumer que l’apprentissage en question exige une séquence des générations, ou chaque génération successive est faite d’agents sélectionnés par une fonction de sélection de parmi le matériel génétique de la génération précédente. L’apprentissage de la machine sociale se fait donc essentiellement à travers cette fonction de sélection. Vous pouvez voir un exemple d’application évolutive dans l’économie des marchés d’énergie chez Wang et al. 2017[1], par exemple.

Une question bien légitime peut vous venir à l’esprit : n’est-ce pas un peu trop compliquer, de multiplier ces perspectives théoriques ? Eh bien, ma petite balade à travers la littérature du sujet suggère une complexité très poussée, comme le signalent Moallemi et Malekpour 2018[2] : toute analyse quantitative est très sensible au choix d’assomptions qualitatives. Comme je la continue, ma petite balade, je tombe sur un article par Lago et al. 2018[3] qui me fait prendre conscience à quel point le marché de détail en énergie est différent du marché de gros. Le premier est toujours rigide, divisé en des marchés qui ont l’air des domaines féodaux plus que de marchés au sens moderne du terme. Le second est un marché réel, très près de la compétition parfaite.

Comme je m’arrête pour étudier le travail de Muller et al. 2018[4] je me rends compte que je eux placer mon concept EneFin dans un contexte social plus large, non seulement comme une alternative pour les habitants des grandes villes, mais aussi comme une solution primaire pour les communautés rurales dans les pays en voie de développement. Ce schéma quasi-coopératif – où les membres de la communauté locale sont en même temps actionnaires et clients du fournisseur local d’énergie renouvelable et où ils disposent d’une plateforme FinTech qui donne de la liquidité financière à ce schéma – ça pourrait être pas con du tout comme solution pratique.

Dans ce cas précis de figure, la fourchette des prix d’énergie serait construite d’une façon légèrement différente. Le sous-ensemble A(UF) est composé des ménages dont l’accès à quelle forme d’énergie que ce soit est tellement difficile qu’il se résume en des pertes économiques. Le montant de ces pertes sert à calculer le prix relativement élevé PA(t). Le sous-ensemble B(UF) est construit comme référence hypothétique : qu’est-ce qui va se passer si on offre aux ménages d’A(UF) les fournitures régulières d’énergie selon le schéma quasi-coopératif d’EneFin. Les gains économiques que ces ménages connaissent après une telle connexion sert à calculer le prix plus avantageux PB(t).

Je perçois une autre extension possible du concept EneFin, partiellement liée à celle que je viens de signaler, et cette extension, je la formule sous l’inspiration de la recherche par Chen et al. 2017[5]. Le concept initial d’EneFin c’est de l’énergie pour les ménages, puisque ce sont les ménages qui paient, d’habitude, le prix le plus élevé pour leur kilowatt heure. Néanmoins, si je greffe ce concept sur l’organisme d’une communauté rurale dans un pays en voie de développement, je peux aussi bien tester la robustesse de ce schéma à mesure que j’ajoute des petites entreprises familiales dans le panier d’utilisateurs finaux d’énergie.

Le travail de Du et al.[6] ainsi que celui de Lecca et al. 2017[7] me  réconforte un peu dans mon approche des hiérarchies sociales : ces chercheurs-là placent un accent fort sur le facteur de cohésion sociale, dans la transition vers des nouvelles sources d’énergie.

Mon concept est centré sur les disparités des prix d’énergie est c’est donc autour de cet axe de recherche que j’ai flâné un peu, en termes de littérature. Au niveau strictement empirique, j’ai une fois de plus passé en revue les données publiées par International Renewable Energy Agency (IRENA 2018[8]). Ces données disent un truc d’importance primordiale pour ma recherche : la transition vers les énergies renouvelables est en train d’apporter une baisse solide et soutenue des coûts de production d’énergie. En d’autres termes, les disparités des prix d’énergie, ainsi que leur changement dans le temps, sont de plus en plus des différences de marge bénéficiaire sur le coût de production strictement dit. Logiquement, ces différences des prix sont corrélées de plus en plus avec les stratégies d’investissement ainsi qu’avec les coûts de transaction liés à des schémas institutionnels particuliers.

Les auteurs que j’avais déjà cité sur mon blog, Jean Tirole et Paul Joskow, ont été une fois de plus une source d’inspiration à cet égard. Dans leur article de 2007 (Joskow, Tirole 2007[9])

ils construisent un modèle des prix d’énergie qui me fait repenser à ce bon vieux principe d’Adam Smith : le prix d’un bien a une double nature. D’une part il faut le voir comme le résultat de marchandage et donc de fonctionnement d’un marché ; d’autre part, il reflète une utilité économique objectivement mesurable. Dans un article plus récent, Paul Joskow reprend cet idée à lui seul (Joskow 2011[10]) et souligne fortement que les politiques de minimalisation des prix d’énergie, par exemple à travers un système agressif d’enchères inversées, ne sont pas forcément la meilleure idée. L’énergie est précieuse, même si le coût nominal de sa génération baisse.

Ce petit tour à travers la littérature m’a fait formuler quelques idées générales de plus, à exploiter plus en détail plus tard. Les disparités des prix d’énergie, comme celle très schématique PA(t) > PB(t) dans mon modèle de base, peuvent avoir leurs racines dans des structures différentes de marché. Si PA(t) > PB(t), cela peut vouloir dire que dans le marché A la demande croît plus vite que dans le marché B, par rapport à la capacité installée de génération d’énergie. Dans ce cas la migration d’A(UF) vers B(UF) est une migration de la pénurie relative d’énergie vers un marché plus équilibré ou bien vers un marché en surplus d’offre. En termes d’économie classique, la migration d’A(UF) vers B(UF) devrait donc conduire, avec le temps, à un rééquilibrage d’offre et de la demande dans les deux marchés, donc à PA(t) = PB(t) et à la disparition des raisons pour migrer. En revanche, si PA(t) > PB(t) vient de la présence d’une structure quasi-monopolistique dans le marché A, la migration en question est celle entre des structures institutionnelles différentes. Par conséquent, la structure A peut disparaître complétement si la migration atteint un niveau critique.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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[1] Wang, G., Zhang, Q., Li, H., Li, Y., & Chen, S. (2017). The impact of social network on the adoption of real-time electricity pricing mechanism. Energy Procedia, 142, 3154-3159.

[2] Moallemi, E. A., & Malekpour, S. (2018). A participatory exploratory modelling approach for long-term planning in energy transitions. Energy research & social science, 35, 205-216.

[3] Lago, J., De Ridder, F., & De Schutter, B. (2018). Forecasting spot electricity prices: Deep learning approaches and empirical comparison of traditional algorithms. Applied Energy, 221, 386-405.

[4] Müller, M. F., Thompson, S. E., & Gadgil, A. J. (2018). Estimating the price (in) elasticity of off-grid electricity demand. Development Engineering, 3, 12-22.

[5] Chen, W., Wang, H., Huang, W., Li, N., & Shi, J. (2017). Shared social-economic pathways (SSPs) modeling: application of global multi-region energy system model. Energy Procedia, 142, 2467-2472.

[6] Du, F., Zhang, J., Li, H., Yan, J., Galloway, S., & Lo, K. L. (2016). Modelling the impact of social network on energy savings. Applied Energy, 178, 56-65.

[7] Lecca, P., McGregor, P. G., Swales, K. J., & Tamba, M. (2017). The importance of learning for achieving the UK’s targets for offshore wind. Ecological Economics, 135, 259-268.

[8] IRENA (2018), Renewable Power Generation Costs in 2017, International Renewable Energy Agency, Abu Dhabi, ISBN 978-92-9260-040-2

[9] Joskow, P., & Tirole, J. (2007). Reliability and competitive electricity markets. The Rand Journal of Economics, 38(1), 60-84.

