Plus ou moins les facteurs associés

Mon éditorial

J’ai bien pris un peu d’élan dans la préparation de ce prochain business plan pour du FinTech. Je commence à sentir le terrain autour de moi. J’avance toujours à tâtons, mais ce sont des tâtons de mieux en mieux informés et ces tâtons à moi, ils m’ont conduit dans un volet particulier du FinTech que je définis pour moi-même comme « plateformes transactionnelles ». L’idée de base est simple : j’achète des titres d’achat, à un prix de gros, pour les revendre ensuite aux enchères à un prix de détail comme des coupons promotionnels. Le prix de détail, il devrait me donner une marge brute et en même temps il devrait offrir une occasion aux acheteurs. Initialement, je pensais à une marge transactionnelle comme 4%, mais l’étude du cas Square Inc., une grande société américaine de FinTech, m’a suggéré que c’est soit une marge dans les 50 – 60% soit carrément une perte.

Je vérifie le cas Square Inc. côté bilan et je vois essentiellement ce que je m’attendais à voir : les actifs plus ou moins équivalents en valeur à la somme des revenus, et ce sont des actifs faits surtout des titres liquides. Les créances commerciales ont la part de lion dans tout ça, avec aussi in montant substantiel en des investissements financiers long-terme. Côte capital, donc, Square Inc. est une structure financière plutôt qu’industrielle. Quoi que fondamentalement sans surprises, le bilan de Square Inc. en apporte une quand même : apparemment, ils ne capitalisent pratiquement pas leur dépenses recherche et développement. Dans leur compte d’exploitation ils déclarent de dépenser des centaines des millions de dollars sur ce qu’ils dénomment « développement du produit », mais je n’en vois aucune trace dans le bilan. Pas de brevets, pas de technologie immobilisée – tout comme si tout cet effort de recherche et développement s’en allait en fumée. Étrange.

La morale de base que je tire de ce précis conte de fées est qu’une plateforme transactionnelle comme je l’ai décrit deux paragraphes avant a besoin d’un capital plus ou moins égal à la valeur agrégée des transactions accomplies, côté prix de vente. Si j’achète des titres d’achat chez H&M pour $1 million et je les revends en détail pour $1,5 million, j’aurai besoin d’à peu près $1,5 million dans mon bilan et ainsi de suite.

Dans ma chasse au gibier FinTech je commence à suivre une autre proie : la société allemande FinTech Group AG . Par habitude professionnelle je commence avec les chiffres. Ils avaient fait 95 millions d’euros de revenu en 2016, contre 75 millions en 2015. La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont profitables : niveau opérationnel, ils avaient fait €25,5 millions de bénéfice en 2016, ce qui s’était traduit en €12,3 millions de bénéfice net après avoir pris en compte les pertes enregistrées dans les opérations revendues en cours de l’année.

Beaucoup plus petit que Square Inc. – vingt fois plus petit pour être exact – FinTech Group AG semble suivre un modèle opérationnel tout à fait différent. La première différence c’est bien sur le bénéfice substantiel. Ensuite, pendant que Square Inc semble être surtout une plateforme de commerce comme dans mon idée de base, FinTech Group semble être concentré sur les services de paiement : leur revenu vient surtout des commissions transactionnelles, pas des marges. Ils déclarent que leur technologie de facilitation des paiements peut servir n’importe quel ensemble de transactions. Selon les propres mots de leur CEO, Mr Frank Hiehage, FinTech Group AG est capable de créer une banque en ligne juste comme ça, à partir de zéro.

Voilà qui est intéressant. Deux modèles opérationnels complètement différents. Square Inc va dans la marge transactionnelle et dans les économies d’échelle (consultez The smaller more and more in FinTech) et continue de noter une perte opérationnelle. FinTech Group AG s’est engagé dans les services transactionnels strictement dits, à une beaucoup moindre échelle et ça dégouline le bénéfice d’exploitation, carrément. Ici, un petit cours d’économie pratique me semble de rigueur. Vous pourriez demander – et à juste titre – à quoi bon créer une structure économique qui apporte une perte comptable. Eh bien, imaginez une grosse marmite, je veux dire une vraiment grosse, comme dans les aventures d’Asterix, avec de la soupe qui mijote à l’intérieur. Si la marmite est vraiment grosse, vous êtes certains de trouver des ingrédients de la soupe juste à côté. Ici une côte de porc, excellente pour cuire une soupe polonaise au choux, là une poignée des carottes, un peu plus loin une aile de poulet etc. Même si la soupe est vraiment dégueulasse, ‘y a de quoi se nourrir autour de la marmite. A mesure que la marmite rétrécit, il y a de moins en moins de ces miettes salutaires. Avec une petite marmite, vous êtes obligé de faire une bonne soupe. Avec une grosse, vous pouvez vous permettre de se ficher éperdument du goût, puisque vous pouvez vous nourrir comme vous vous occupez de la cuisson.