[10] Joskow, P. L. (2011). Comparing the costs of intermittent and dispatchable electricity generating technologies. American Economic Review, 101(3), 238-41.

Couldn’t they have predicted that?

 

I am following up, smoothly, on my last update in French, namely « Quel rapport avec l’incertitude comportementale ? », and so I give a little prod to the path of scientific research possible do develop around my work on the EneFin project. I am focusing on the practical assumptions of the project itself, and I am translating them into science. There is one notable difference between business planning and science (I mean, there is more than one, but this one is the one I feel like moaning about a little). In business, when you make bold assumptions, you can make people cautious or enthusiastic, it depends, really. In science, bold assumptions are what Agatha Christie’s characters used to describe as ‘a particularly laborious way to commit suicide’. Bold assumptions, in a scientific publication, are like feebly guarded doors to a vault full of gold: it is just a matter of time before someone tries and breaks in.

Thus, I am translating my bold assumptions from the business plan into weak scientific assumptions. A weak scientific assumption is the one which does not really assume a lot. The less is being assumed, the weaker is the assumption, hence the stronger it is against criticism. Sounds crazy, but what do you want, that’s science.

Anyway, the whole idea of EneFinc came to my mind as I was comparing two types of end-user, retail prices in the European market of electricity: those offered to small users, like households, and those, noticeably lower, reserved for the big, institutional customers. EeFin is a scheme, which allows small users of electricity to get it at the actual low price for big customers, and, in the same time, still allows the suppliers to benefit from the surplus between the small-customer prices, and the big-customer ones, only in the form of equity, not sales as such.

There are markets, thus, where, at a moment t, there is a difference between the price of electricity for small users PESU(t), and that for the big ones: PEBU(t). Formally, I express it as PESU(t) > PEBU(t) or as PESU(t) – PEBU(t) > 0. The difference PESU(t) > PEBU(t) comes from different levels of consumption (Q) per user, thus from QSU(t) < QBU(t).

Now, I further (weakly) assume that the difference PESU(t) – PEBU(t) > 0 can make a behavioural incentive for the small users to migrate towards suppliers, who minimize that gap. Alternatively, a supplier can offer additional economic utility ‘U’ to the user, on the top of the energy supplied. I imagine two different markets of energy, with two different games being played. In the market A, small users migrate between suppliers so minimize the differential in prices, and the desired outcome of the game is min[PESU(t) – PEBU(t)]. In the market B, a similar type of migration occurs, just with a different prize in view, namely maximizing the additional economic utility offered by the suppliers of energy to compensate the PESU(t) – PEBU(t) gap. In other words, in the market B, the desired outcome of the game is max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]}. That utility can consist, for example, of claims on the equity of the suppliers, just as in my EneFin concept. Still, we experience the same type of scheme from the part of our usual suppliers. As an example, I can give the contractual scheme that my current supplier, the Polish company Tauron, uses to secure the loyalty of customers. The thing is called ‘Professional 24’ and is a 24/24 emergency service for all that touches to electrical and/or mechanical maintenance in the user’s house. If my dishwasher breaks down, I have the option to call ‘Professional 24’ and they will fix the thing at the cost of spare parts, no labour compensation. All I have to do in order to benefit from that wonder scheme is to sign a fixed-term contract for 2 years. In other words, I pay that high price for small users, and thus I pay a really juicy surplus over the price paid by big users, and in exchange Tauron gives me the opportunity to use those maintenance services at no cost of labour.

Now, I assume that both markets, namely A and B, and their corresponding games can overlap in the same physical market. Thus, there are two games being played in parallel, the min[PESU(t) – PEBU(t)] and the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} one. Both are being played by a population of users NU, and that of suppliers MS. A third game, that of status quo, is hanging around as well. The general theoretical questions I ask is the following: « Under what conditions can each of the three games – the min[PESU(t) – PEBU(t)], the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]}, or the status quo – prevail in the market, and what can be the long-term implications of such prevalence? Should the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} game prevail, under what conditions can the U = f[PESU(t) – PEBU(t)] utility find its expression in claims on the equity of suppliers?   ».

The next step consists in translating those general questions into hypotheses, which, in turn, should have two basic attributes. In the first place, a good hypothesis is simple and coherent enough to enable rational classification of all the observable phenomena into two subsets: those conform to the hypothesis, on the one hand, and those which make that hypothesis sound false, on the other hand. Secondly, a good hypothesis is empirically verifiable, i.e. I can devise and apply a rational method of empirical research to check the veracity of what I have hypothesised.

Intuitively, I turn towards one of the most fundamental economic concepts, i.e. that of equilibrium. I hypothesise that there is an equilibrium point, where the outcomes of the min[PESU(t) – PEBU(t)] game are equal to those of the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} game, thus min[PESU(t) – PEBU(t)] = max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]}. This is my hypothesis #1. Postulating the existence of an equilibrium is sort of handy, as it gives all the freedom to explore the neighbourhood of that equilibrium.

My second hypothesis goes a bit more in depth of the avenue I am following in my EneFin concept. I assume that the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} game makes sort of a framework, within which distinct subgames emerge, oriented on different kinds of that utility ‘U’, like U = {U1, U2, …, Uk}. In that set of utilities, one item is made of claims on the equity of suppliers. I call it Ueq. From there, I can hypothesise in two directions. One way is to postulate a hierarchy inside the U = {U1, U2, …, Uk} set, and Ueq maxing out in that hierarchy, so as Ue  = max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]}.

The other way is to open up, once again, with the concept of equilibrium, and postulate that although, basically, we have U1 ≠ U2 ≠ … ≠ Uk in the U = {U1, U2, …, Uk} set, there is a set of equilibriums, where Ueq = Ui. Going into the equilibrium department, instead of the hierarchy one, is just simpler. I can make like the function of Ueq, as an equation, put it at equality with any other function, and, as long as those identities are solvable at all, Bob’s my uncle, essentially. In that sense, equilibrium, or the absence thereof, is almost self-explanatory. On the other hand, hierarchies need a structuring function, more complex than that of an equilibrium. A structuring function is a set of conditions expressed as inequalities, and I need to nail down quite specifically the conditions for those inequalities being real inequalities. Seen from this perspective, the hypothesis with equilibrium is sort of conducive towards the one with hierarchy.

My mind makes a leap, now, towards that thing of political systems. Playing a game means winning or losing, and one of the biggest prizes to win or lose is a country, i.e. the controlling package of political power in said country. I teach a few curriculums which involve the understanding of political systems, and I did quite a bit of research in that field. Anyway, the hot topic I want to refer to is Brexit, and more exactly the policy paper entitled ‘The future relationship between the United Kingdom and the European Union’, issued by Her Majesty’s Department for Exiting the European Union. The leap I am doing, from that model of the energy market towards Brexit, I am doing it with some method. I started developing on the theory of games, and politics are probably one of the most obvious and straightforward applications thereof.

My students frequently ask me questions like: ‘Why this stupid government does things this way? Couldn’t they be more rational?’. The first thing I am trying to get across as I attempt to answer those questions is that in public governance some strategies just work, and some others just don’t, with little margin of manoeuvre in between. Policies are like complex patterns of behaviour, manifest in complex, intelligent entities called ‘political systems’. In the case of Brexit, the initial game played by the Her Majesty’s government was akin the strategy used by the government of the United States. The United States are signatory member to multilateral, international agreements like the GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), or the NAFTA. Still, the dominant institutional contrivance that the US Federal Government uses to design their international economic relations is the bilateral agreement. The logic is simple: in any bilateral agreement, the US are the dominant party to the contract, and they can dictate the conditions. In multilateral schemes, they can be outvoted, and you don’t like being outvoted when you know you have a bigger button than anyone else.

Before I go further, there is an important distinction to grasp, namely that between an international agreement, and a treaty. An agreement is essentially made by executives – usually ministers or Prime Ministers – who sign it on behalf of their respective governments. Parliaments do not need to ratify signed agreements; neither do such agreements require to run a referendum. Agreements remain essentially executive acts, and, as such, they are flexible. Countries can easily back off from those schemes. The easiest way to do it sort of respectably is to vote non-confidence regarding a Prime Minister, and to label what they had done as a series of mistakes. Treaties, on the other hand, are being ratified. Parliaments, presidents, monarchs, and, in the case of the European Union, whole nations voting in referendums, give their final fiat to the signature of an executive. It is bloody hard to pull out of a treaty, as it essentially requires to walk back on your tracks, i.e. to revert the whole sequence of ratifying decisions.

The Britons seem to have bet on a similar horse. They decided to pull out of the European Union – a multilateral treaty, bloody limiting and clumsy to renegotiate – and to govern their economic relations with other countries with a set of bilateral agreements. Each of those bilateral agreements was supposed to be sort of tailored for the specific economic relations between Britain and the given country. Being an agreement, and not a treaty, each such understanding was supposed to be much more manœuvrable than a multilateral treaty.

Mind you, the game was worth playing, as I see it, and still there was a risk. The prize to win was a lot of local business deals, impossible or very hard to achieve under the common rules of the European Union. The big hurdle to jump over, on the way, was the specific geopolitical structure of the EU. If you want to replace your multilateral relations with a set of countries by a range of bilateral relations, you need to look at the hierarchy of the whole tribe. In the European village, we have two big blokes: France and Germany. Negotiating bilateral treaties must have started with them, and there was clearly no point in going and knocking on other doors, as long as these two bilateral schemes were not nailed down and secured.

Without entering into highly speculative details, one thing is sure and certain: this particular step in the Perfect Plan simply didn’t work. Neither France nor Germany expressed any will to play one-on-one with the British government. Instead, they quickly secured beachheads in that sort of international political void being created by Britain pulling out of the EU, and worked towards brutally pushing the Britons against the wall. As a result, today, we have that strange architecture expressed in the ‘Future relationship…’ policy paper, where Britain enters an agreement with the whole of EU, without being a member of the EU anymore.

In theoretical terms, this political episode demonstrates an important trait in games: they are made of successive moves. When you play chess, or any other game with sequenced moves, you have that little voice in your head saying: ‘This is just a game. In real life, no sensible person would wait until their opponent makes a move’. Weelll, yes and no. It is true that in real life we play few games with gentleman’s rules in place. Most real games involve a fair dose of sucker punches, coming from the least expected directions. Still, there is that thing: even if you firmly intend to be the meanest dog in the pack, you need to adapt accordingly, and in order to adapt, you need to observe other players and figure them out. You just need to leave them that little window in time, during which you will be watching them and learning from their actions. This is why in theoretical games we frequently assume sequential moves. It has nothing to do with being fair and honest; it is much more about having to learn by observation.

This is what comes to mind when somebody studies the Brexit policy finally adopted by the government of Her Majesty. ‘Couldn’t they have predicted that…[put whatever between those parentheses]?’. No, they couldn’t. When you want to know the move of another player, you have to make your move in order to force them to make theirs. Once you have made that move, it can be too late to back off. This is probably the biggest difference between mainstream economics and the theory of games. The former assumes the existence of equilibriums, which we can sort of come close to, and adjust, in a series of essentially reversible actions. The theory of games assumes, on the other hand, that most of our actions bring irreversible consequences, as what we do makes other people do things.

After that short distractive excursion into Brexit, I come back to my scientific development on the market of energy. The political distraction allowed me to define something important in any kind of game: a single move. In those three games, which I imagine being played in parallel in the market of energy – the min[PESU(t) – PEBU(t)] game, the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} game, and the conservation of status quo – a single move can be defined as what people usually do when dealing with a supplier of energy. My intuition wanders around what I do, actually, and what I do is signing, every two years, a contract with my supplier for another fixed term of two years. Batter that than nothing. I assume that one move, in my energy games, consists in negotiating and signing a fixed-term, two-year contract.

As I define one move in this manner, I intuitively feel like including quantities in the formal expression of those games. Thus, I transform the min[PESU(t) – PEBU(t)] game into min{QSU(t)* [PESU(t) – PEBU(t)]}, and the max{U = f[PESU(t) – PEBU(t)]} into max{U = f[QSU(t)*PESU(t) – PEBU(t)]}. I just remind you that QSU(t) is the typical consumption of energy per one small user, like one household. An explanation seems due. Why have I made that match between ‘one move <=> one 2-year contract’ and the inclusion of quantity consumed into my equations? A contract for 2 years is a mutual promise of supplying-consuming a certain amount of energy.

That QSU(t) can be provisionally identified with the average, individual consumption of energy on one year. Hence, and individual move – contract for two years – amounts to committing to [PESU(t+1)*QSU(t+1)]+[PESU(t+2)*QSU(t+2)]. Such a formal expression allows further rewriting of my two games, namely I have:

Game A: min{QSU(t+1)*[PESU(t+1) – PEBU(t+1)] + QSU(t+2)*[PESU(t+2) – PEBU(t+2)]}

Game B: max{U = f{QSU(t+1)*[PESU(t+1) – PEBU(t+1)] + QSU(t+2)*[PESU(t+2) – PEBU(t+2)] }

With this formulation, my two games are very nearly identical. They both contain an identical aggregate, calculated between the ‘{ }’ parentheses. As I put it a few paragraphs ago, I want to explore my model through the testing of a hypothetical equilibrium point between those two games. This, in turn, amounts to searching a function, which, for a given range of Q and P, can yield a maximal utility out of {QSU(t+1)*[PESU(t+1) – PEBU(t+1)] + QSU(t+2)*[PESU(t+2) – PEBU(t+2)] }, and, in the same time, has at least one intersection point with a function that minimizes the same aggregate.

As I think about it, I need to include transaction costs in the model. I mean, moves in those games consist in signing contracts. A contract implies uncertainty, probability of opportunistic behaviour, and commitment of assets to a specific purpose. In other words, it implies transaction costs, as in: Williamson 1973[1]. I need to wrap my mind around it.

I am consistently delivering good, almost new science to my readers, and love doing it, and I am working on crowdfunding this activity of mine. As we talk business plans, I remind you that you can download, from the library of my blog, the business plan I prepared for my semi-scientific project Befund  (and you can access the French version as well). You can also get a free e-copy of my book ‘Capitalism and Political Power’ You can support my research by donating directly, any amount you consider appropriate, to my PayPal account. You can also consider going to my Patreon page and become my patron. If you decide so, I will be grateful for suggesting me two things that Patreon suggests me to suggest you. Firstly, what kind of reward would you expect in exchange of supporting me? Secondly, what kind of phases would you like to see in the development of my research, and of the corresponding educational tools?

[1] Williamson, O. E. (1973). Markets and hierarchies: some elementary considerations. The American economic review, 63(2), 316-325.

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Quel rapport avec l’incertitude comportementale ?

 

Je continue ma balade le long de la crête entre la recherche et l’enseignement. Je me penche sur l’application de mon concept d’enseignement des sciences sociales comme une sorte de géographie appliquée (consultez « Très spéculatif mais cohérent » ou bien « My own zone of proximal development ») à deux cours spécifiques : celui de Microéconomie ainsi que celui consacré aux Systèmes Politiques.