Dans le business, les ingrédients de base sont le travail et le capital. Avec un gros business sur la planche, il y a toujours des miettes : un boulot pour un an, payé un demi-million de dollars par mois, ou bien une marge juteuse sur la revente d’actions managériales etc. Dans un gros business vous avez un gros bilan et ce bilan vous permet de couper de petits bouts pour vous.

Voilà un autre business à étudier, celui de Katipult, une société canadienne qui a créé une plateforme transactionnelle simplifiée pour investir directement dans le marché financier. Pour tous ceux qui en savent un peu sur les marchés financiers, chaque mot de la phrase précédente gueule pour qu’on l’explique. Dans ce cas précis, l’explication en elle-même est un investissement. Chez Katipult, vous vous inscrivez dans une plateforme transactionnelle, un peu comme chez Ethereum, seulement voilà : chez Ethereum, vous téléchargez le logiciel et vous vous connectez à leur plateforme d’échange gratuitement, pendant que chez Katipult le logiciel et la première connexion ça coûte $15 000 et ensuite vous payez $2 000 par mois comme abonnement.

Forcément, avec ces prix, la description détaillée des fonctionnalités essentielles de cette technologie est réservée aux abonnés. J’essaie de déconstruire leur modus operandi à partir de l’information succincte offerte sur le site relations investisseurs. Alors, Katipult offre une plateforme transactionnelle similaire à celle des crypto-monnaies : au lieu d’acheter ou de vendre des valeurs en Bourse directement, vous achetez et vendez des tokens de valeur sur la plateforme Katipult et chaque token représente une transaction avec une valeur cotée en Bourse. Au lieu d’acheter les actions de Lufthansa, par exemple, chez un courtier officiel, je les achète sous forme des tokens sur la plateforme Katipult. Même chose pour la vente. Question légitime : pourquoi diable ? Pourquoi ne pas faire du trading par moi-même ? J’aime bien faire du trading, moi.

Chez Katipult, ils déclarent s’adresser surtout aux clients (investisseurs) professionnels, ce qui est compréhensible vu le prix. Dans ce cas, je comprends. Enfin je crois. In investisseur professionnel c’est une bête extrêmement occupée. Un portefeuille de 400 valeurs ça se gère d’une façon autrement plus complexe. Je sais ce que je dis : mon record personnel, en termes de portefeuille en Bourse, ce fût 19 valeurs et je sentais que je contrôle à peine ce qui se passe et encore, ce n’étaient que des actions. Lorsque vous étendez votre champ de mire sur les dérivatifs, les contrats à terme, les obligations etc. la complexité de gestion croit en exponentielle. En termes de théorie traditionnelle des marchés financiers, ce qu’ils font, chez Katipult, c’est comme si une maison de courtage en Bourse créerait un marché interne entre ses propres clients. Ils déclarent qu’organiser les échanges sous la forme d’une plateforme Blockchain ça va plus vite et plus efficace.

Katipult présente un forme légale intéressante. Je dirais même que c’est une structure plutôt qu’une forme simple. Katipult est une société par actions, donc vous pouvez acheter leurs actions. Apparemment, pour autant que je peux deviner sans payer $15 000 de ticket d’entrée, lorsque vous signez un contrat d’investissement avec Katipult, vous achetez en même temps des titres de participation dans un fonds d’investissement couplé avec cette plateforme transactionnelle. En plus, ils vendent des obligations.

Alors, les chiffres. J’ai téléchargé leur prospectus d’émission d’actions. Relativement frais, celui-là, ça date du 27 Octobre 2017. Encore chaud, pratiquement. J’y trouve une structure d’entreprise bâtie autour de deux personnes morales ou deux entités légales, si vous voulez. Il y a Katipult Technologies Inc., qui est le successeur légal de Deha Capital Corp. et qui contrôle 100% du capital social d’une autre entité, JOI Media Inc. Le truc marrant est que – contrairement aux lois de la nature – la société filiale, ici, est l’aïeule de la société mère. Ça arrive parfois, chez les aristocrates. En dollars canadiens Deha Capital représente un bilan de CA$519 480  = US$402 961 et sur la première moitié de 2017 ils ont fait juste des dépenses, sans revenus, donc une perte de CA$126 595 = US$98 200.