Le premier, donc la Microéconomie, me fait reconsidérer mon business plan pour le projet EneFin. Vous pouvez en consulter le résumé le plus récent dans « Deux cerveaux, légèrement différents l’un de l’autre ». La recherche et la rédaction de ce business plan, ainsi que celui pour le projet BeFund – que j’ai déjà fini il y a quelques mois – sont dans une grande mesure précisément ce que je veux enseigner à mes étudiants en Microéconomie. En même temps, le projet EneFin reflète mon créneau courant de recherche « officielle » à la fac, pendant que le projet BeFund est une correspondance empirique de la réflexion générale sur la méthode scientifique dans les sciences sociales.

Une méthode, ça exige un développement méthodique. Je m’y applique. La science d’abord. Le projet EneFin m’a fait pondre trois idées à développer d’une façon scientifique, dans des articles de recherche, par exemple. Premièrement, c’est le modèle théorique d’une entreprise, où un réseau urbain des petites turbines éoliennes et/ou hydrauliques, de pair avec des nids localisés des panneaux solaires, est financé à travers une plateforme FinTech qui, à son tour, permet d’échanger des contrats complexes du type « énergie au prix gros clients plus participation dans le capital social de l’entreprise égale énergie au prix petits clients ».

Comme je veux discuter la chose scientifiquement, comme un modèle théorique, mon attention se concentre sur les conditions de robustesse. En d’autres mots, le discours scientifique ici c’est l’exploration des prix et des quantités, surtout à l’extérieur de l’entreprise, qui rendent son implémentation possible (ou bien impossible). Le deuxième truc science qui avait attiré mon attention c’est le phénomène de cette plus-value monopolistique dans le marché européen d’énergie ainsi que le fait que ladite plus-value tend à diminuer à mesure de la transition vers les énergies renouvelables.

Le troisième sentier de recherche que je veux explorer est cette étonnante cohérence entre le volume de l’invention scientifique dans le domaine d’énergies renouvelables et le marché de ces énergies en tant que tel. J’avais déjà fait des excursions dans ce domaine – vous pouvez consulter « Je corrèle » comme exemple – et ça se connecte d’une façon très prometteuse à l’une de mes obsessions intellectuelles, le phénomène de déterminisme technologique.

Bon, donc ça c’est de la recherche. Maintenant, l’enseignement. Le truc le plus évident est celui d’application pratique des outils microéconomiques de base : analyse des prix comme des équilibres locaux, analyse des modèles d’entreprise en termes de capital et des coûts etc. Le truc moins évident et cependant tout aussi intéressant est le compte rendu du travail de recherche consacré à ce business plan. Je peux interpréter ce travail comme le processus de cristallisation intellectuelle que j’achève le long de mon sentier de développement proximal. C’est une incidence locale d’absorption et utilisation des informations sur les marchés et les structures sociales qui s’y construisent, donc c’est un exemple de la façon dont un être humain trouve son chemin à travers l’environnement social. Hypothèse générale est que ce que moi j’avais fait est un point situé quelque part sur une courbe Gaussienne des modèles comportementaux. Définir cette courbe de façon aussi précise que possible serait intéressant, un truc d’économie béhavioriste, quoi.

Maintenant, je saute dans la case « Systèmes politiques ». Mon intuition générale, que j’avais déjà commencé à développer dans « Très spéculatif mais cohérent », est celle de couper brutalement son chemin, dès le début, à travers les broussailles de la connerie médiatique. Je pense que c’est l’enseignement le plus précieux que je peux transmettre à mes étudiants en ce temps relativement court d’un semestre académique. Un semestre, c’est court ? Eh ben, oui. Le développement des connaissances vraiment robustes, manifestes comme des compétences bien rodées, ça prend des années. Plus je fais de la science, plus j’épouse cette thèse que mon grand compatriote, Alfred Comte Korzybski, avait exprimée dans sa doctrine de sémantique générale : nous, les humains, on apprend des choses vraiment utiles et profondes au rythme des générations, pas celui des mois.

Je peux distinguer quatre types des phénomènes politiques que nous rencontrons sur nos parcours sociaux individuels : les systèmes politiques en tant que tels, des élections, des troubles sociaux violents (guerres civiles etc.) et enfin des politiques particulières. Les compétences sociales qui marchent bien, pour un citoyen moyen, dans le contexte de ces phénomènes, consistent à prendre l’action bien ancrée dans la compréhension du jeu politique en place.

Lorsqu’on parle du jeu, je trouve primordial de déterminer ce qui se passe exactement, en termes de politique. Le discours médiatique à ce propos abonde en des informations du type « UnTel a eu un entretien avec UneTelle et UnTel a dit que [mettre ce que vous voulez entre ces parenthèses], en réponse à quoi UneTelle a fermement déclarée que [vous savez : ce que vous voulez] ». Comme société, nous avons une tendance – profondément ancrée dans les schémas comportementaux de notre espèce – de s’exciter au sujet de ce que les gens disent. En politique, ce que les gens disent est la manifestation d’une ingénierie comportementale bien pondérée, ou bien celle d’un bordel complet. Aussi étonnant que cela puisse sembler, les deux se combinent à merveille.

La compréhension scientifique de la politique exige cette petite gymnastique intellectuelle préalable : lorsqu’UnTel dit quelque chose à propos d’UneTelle, faut appréhender la situation en termes de la théorie de communication. Le fait le plus important est celui de communication en tant que telle, donc le fait que quelle information que ce soit est échangée. Pourquoi est-ce tellement important ? Parce que la communication implique l’existence des structures sociales pour le faire et ce que nous voulons comprendre en ce qui concerne la politique est précisément le fonctionnement de ces structures.

Je parle du fonctionnement des structures, donc il est peut-être temps d’aller jeter un coup d’œil de plus sur ces directions de recherche que je viens d’indiquer, il y a quelques paragraphes. Je connecte les points – comme disent les Anglo-Saxons – et je combine mon expérience intellectuelle de ces deux business plans, le projet BeFund et celui d’EneFin. Ces deux cheminements intellectuels m’ont rendu très conscient du phénomène d’incertitude comportementale.

Chaque fois que nous entreprenons quelque chose, le comportement d’autres humains est crucial. Lorsque je prépare un business plan, j’ai cette petite voix dans mon esprit qui dit « Je ne sais pas quoi faire puisque je ne sais pas ce que les autres vont faire ». Je pense ici à ce qu’eut écrit Frank Knight : ce qui démarque les hommes et femmes d’affaires du commun des mortels est la capacité d’appréhender cette incertitude à un méta-niveau. Ces personnes sont capables d’analyser leur propre méthode d’analyser l’incertitude et leurs propres moyens de gérer le risque correspondant.

Je pense que voilà une bonne indication pour mon enseignement des sciences sociales : apprendre à mes étudiants à identifier aussi précisément que possible ces incertitudes comportementales, conceptualiser les risques qui en découlent ainsi que les façons de gérer ces risques.

Voyons voir… Comment puis-je utiliser l’expérience accumulée dans la préparation des business plans pour ces deux projets, BeFund et EneFin, pour enseigner à mes étudiants tout ce bazar sur l’incertitude et le risque ? Quels ont été les types d’incertitude comportementale que j’eus à faire avec ?

L’incertitude de base est toujours le comportement des clients (utilisateurs) potentiels d’un produit ou d’une technologie. Tout d’abord, dans la population générale, qui (quel type d’entité) a des chances quelconques de devenir mon client ? Comment puis-je donc esquisser le marché potentiel ? Ensuite, quelle est la probabilité qu’à un moment donné « t » un client potentiel, choisi au hasard, devienne mon client réel, donc qu’il commence à développer le schéma comportemental propre audit client réel ?

En des termes mathématiques, vous pouvez trouver un exemple ce de raisonnement dans « Contagion étonnement cohérente ».  En des termes pédagogiques, je m’efforce de décomposer les phénomènes correspondants en une séquence d’apprentissage. Phase no. 1 : définissons nos clients comme des schémas de comportement. Phase no. 2 : définissons les schémas comportementaux de départ, donc ceux pratiqués ici et maintenant. Phase no. 3 : définissons la transition vers le schéma comportemental présent vers celui propre au « client ». Phase no. 4 : étudions les conditions de cette transition.

Je sens ici comme une direction intéressante dans l’enseignement de la microéconomie et de la gestion : présenter chaque régularité observable dans le fonctionnement des marchés et des organisations comme un phénomène comportemental. De cette façon je peux concilier la microéconomie classique avec l’économie institutionnelle et la théorie des jeux. Dans l’optique microéconomique je m’intéresse plus aux phénomènes vraiment récurrents, qui surviennent près du centre de leurs courbes Gaussiennes respectives. En langage simple, la microéconomie c’est du typique vraiment typique. En revanche, lorsque j’étudie le même cas du point de vue de la gestion, je m’intéresse un peu plus aux idiosyncrasies locales et aux moyens de les cerner.

Quand j’y pense, si je veux que mes étudiants comprennent vraiment cette logique d’incertitude comportementale, il faut que j’inclue dans mon enseignement des fondements de la statistique, avec l’accent mis sur la probabilité vue précisément comme courbe Gaussienne, donc selon la logique de la distribution normale. Ceci exige que j’explique aussi la logique de la distribution binomiale et la distinction entre les incidences centrales (fréquentes) et les marginales. Faire un détour par la pensée originelle de Thomas Bayes pourrait être captivant, aussi. Sa démarche – centrée sur la compréhension progressive des phénomènes à travers des expériences successives qui cernent la solution pas à pas – semble être la somme de rationalité scientifique lorsqu’on étudie l’incertitude des schémas comportementaux.

Je prends donc le cas de base pour tout cours de microéconomie, celui du démarrage d’une petite entreprise et de la question tout aussi fondamentale : « Comment s’y prendre d’une façon rationnelle ? ». La réponse de base : commencez donc par cerner aussi précisément que possible ce que vous voulez faire. Définissez le produit ou le service que vous avez l’intention de vendre, ainsi que le processus central d’interaction avec le client. La contribution de la science, à ce point-ci, c’est avant tout la distinction aigue entre la création d’un nouveau marché d’une part et l’adhésion à un marché existant d’autre part. Si vous êtes littéralement une petite entreprise, la science vous dit qu’il vous sera virtuellement impossible de créer un nouveau marché.

Bien sûr, il y a toujours des exceptions qui viennent à l’esprit : Facebook, Google, Amazon etc. Remarquez toutefois que tous ces titans venus apparemment de nulle part venaient des marchés déjà en développement, où ils eurent tout simplement implanté des modèles d’entreprise particulièrement efficaces, surtout par recombinaison des schémas parfaitement connus par ailleurs. Facebook c’est un bureau des petites annonces façon époque digitale. Google c’est l’application digitale de l’idée bien connue : celle d’index dans une bibliothèque. Oui, c’était bien ça l’idée révolutionnaire de Google : appliquer à la recherche des pages web la logique d’indexation appliquée dans toutes les bibliothèques physiques (trouver un livre par titre, par auteur et par les mots clés). Amazon c’est l’application d’une régularité bien connue de tous les libraires : le vrai défi dans la profession c’est bien gérer l’arrière-boutique et acquérir des clients fidèles. La gestion de l’avant-boutique est le moindre des soucis.

Je reviens donc à l’assertion qu’une nouvelle entreprise a peu de chances de créer un nouveau marché et ferait mieux de s’insérer dans un marché déjà en place. Je vous vois venir, là. « Quel rapport avec l’incertitude comportementale ? » vous demanderez. Un marché bien en place est fait d’habitudes bien huilées et lancées. Un marché existe parce qu’il y a un nombre prévisible des gens qui font des choses prévisibles. La création d’un nouveau marché exige qu’un nouvel ensemble des schémas de comportement se forme, se teste et s’installe pour du bon. Tous ceux qui avaient jamais fait des efforts pour arrêter de fumer ont certainement deux mots à dire au sujet des nouveaux schémas de comportement. Si un tel schéma exige une modification neurologique importante (je veux dire le développement des nouveaux réflexes, comme regarder un écran de plus), le défi est même plus important.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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My own zone of proximal development

 

Let’s face it: I am freestyling intellectually. I have those syllabuses to prepare for the next academic year, and so I decided to let my brain crystallize a little bit, subconsciously, without being disturbed, around the business plan for the EneFin concept. Crystallization occurs subconsciously, and I can do plenty of other thinking in the meantime, and so I started doing that other thinking, and I am skating happily on the thin ice of fundamental questions concerning my mission as a scientist and a teacher. The ice those questions make is really thin, and if it cracks under my weight, I will dive into the cold depth of imperative necessity for answers.

You probably know that saying about economics, one of my fundamental disciplines, besides law, namely that economics are the art of making forecasts which do not hold. Nasty, but largely true. I want to devise a method of teaching social sciences, and possibly a contingent method of research, which can be directly useful to the individual, without said individual having to become the president of something big in order to find real utility in social sciences.

I am starting to form that central principle of my teaching and research: social sciences can be used and developed similarly to geography, i.e. they can be used to find one’s bearings in a complex environment, to trace a route towards valuable and attainable goals, and to plan for a realistic pace as for covering this route. Kind of a fundamental thought comes to me, from the realm of hermeneutic philosophy , which I am really fond of, and the thought goes as follows: whatever kind of story I am telling, at the bottom line I am telling the story of my own existence. Question (I mean, a real question, which I am asking right now, not some fake, rhetorical stuff): this view of social sciences, as a quasi-cartographic pathway towards orienting oneself in the social context, is it the story of my own existence? Answer: hell, yes. As I look back at my adult life, it is indeed a long story of wandering, and I perceive a substantial part of that wandering as having been pretty pointless. I could have done much of the same faster, simpler, and with more ethical value achieved on the way. Mind you, here, I am largely sailing the uncharted waters of ‘what could have happened if’. Anyway, what happened, stays happened.

OK, this is the what. Now, I want to phrase out the how. Teaching means essentially two things. Firstly, the student gets to know the skills he or she should master. In educational language it is described as the phase of conscious incompetence: the student gets to know what they don’t know and should develop a skill in. Secondly, teaching should lead them through at least a portion of the path from that conscious incompetence to conscious competence, i.e. to the phase of actually having developed those skills they became aware of in the phase of conscious incompetence.

Logically, I assume there is a set of skills that a person – especially a young one – needs to find and pursue their personal route through the expanse of social structure, once they have been dropped, by the helicopter of adolescence and early adulthood, in some remote spot of said structure. My mission is to use social sciences in order to show them the type of skill they’d better develop, and, possibly, to train them at those skills.

My strictly personal experience of learning is strongly derived from the practice of sport, and there is a piece of wisdom that anyone can have as their takeaway from athletic training: it is called ‘mesocycle’. A mesocycle of training is a period of about 3 months, which is the minimum time our body needs to develop a complex and durable response to training. In any type of learning, a mesocycle can be observed. It is the interval of time that our nervous system needs to get all the core processes, involved in a given pattern of behaviour being under development, well aligned and acceptably optimized.

My academic teaching is structured into semesters. In the curriculum of each particular subject, the realistic cycle of my interaction with students is like 4 months, which gives room to one full mesocycle of training, from conscious incompetence towards conscious competence, plus a little extra time for outlining that conscious incompetence. Logically, I need to structure my teaching into 25% of developing the awareness of skills to form, and 75% of training in those skills.