Le gosse plus ancien que sa maman, donc JOI Media Inc., se balade avec un bilan de CA$422 522 = US$327 750 et le gosse, il ne se débrouille pas mal. Un revenu en belle croissance depuis 2014 avait atteint, en 2016, CA$797 512 = US$618 630, avec un bénéfice d’exploitation de CA$140 453 = US$108 949. Ça donne 17,6% de taux de rentabilité. Respectable.

Il est temps de donner un résumé partiel. Ma chasse au gros gibier FinTech m’a mis sur les traces de trois bêtes différentes, apparemment des trois espèces différentes. Le cas Square Inc. c’est du poids lourd à l’échelle FinTech, avec 2 milliards de dollars américains en termes de revenu ainsi qu’en termes de capital dans le bilan. A en juger par leurs finances, ils sont spécialisés dans les systèmes de paiement basés sur leurs propres unités de valeur. Pas tout à fait une crypto-monnaie, plutôt quelque chose comme des coupons d’achats. Pas terriblement profitable, en fait pas profitable du tout, le truc semble être de grossir en taille financière et de vivre des miettes dégagées par les flux de trésorerie. Le cas FinTech Group AG semble suivre un sentier différent. Cette société allemande dotée d’un bilan juteux de €1 533 994 à la fin de 2016 se spécialise dans la technologie des paiements en tant que telle et sa mission semble être de digitaliser les marchés rencontrés. Ça ne renverse pas en termes de chiffre d’affaires – €95 021 en 2016 – mais c’est bien profitable. La troisième bête – Katipult – c’est une application créative de la technologie Blockchain et de la philosophie de crypto-monnaie à l’échange boursier. Ce troisième cas semble être particulièrement intéressant en raison de ses proportions entre le capital, le chiffre d’affaires et le bénéfice d’exploitation : ces gars de chez Katipult, ils semblent carrément extraire du pognon à partir du roc aride.

Ce que je vois ce sont des business très différents en taille et en productivité financière, avec un dénominateur commun : ils se développent là où il est possible d’éveiller de l’intérêt chez les clients en leur offrant une réduction des coûts de transaction. Dans chacun des trois cas que je viens d’étudier, la mission de la boîte est de réduire les coûts des transactions. Comme je suis un scientifique, une tête d’œuf, comme nous disons en Pologne, je cherche des points d’attache dans la théorie et la théorie, ici, elle frappe son poing à la porte carrément. C’est la théorie des coûts de transaction, précisément, avec Oliver Williamson comme nom le plus proéminent. Selon professeur Williamson, les coûts de transaction croissent en proportion à trois facteurs : incertitude, opportunisme dans les comportements économiques et la spécificité des actifs. La dernière veut dire attachement spécifique à des champs d’application particuliers et peut être interprétée comme l’inverse de liquidité des actifs.

Le FinTech, ça semble donc avoir la plus forte raison d’être dans les marchés à haute incertitude dans les échanges, possiblement attachée à l’opportunisme nocif chez les agents économiques, tous les deux accompagnés par une liquidité du capital perçue comme insuffisante. Ce sont plus ou moins les facteurs associés à un changement technologique accéléré et en même temps à la monétisation croissante de l’économie. En gros, c’est ce que j’avais décrit dans  mon article sur Impakter.com ainsi que dans deux articles plus académiques : « Financial equilibrium in the presence of technological change » et « Technological change as a monetary phenomenon ».

Voici le paradoxe de FinTech – à travers un changement technologique rapide ça apporte des solutions aux problèmes crées par du changement technologique rapide – et voilà que mon bouledogue joyeux interne commence à frétiller. Il adore mordre dans les paradoxes. Lorsqu’il réussit à mordre bien profond dans un paradoxe, il peut extraire des séquences d’évènements très intéressantes et les séquences intéressantes c’est une aubaine pour les deux autres, mon singe curieux et mon moine austère. Le premier suit les séquences et va voir où elles mènent, pendant que le deuxième s’occupe à couper et pousser de côté de la connerie rencontrée sur le chemin.

Bon, je viens de formuler mon concept de business, à développer sous forme d’un business plan. Je retourne à ma vieille idée de Wasun (consultez Moins de conneries dans l’unité de temps ou bien Conversations between the dead and the living (no candles) par exemple). Je vais préparer un business plan pour l’introduction des solutions FinTech dans le marché d’énergie avec une mission de faciliter le développement d’énergies renouvelables, surtout dans le cadre des villes intelligentes.

Eh ben dis donc ! Cette fois, ça m’a pris moins d’une semaine pour formuler mon idée de base pour le prochain business plan. Comparé aux deux mois que j’avais mis pour mettre sur pied l’idée de base de mon business plan précèdent, celui du projet BeFund, c’est du supersonique. Ça o tout l’air d’un cas d’apprentissage à vitesse croissante.

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