One of the first syllabuses I am supposed to prepare for the next academic year is ‘Introduction to Management’ for the undergraduate major of film and TV production. It is part of those students’ curriculum for the first year, when, essentially, every subject is an introduction to something. I follow the logic I have just outlined. First of all, what is the initial point of social start, in the world of film and TV production? Someone joins a project, most frequently: the production of a movie, an advertising campaign, the creation of a You Tube channel etc. The route to follow from there? The challenge consists in demonstrably proving one’s value in that project in order to be selected for further projects, rather than maxing out on the profits from this single venture. The next level consists in passing from projects to organisation, i.e. in joining or creating a relatively stable organisation, combining networks and hierarchies, which, in turn, can allow the sprouting of new projects.

Such a path of social movement involves skills centred around the following core episodes: a) quickly and efficiently finding one’s place in a project typical for the world of film and TV production b) starting and managing new projects c) finding one’s place in networks and hierarchies typical for film and TV production and d) possibly developing such an organisation.

Such defined, the introduction to management involves the ability to define social roles and social values, peculiar to the given project and/or organisation, as well as elementary skills in teamwork. As I think of it, the most essential competences in dealing with adversity, like getting one’s s**t together under pressure and forming a realistic plan B, could be helpful.

Good. Roles and values in a project of film and TV production. What comes to my mind in the first place, as I am thinking of it, is once again the teaching of Hans Georg Gadamer, the heavyweight champion of hermeneutic philosophy: historically, art at its best has been a fully commercial enterprise, based on business rules. Concepts such as ‘art for the sake of art’ or ‘pure art’ are relatively new – they emerged by the end of the 19th century – and they are the by-product of another emergence, that of the so-called leisure class, made of people rich enough to afford not to worry about their daily subsistence, and, in the same time, not seriously involved into killing someone in order to stay this way.

One of the first social patterns to teach my students regarding the values of film and TV production is something which, fault of a better word, I call ‘economic base’. It is a value, in this business, to have a relatively predictable stream of income, which is enough for keeping people working on creative projects. The understanding I want my students to form, thus, is precisely this economic base. How much do I need to earn, and how, if I want to keep working on that YT channel long enough for turning it into a business? What kind of job can I do whilst running such a project? How much capital do I need to raise in order to make 50 people work on a movie for 6 months? I think that studying the cases of real businesses in the film and TV production, and building simple business plans on the grounds of those cases can be a good, skill-forming practice.

Once this value identified, it is important to understand how people are most likely to behave whilst striving to achieve it. In other words, it is about the fundamentals of social competition and cooperation. A simple version of the theory of games seems the most workable, in terms of teaching tools.

The economic base for creative work makes one important value, still not the only one. Creation itself is another one. Managing creative teams is tricky. You have a bunch of strong personalities, and you want them to stay this way, and yet you want them to reach some kind of compromise. I think that simple role playing in class, paired with collective projects (i.e. projects carried out by teams of students) can be instructive.

I am summing up. I am a big fan of long-term tasks as educational tools. Preparing a simple business plan, specific to this precise industry (i.e. film and TV production), paired with training in teamwork, should do the job. Now, the easy path is just to tell students ‘Listen, guys! You have those projects to complete until the end of the semester. Just get on with it. We will be having those strange gatherings called “lectures”, but you don’t have to pay too much attention to it. Just have those projects done’. I have already experimented with this approach, and my conclusion is that it generally allows those clever ones to prove they are clever, but not much more. It is a pity to watch those less clever students struggling with a task they have to carry out over the length of one semester.

I want to devise come kind of path in my students’ zone of proximal development : a series of measured, feasible lessons, leading to tangible improvement. Each lesson covers 6 steps: i) define the project to carry out, as well as its goals and constraints, make a plan, make a team, and make them work on the thing ii) purposefully lead to a crisis iii) draw conclusions from the crisis iv) define the improvement needed v) carry out the improvement and vi) check the results.

As I see my usual schedule over one semester, I can arrange like 5 such sequences of 6 steps, thus 5 big lessons. Now, I am thinking about the kind of core task to carry out in each lesson, so as the task is both representative for film and TV production, and feasible in class. Pitching the concept of a movie is a must, and the concept of a YT platform seems to be a sensible idea as well. I have two types of business concepts, and I feel like repeating each of them twice. That gives 4 sequences of training, and leaves one more in reserve. That one more could be, for example, a content store, in the lines of the early Netflix.

Good. One thing to tick off. As I am having a look at it, the same pattern can be transferred, almost as it is, into the curriculum of Principles of Management, which I teach to the 1st year undergraduates in the major of International Relations. In this particular case, the same path is applicable, just the factual scope needs a bit of broadening. Each of those complex, sequenced lessons should be focused on a different type of business. Typical industrial, for one, something in the IT sector, for two, then something really scientific, like biotech, followed by typical service business, and finally something financial.

Now, I jump. It happens all the time in my mind. Something in those synaptic connexions of mine makes them bored with one topic, and willing to embrace the diversity of being. I am asking myself what I can possibly teach to my students, in terms of finding one’s way across the social jungle, on the grounds of the economic theory which either I fully embrace or I have developed by myself. Here come a few ideas.

However inventive and original you think you are, you are as inventive and original as quite a bunch of other people’. This one comes mostly from my reading of Joseph Schumpeter’s theory of creative destruction and neighbourhood of equilibrium. How can it be useful? If you want to do something important, like starting a business or a social action, going for a job connected to expatriation etc.? Well, look for patterns in what other people do. Someone is bound to have the kind of experience you can learn from.

This is deeper than some people could think. As I work with my students on the general issue of business planning, this particular approach proves really useful. There are many instances of complex business planning – the ‘what if?’ sequences, for example – when emulating some existing businesses is the only sensible approach.

The next one spells: ‘Recurrent bargaining leads to figuring out sensible, workable compromises that minimize waste and that nobody is quite satisfied with’. This principle refers to the theoretical concept of local Marshallian equilibrium, but it is also strongly connected to the theory of games. Frequently, you have the impression of being forced into some kind of local custom or ritual, like the average wage you can expect for a given job, or the average rent you have to pay for your apartment, or the habitual way of settling a dispute. It chafes, and it hurts what you perceive as your own originality, but people around you are strangely attached to this particular way of doing things. This is a local equilibrium.

If you want to understand a given local equilibrium, try and figure out the way this equilibrium is being achieved. Who? What? When? How? Under what conditions does the process work, and in which cases it doesn’t? In other words, if you want to figure out the way to influence and change those uncomfortable rituals around you, you need to find a way of making people bargain and get a compromise around a new ritual.

Comes my own research, now, and the fundamental principles of social path-finding I can phrase out of that research. I begin with stating that population matters, in the most numerical sense. The rate of demographic growth, together with the rate of migration, are probably the most powerful social changes we can imagine. Whatever those changing populations do, they adapt to the available supply of food and energy. At the individual level, people express that adaptation by maximizing their personal intake of energy, within socially accepted boundaries, by maintaining a certain portfolio of technologies. Social structures we live in act as regulators of the technological repertoire we have access to, and they change as this repertoire changes.

Practical implications? You want to experience creative social change, with a lot of new types of jobs emerging every year, and a lot of new products? You need a society with vivid demographic growth and a lot of migration going in and/or out. You want security, stability and predictability? You want people around you to be always calm and nice to each other? Then you need a society with slow or null demographic growth, not much of a migration, and plenty of food and energy to tap into. You want to have both, i.e. plenty of creative change, and people being always nice? Sorry, pal, not with this genotype. It just wouldn’t work with humans.

I am consistently delivering good, almost new science to my readers, and love doing it, and I am working on crowdfunding this activity of mine. As we talk business plans, I remind you that you can download, from the library of my blog, the business plan I prepared for my semi-scientific project Befund  (and you can access the French version as well). You can also get a free e-copy of my book ‘Capitalism and Political Power’ You can support my research by donating directly, any amount you consider appropriate, to my PayPal account. You can also consider going to my Patreon page and become my patron. If you decide so, I will be grateful for suggesting me two things that Patreon suggests me to suggest you. Firstly, what kind of reward would you expect in exchange of supporting me? Secondly, what kind of phases would you like to see in the development of my research, and of the corresponding educational tools?

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Très spéculatif mais cohérent

 

Je laisse un peu de côte l’histoire du business plan pour le projet EneFin. Après les deux dernières mises à jour, soit « Deux cerveaux, légèrement différents l’un de l’autre » et « Making my brain dance to a slightly different tune », j’ai ce sentiment étrange que cette idée a besoin de mûrir. Je dis que c’est un sentiment étrange, bien que je sois capable de le rendre intelligible, n’est-ce pas étrange ? C’est comme une voix dans ma tête me disait : « Écoute, là-dedans, dans ton subconscient, nous, tes connexions synaptiques, on bosse. On bosse vraiment. Seulement si tout le temps tu te tiens comme ça, juste à côté, et tu nous regardes par-dessus l’épaule, ça énerve et nous, tes connexions synaptiques, lorsqu’on s’énerve, on bosse sans grand résultat. Voudrais-tu donc, notre chère conscience, nous foutre la paix pour quelque temps ? Il y a surement plein de trucs intéressants là-dehors, dans le monde extérieur. Quelle meilleure façon de nous laisser travailler tranquille que d’aller explorer cet extérieur, hein ? ».

J’en passe sur la question philosophique si les connexions synaptiques peuvent avoir une épaule. Néanmoins, leurs postulats semblent rationnels. Une chose est vraie, très certainement : le monde offre plein de choses à étudier.

Alors, je retourne un peu vers un sujet cher à mon cœur de chercheur et de prof d’université : les systèmes politiques et les interactions internationales entre eux. Oui, j’ai ces deux cœurs spéciaux. Mon cœur de chercheur se situe dans le cerveau et celui de prof se trouve en deux endroits : chambre A203 à la fac, et sur mon site « Discover Social Sciences ». Durant l’année académique prochaine j’aurai au moins quatre cours liés à ce sujet. Il y en aura un général – « Systèmes politiques dans le monde » – et trois plus spécifiques : « Commerce international », « Relations économiques internationales » et « Politique économique ».

Comme toujours, le prof en moi aime poser les questions fondamentales. Quelles compétences je veux transmettre, au juste, aux étudiants qui vont suivre ces cours ? La réponse la plus fondamentale vient vite. Je veux leur transmettre l’aptitude à utiliser la méthode scientifique : observation préliminaire, hypothèse, vérification méthodique, interprétation et communication des résultats. Cet apprentissage se fait dans un environnement spécifique, celui de la salle de classe, qui permet aux étudiants d’expérimenter avec leur propre rôle social ainsi qu’avec leur relation avec le prof, donc moi.

Le sentier d’apprentissage que je propose consiste donc à utiliser la méthode scientifique pour bâtir un rôle social. En ce qui concerne les systèmes politiques, je propose souvent à mes étudiants le jeu intellectuel suivant : « Imaginez que vous êtes assistant(e) d’un premier ministre. Votre boss va prononcer un discours durant ce sommet international prévu pour le mois prochain et il vous demande, bien sûr, d’écrire ce discours pour lui. Que mettriez-vous là-dedans ? ».

Voilà que la méthode scientifique entre en scène. Les trucs à mettre dans un discours politique sont de bonne qualité s’ils réfèrent à ce qui se passe réellement. Donc qu’est-ce qui se passe, en ce qui concerne les systèmes politiques ? Le verbe-même « se passer » devient délicat, ici. Il y a des choses politiques qui se passent au rythme séculaire, il y en a qui prennent des décennies pour se passer complètement et il y a ces bulles politiques soudaines qui gonflent, pour éclater ensuite, en l’espace des semaines.

Le truc avec la science est que ça demande de la recherche. Recherche veut dire effort, effort veut dire énergie, énergie veut dire charge émotionnelle, charge émotionnelle veut dire que la chose ait de l’importance pour nous. On fait le plus de recherche sur les phénomènes qui nous excitent le plus.

Ainsi nous venons à ce petit paradoxe qui hante la recherche sur les systèmes politiques : les bulles momentanées éveillent beaucoup plus d’émotions que les vagues de longue durée, pendant que l’importance respective de ces deux catégories est exactement l’opposé. Ce que nous percevons comme évènements politiques d’actualité sont très souvent des évènements purement médiaux, donc une interprétation journalistique de ce qui se passe plutôt que la description proprement dite. Cette interprétation faite par les journalistes est fréquemment leur réponse plus ou moins informée à une stratégie de communication de la part d’acteurs politiques.

En revanche, une augmentation de 1% de PIB au niveau de la différence entre la dette publique brute et la dette publique nette tous les deux ans pendant 20 ans est pratiquement imperceptible pour le large public et à fortiori a peu de chances d’éveiller quelles émotions que ce soit. L’importance systémique d’un tel changement est cependant fondamentale.

Comment diable utiliser donc la méthode scientifique pour filtrer les faits importants à propos des systèmes politiques de parmi le flot continu de la connerie médiatique ? Permettez-moi donc de présenter un dialogue typique dans lequel je m’engage parfois avec mes étudiants. Un dialogue, ça a besoin des personnes. Disons que c’est un dialogue entre Prof et Étudiant.

Étudiant : Prof, que pensez-vous de cette erreur évidente de la part du président Trump d’imposer ces tarifs sur l’acier importé ?

Prof : Comment savez-vous que c’est une erreur évidente ? Qu’est-ce qui est évident dans toute cette situation, au juste ?

Étudiant : Ben, c’est ce qu’ils ont écrit chez The Economist…

Prof : Alors, c’est qui est évident pour vous est ce qui a été écrit chez The Economist, c’est ça ?

Étudiant : Non, pas tout à fait. Je me fais ma propre opinion sur la base de ce que je lis dans The Economist et dans d’autres sources ?

Prof : Bon, alors faisons une distinction de base. Vous venez de signaler deux jugements différents : évidence et opinion. Vous vous faites une opinion et si vous la percevez comme bien fondée, vous la nommez « évidence », n’est-ce pas ?

Étudiant : Oui, et alors ? Ce n’est pas correct scientifiquement ?

Prof : Regardons ça de près. Comment savez-vous que votre opinion est bien fondée ?

Étudiant : Lorsque je ne trouve plus aucune information qui contredit cette opinion.

Prof : Lorsque vous n’en trouvez plus ou bien lorsque vous n’en cherchez plus ?

Étudiant : Je cherche toujours, je suis curieux de savoir.

Prof : Si vous cherchez toujours, cela veut dire que vous ressentez le besoin d’information supplémentaire, donc que vous considérez votre jugement comme non-définitif. Si, en revanche, vous déclarez d’avoir une opinion bien fondée sur le sujet, cela veut dire que vous n’avez plus de dissonance cognitive qui vous pousserait à chercher l’information supplémentaire. L’un ou l’autre. Alors, quelle est votre position sur ces tqrifs sur l’acier, imposés par Donald Trump ? Vous les considérez comme une erreur évidente, vous avec une opinion bien fondée que c’est une erreur ou bien avez-vous une opinion non-définitive à ce propos ?

Étudiant : Qu’est-ce que je peux considérer comme évident ? Ce que j’observe empiriquement ?

Prof : C’est à peu près ça. Une question : comment savez-vous que vous observez quelque chose empiriquement ?

Étudiant : Lorsque j’observe la réalité, c’est une observation empirique.

Prof : Donnez-moi un exemple d’observation de la réalité.

Étudiant : Maintenant, nous-sommes dans cette salle de classe. C’est une observation empirique de la réalité.

Prof : Comment savez-vous que nous sommes ici et pas ailleurs ? Comment savez-vous que nous sommes ici maintenant et pas dans le passé ou dans le futur ? Comment savez-vous que c’est nous qui sommes ici et pas quelqu’un d’autre ? Comment savez-vous que c’est une salle de classe ?

Étudiant : Prof, avec tout mon respect, j’ai bien lu Bertrand Russell moi aussi. Je sais que toute proposition formulée en une langue humaine est une simplification de la réalité. Mais comment peut-on appliquer cette logique aux tarifs sur l’acier ?

Prof : Voilà qu’on arrive sur le chemin correct de raisonnement. Nous venons d’illustrer quelques principes fondamentaux de méthode scientifique. Vous pouvez les trouver, par exemple, chez Milton Friedman. Passons-les brièvement en revue. Un, tout ce que nous disons à propos de la soi-disant réalité est une hypothèse. Deux, cette hypothèse est formulée sur la base d’axiomes, soit d’hypothèses que nous ne nous emmerdons plus à prouver à chaque fois puisqu’une telle preuve est plus difficile et plus longue que tout ce qu’on pourrait faire avec. Les axiomes sont comme un marteau : pour enfoncer des clous je n’ai pas besoin de connaitre la composition exacte du métal utilisé pour la tête du marteau. Trois, à propos de tout ensemble des phénomènes observable nous pouvons formuler un nombre indéfiniment grand d’hypothèses distinctes. Trois, juste une petite fraction de parmi toutes ces hypothèses sont des propositions vérifiables ; le reste, ce sont des hypothèses spéculatives, intéressantes comme exercice intellectuel, mais pas beaucoup de plus. Quatre, la vérification d’une hypothèse consiste, très précisément, à définir les conditions sous quelles elle est définitivement fausse et non pas définitivement vraie. Il n’existe pas de preuve empirique de la véracité absolue de quelle hypothèse que ce soit. Alors, en ce qui concerne les tarifs sur l’acier, quelles sont les phénomènes le plus directement observables et encombrés de relativement la moindre dose de spéculation ?

Étudiant : Bon, j’essaie. Donald Trump a imposé des tarifs nouveaux sur l’acier ? Est-ce suffisamment objectif ?

Prof : Tout à fait. C’est tellement objectif que ça mérite un développement. C’est le président des États-Unis qui a imposé ces nouveaux tarifs, pas le Congrès. Pour être plus précis, c’est une proclamation présidentielle, un acte exécutif extrêmement flexible, dans le cadre duquel le Président reste entièrement dans le domaine de ses prérogatives discrétionnaires. En termes des relations internationales, Donald Trump a pris une position tout aussi flexible. En principe, il peut reculer ou changer les détails à tout moment. Quoi d’autre, vraiment évident, pouvez-vous observez dans cette situation ?

Étudiant : Ça emmerde le monde ? Je veux dire, les autres gouvernements protestent ?

Prof : Très bien. Nous avons donc le Président des États-Unis qui prend une position très flexible sur un point important des relations internationales et cette position provoque une tension significative dans lesdites relations. Hypothèses ?

Étudiant : C’est provocant ? Je veux dire, c’est une provocation délibérée pour pousser ces gouvernements à prendre des positions claires sur des points où ils préfèreraient rester flous, normalement ?

Prof : Possible, bonne hypothèse. Quelque chose d’autre ?

Étudiant : Il y a un enjeu caché, plus important que l’acier. Toute cette tactique d’escaler la tension est relative à cet enjeu-là ?

Prof : Très spéculatif, mais cohérent. Par « très spéculatif » je veux dire qu’il faudrait pas mal de gymnastique en termes de recherche empirique pour formuler une preuve acceptablement robuste de la véracité de cette hypothèse.

Ce petit dialogue entre le Prof et l’Étudiant montre le chemin de raisonnement scientifique à partir d’une bulle médiatique du genre « mais qu’est qu’il est en train de foutre, ce Trump ! » vers une compréhension à la fois plus pratique et plus rationnelle.

J’ai une remarque importante à faire, à ce point de mon discours. Je ne suis ni un partisan de Donald Trump ni son opposant. Le gars est intéressant, il m’intrigue et il énerve le monde. J’ai horreur de partager des hystéries collectives car lorsque je le fais, je me sens comme un con. Ce que fait Donald Trump en termes de politique est un sujet acceptablement sujet à la recherche – je veux dire qu’il y a une quantité acceptable de matériel empirique – donc je la fais, cette recherche.

Je viens de parler de la compréhension à la fois pratique et rationnelle vers laquelle j’aime conduire mes étudiants. Qu’est-ce qu’il y a de pratique dans les sciences sociales, comme dans les sciences politiques ? Eh bien, toute science est une théorie fondée sur de la recherche empirique. Cette théorie est une généralisation disciplinée de l’expérience pratique et nous pouvons l’utiliser pour prédire notre expérience future. Une science sociale, appréhendée comme une méthode scientifique, est quelque chose qui peut servir.

Imaginez que vous êtes dans l’un de ces shows à la télé, où l’hélicoptère vous dépose au milieu de nulle part et vous avez à trouver votre chemin vers un point de sauvetage. Vous devez impérativement trouver votre chemin, donc trouver des repères, tracer un parcours et se faire une idée réaliste d’effort que vous avez à fournir pour arriver à votre point B.

Une jeune personne au seuil de la vie adulte, donc un étudiant typique, est très largement dans la même situation. L’hélicoptère de l’existence dépose cette personne en un endroit juste un peu familier et ensuite il faut trouver son chemin à travers cette jungle que nous appelons « la vie ». Il est utile de trouver ses repères, donc de comprendre comment fonctionne la structure sociale autour de nous. Il est utile de se fixer consciemment des buts à poursuivre. Ces buts feraient bien d’être à la fois éthiques et réalistes, donc il est utile de comprendre la distinction pratique entre le bien et le mal dans le contexte social précis, et il est tout aussi pratique de savoir quel type d’action marche et le distinguer de ce qui ne marche pas ou bien marche juste un peu.

C’est bien mon approche dans la profession des sciences sociales : montrer comment ça marche en général, montrer les parcours typiques que les gens suivent, et finalement faire comprendre la valeur éthique et le réalisme d’actions prises sur ces parcours. Vous pouvez remarquer que je viens d’utiliser l’expression « la profession des sciences sociales ». Oui, c’est bien une profession pour moi, tout comme si j’étais un charpentier, un plombier (Polonais, sic !) ou un médecin légiste. Je suis profondément convaincu que les sciences sociales, ça doit servir à quelque chose. La physique, la chimie, la géographie – toutes ces autres disciplines scientifiques ont leur jumeaux (ou presque) sous forme d’arts d’ingénierie correspondants. En revanche, les sciences sociales, c’est un peu flou de ce point de vue. Bien sûr, elles sont appliquées – dans le monde de la politique ou celui de la finance – mais je trouve que le parcours qui mène du premier apprentissage théorique à l’application pratique est particulièrement long dans le cas de ce domaine scientifique.

Je continue à vous fournir de la bonne science, presque neuve, juste un peu cabossée dans le processus de conception. Je vous rappelle que vous pouvez télécharger le business plan du projet BeFund (aussi accessible en version anglaise). Vous pouvez aussi télécharger mon livre intitulé “Capitalism and Political Power”. Je veux utiliser le financement participatif pour me donner une assise financière dans cet effort. Vous pouvez soutenir financièrement ma recherche, selon votre meilleur jugement, à travers mon compte PayPal. Vous pouvez aussi vous enregistrer comme mon patron sur mon compte Patreon . Si vous en faites ainsi, je vous serai reconnaissant pour m’indiquer deux trucs importants : quel genre de récompense attendez-vous en échange du patronage et quelles étapes souhaitiez-vous voir dans mon travail ?

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